L’Europe dévoile ses futurs ballons stratosphériques à usage militaire

Les ballons chinois qui ont fait le buzz il y a quelques semaines, soupçonnés d’espionner les États-Unis et d’autres pays depuis la stratosphère, ont montré leur utilité pour ce type d’opérations militaires. Mais, saviez-vous que l’Europe souhaite également se doter d’une flotte de ballons stratosphériques à usage militaire, mais pas seulement ? Yannick Combet, chef de projet chez Thales Alenia Space, nous explique le programme EuroHAPS.

Les ballons chinois qui ont récemment survolé le territoire des États-Unis et du Canada ont mis en lumière l’intérêt croissant pour ce type d’engins utilisés à des fins militaires. Alors que plusieurs ballons de ce type ont déjà été soupçonnés d’espionnage par le passé, l’utilisation de la stratosphère – entre le trafic aérien et l’espace – peu utilisé jusqu’à présent, devrait s’amplifier à l’avenir.

En effet, les ballons stratosphériques sont bien plus nombreux qu’on ne le pense à dériver au gré des vents dans cette région de l’atmosphère que l’on situe entre 15 et 50 kilomètres d’altitude. On trouve donc principalement des ballon à usage météorologique, scientifique et militaire. D’autres sont utilisés pour de la démonstration technologique afin de valider de nouvelles technologies ainsi que pour réaliser des expériences scientifiques dans un environnement « quasi spatial ». On trouve également des ballons privés pour des marchés liés à la surveillance environnementale et militaire.

Le buzz des ballons chinois met en avant une communauté peu connue du grand public

Les ballons chinois ont également fait un buzz incroyable pour la communauté des ballons, dont le grand public a découvert l’existence et toute l’utilité d’opérer depuis cette région stratégique de l’atmosphère. En effet, à ces altitudes les ballons stratosphériques sont bien plus proches du sol que ne le sont les satellites, ce qui permet aussi des données précises, voire de meilleure qualité pour certains domaines.

Mais le plus gros avantage sur les satellites, c’est que les ballons ne sont pas limités par un parcours en orbite et peuvent donc observer plus longuement, puisqu’ils peuvent demeurer au même endroit pendant plusieurs jours, voire des semaines ou des mois. La permanence est donc un vrai avantage d’autant plus que depuis ces altitudes, un ballon peut couvrir une zone d’environ 500 kilomètres de large. Autre intérêt, ils peuvent être facilement reconfigurables ou changer de charge utile. Enfin, ils sont suffisamment proches de la surface terrestre pour utiliser des instruments low cost.

Stratobus, le dirigeable stratosphérique de Thales Alenia Space, peut être vu comme le « chaînon manquant » entre les drones et les satellites. © Thales Alenia Space, Emmanuel Briot

STRATOBUS, LE DIRIGEABLE STRATOSPHÉRIQUE DE THALES ALENIA SPACE, PEUT ÊTRE VU COMME LE « CHAÎNON MANQUANT » ENTRE LES DRONES ET LES SATELLITES. 

Il y a donc un énorme intérêt pour ce type de véhicules car très complémentaires des solutions aéroportées et satellitaires. En Europe, plusieurs projets de véhicules stratosphériques « dronisés », à consonance militaire sont à l’étude. Trois d’entre eux sont réunis dans le projet EuroHAPS (Démonstration de systèmes de plateforme à haute altitude) de la Commission européenne. Piloté par Thales Alenia Space, ce projet vise à développer « plusieurs démonstrateurs stratosphériques à échelles réduites, dédiés à différentes missions et visant à améliorer les capacités de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR et de télécommunications) », nous explique Yannick Combet, chef de projet chez Thales Alenia Space.

Il s’agira de réaliser des démonstrations en vol, prévues à partir de 2024, et de démontrer les capacités de ces trois types de plateformes stratosphériques complémentaires :

  • un Stratobus échelle réduite, de Thales Alenia Space, un dirigeable propulsé à l’énergie solaire assurant des missions de longue durée et avec une forte capacité d’emport de charge utile ;
  • un HHAA (Hybrid High Altitude Airship), de Cira (tactical HAPS), un dirigeable hybride dont la portance est aussi générée par un profil d’aile et développé par l’Italie ;
  • un ASBaS (Autonomous Stratospheric Balloon System), d’ESG et de TAO, qui est composé de trois ballons en série, contrôlables en altitude. Il est réalisé par l’Allemagne.

Comme nous l’explique Yannick Combet, ces « démonstrations en vol de différents types de HAPS permettront de lever les principaux risques techniques ainsi que daffiner le besoin opérationnel en vue de préparer le développement de futurs systèmes HAPS ». Ces trois concepts, aux designs très différents, sont complémentaires et ensemble répondent à une grande variété de besoins qui « sont militaires donc, mais aussi environnementaux (surveillance des risques incendies, feux, animaux protégés, dégazages sauvages…), lors de crises humanitaires, catastrophes naturelles et utiles à la surveillance de site ».

Des véhicules aériens pas seulement à usage militaire

Vous connaissez sans doute le Stratobus de Thales Alenia Space dont nous suivons le développement amorcé en 2016 et qui se poursuit à un rythme moins soutenu qu’initialement prévu. Bien que ce dirigeable « dronisé » ait suscité un vif intérêt, le plan de financement de ce programme reste complexe et impacte le planning de développement. Qu’il soit retenu dans EuroHAPS et que plusieurs pays aient montré leur intérêt, devrait accélérer son développement et sa mise en service qui pourrait intervenir à la fin de la décennie.

Le véhicule italien s’apparente à un « dirigeable en forme d’aile d’avion et fonctionne comme un planeur ». Long de 23 mètres, ce ballon n’est pas furtif et embarque une charge utile « pour l’écoute et la guerre électronique qui se situe sous son ventre ». C’est un « véhicule tactique, comprenez non endurant et de faible capacité d’emport, mais qui peut se déployer rapidement au-dessus d’un théâtre d’opérationsIl peut « décoller » pas complètement gonflé, et se gonfler au fur et à mesure qu’il monte et que la pression de l’air diminue ». La forme du ballon s’explique par une question de masse. Sa portance se fait avec le volume du ballon. Il est développé et réalisé par Cira, l’équivalent italien de l’Onera.

Le concept italien de ballon stratosphérique et tactique à usage militaire. © Cira

                                 LE CONCEPT ITALIEN DE BALLON STRATOSPHÉRIQUE ET TACTIQUE À USAGE MILITAIRE. 

Quant au véhicule allemand, il emportera une charge utile de télécommunication militaire. Sa forme est très surprenante mais d’une grande simplicité. Il s’agit « d’une succession de ballons accrochés les uns aux autres dont la forme génère beaucoup de portance ». Contrairement au Stratobus de Thales Alenia Space, ce véhicule « n’est pas conçu pour rester stationnaire au-dessus d’un même point, bien qu’il soit motorisé ». Il décrit des trajectoires de forme oblongue. Sa mise en œuvre est relativement simple. Comme pour le véhicule italien, il se gonfle au fur et à mesure qu’il monte à travers l’atmosphère.

Le concept allemand de ballon stratosphérique. Contactée, la société ESG n'a pas souhaité fournir d'autres images que celle illustrant cet article. © ESG

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