La pression s’accentue: après une plainte pour « corruption » et « détournement de biens » visant la Fédération française de tennis (FFT) avec en toile de fond la billetterie de Roland-Garros, l’association Anticor a elle aussi effectué un signalement au Parquet national financier (PNF), a-t-on appris mardi de source proche du dossier.
Le 16 mars, une plainte contre X a été déposée par des cadres et d’ex-dirigeants de la FFT pour « détournement de biens » et « corruption ».
Les plaignants accusent l’actuel président de la FFT Gilles Moretton, élu le 13 février 2021, et deux de ses proches, l’actuel trésorier Jean-Luc Barrière et son ancien directeur de cabinet Hugues Cavallin, d’avoir « organisé le détournement de billets du tournoi de Roland-Garros au préjudice de la FFT » et de s’être « exonérés des conséquences de leurs méfaits ».
« Boules puantes »
Cette plainte puis le signalement d’Anticor, déposé le 22 mars, révélé par Mediapart et que l’AFP a pu consulter, « sont encore à l’analyse », a précisé le PNF, sollicité par l’AFP.
Dans son signalement, l’association de lutte contre la corruption relève les mêmes faits que ceux contenus dans la plainte. Il s’agit de reventes de billets, illégales selon eux, opérées par la Ligue Auvergne-Rhône-Alpes (AURA) de tennis (présidée de 2018 à 2021 par Gilles Moretton) et par le comité de Paris (dirigé par Jean-Luc Barrière, désormais trésorier de la FFT).
Le comité parisien est notamment soupçonné d’avoir revendu quarante billets pour l’édition 2019 du tournoi de Roland-Garros « à la société AS Events », une société dont la compagne de Hugues Cavallin, ancien président du comité de Paris jusqu’en 2017, « détient 50% des parts », selon Anticor.
Anticor mentionne également, comme les plaignants, le monnayage de 80 billets par la Ligue AURA, alors présidée par Gilles Moretton, dans le cadre de contrats de partenariats noués avec des sponsors en échange de ces billets premium pour l’édition 2020 Roland-Garros.
Or ces pratiques n’étaient plus permises depuis septembre 2017 selon Anticor, rappelant qu’après cette date, « seule la FFT pouvait désormais procéder à la vente de ses places » et que les ligues régionales pouvaient certes en acheter « pour gérer leurs relations publiques » – « les offrir afin de favoriser le développement de leurs relations publiques », précise l’association -, mais pas pour « les revendre à des tiers ».
Une analyse que ne partage pas le président de la FFT, qui, s’il reconnaît bien avoir vendu des places dans des packages commerciaux pour l’édition 2020, réfute auprès de l’AFP toute irrégularité, et parle de « boules puantes » au sujet de ces affaires.
Gilles Moretton avance que « toutes les Ligues avaient l’autorisation de vendre des places dans des packages relations publiques, à des partenaires » jusqu’à un vote de l’Assemblée générale de la FFT en décembre 2019.
« Les Ligues avaient le droit de vendre des places reçues par la FFT ou de faire leurs propres +Relations Publiques+, mais elles n’avaient pas le droit de les revendre dans des +packaging (places, restaurants, accueil…)+ intégrés dans des contrats de partenariats », explique pour sa part un ex-cadre de la FFT.
Anticor suggère également au PNF de se pencher sur les conditions dans lesquelles l’ex-directeur de cabinet de Gilles Moretton, Hugues Cavallin, d’abord engagé sur la liste du président sortant Bernard Giudicelli, a pris la décision de finalement soutenir au dernier moment de la campagne la liste de Gilles Moretton, « un soutien déterminant », écrit Anticor.
Pour l’association, si ce soutien a été négocié avec pour contrepartie la nomination de Hugues Cavallin au poste de directeur de cabinet (février 2021-mai 2022) du président de la FFT, « un tel accord pourrait caractériser l’infraction de corruption ».
« Enterrement de première classe »
L’ex-trésorier faisait également l’objet, tout comme Gilles Moretton, d’une saisine de la commission des litiges par Bernard Giudicelli au sujet de possibles ventes illégales de billets.
Cinq jours après l’élection de Gilles Moretton, un Comité exécutif auquel a participé l’actuelle ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, alors DG de la FFT, a définitivement mis un terme à la procédure par un vote « à l’unanimité », selon les PV consultés par l’AFP.
Ce vote est problématique, selon la présidente d’Anticor, Élise Van Beneden, qui a évoqué dans Mediapart « un enterrement de première classe ».
A ce jour, aucune mission d’inspection n’a été lancée par Matignon (c’est la Première ministre qui exerce la tutelle de la FFT, et non le ministère des Sports en vertu d’un décret pris pendant l’été 2022 tenant compte du passage d’Amélie Oudéa-Castéra à la direction générale de la FFT).
Interrogée mardi matin en marge d’un déplacement, cette dernière a d’ailleurs rappelé être dans l’impossibilité légale de commenter ces affaires.
AFP