Succédant à son homologue français Emmanuel Macron, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, dit Lula, est arrivé mercredi soir en Chine pour une visite de quatre jours. Au menu : Ukraine, économie et Sud Global.
Avec une visite de quatre jours en Chine démarrée mercredi, et une rencontre prévue vendredi avec Xi Jinping, Luiz Inácio Lula da Silva, dit Lula, continue l’intense marathon diplomatique entamé dès son investiture, le 1er janvier dernier. Le dirigeant brésilien entend ainsi relancer une relation sino-brésilienne aux importants enjeux, mais aussi marquer le retour du Brésil sur la scène internationale, après une ère Bolsonaro où le géant latino s’était retrouvé dans un rôle de paria.
« Lula veut réinscrire le Brésil dans les affaires du monde, et montrer qu’il peut jouer un important rôle de médiateur dans un ordre multipolaire », explique Gaspard Estrada, politologue à Sciences Po. « C’est d’ailleurs cohérent avec la tradition politique brésilienne qui a toujours privilégié le multilatéralisme. Le Brésil compte bien tirer son épingle du jeu et être un pivot dans les relations internationales. »
Le Brésil de retour sur la scène internationale
Depuis son investiture, Lula, qui vise une place au Conseil de sécurité de l’ONU et présidera le G20 l’an prochain, a ainsi été en Argentine et en Uruguay et a rencontré Olaf Scholz et Joe Biden. Il se trouve maintenant en Chine, où il devrait s’entretenir, entre autres sujets, de l’Ukraine avec Xi Jinping.
Le dirigeant brésilien ambitionne de proposer un « plan de paix » à l’Ukraine et à la Russie, élaboré avec la Chine et d’autres pays ‘neutres’ dans le conflit. Rejoignant l’ambiguïté chinoise, il a à la fois condamné l’usage de la force de Vladimir Poutine, sans pour autant le sanctionner, tout en laissant entendre que la Russie devrait se retirer d’Ukraine mais conserver la Crimée.
Une position intermédiaire, en rupture avec le point de vue occidental, mais partagée par de nombreux pays du « Sud Global », à laquelle Russie et Ukraine ont pour le moment opposé une fin de non-recevoir.
Se poser comme un des leaders du « Sud Global »
« Il est clair que Lula et Xi Jinping entendent travailler ensemble sur le dossier ukrainien, et porter une ligne différente de celle de l’Occident, à partir de leur statut de pays ‘neutres’, analyse Christophe Ventura, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), auteur de « Géopolitique de l’Amérique Latine », aux éditions Eyrolles (Paris, 2022). Si cela aboutissait, cela renforcerait Lula, qui a bien conscience qu’il ne peut pas imposer un plan de paix sans la Chine, mais veut jouer de sa faculté à dialoguer avec tout le monde, pour se poser comme un des leaders du « Sud Global ». »
Le leader brésilien entend également relancer les « Brics », ce groupe disparate de pays émergents au rôle croissant, qui réunit le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, et dont un sommet est prévu l’été prochain à Pretoria.
« Depuis le début du conflit, remarque Mylène Gaulard, maîtresse de conférence en économie à l’Université de Grenoble et spécialiste des relations sino-brésiliennes, ces pays ont mis leurs discordes de côté et se sont rapprochés, politiquement et économiquement, dans un pôle distinct des États-Unis et de l’Union européenne. Le Brésil entend y jouer son rôle. »
Nouvelles routes de la Soie
L’économie sera d’ailleurs au centre de la visite de Lula, la Chine étant devenue le premier partenaire économique du Brésil, qui lui destine un tiers de ses exportations. Une délégation de 200 chefs d’entreprises brésiliens – bien plus importante que celle présente lors du déplacement de Lula à Washington en février – a ainsi précédé le président brésilien en Chine fin mars, et négocié une vingtaine d’accords commerciaux.
Les deux pays ont notamment décidé d’échanger directement dans leurs monnaies nationales en se passant du dollar. Un pied de nez aux États-Unis, mais aussi un moyen de se prémunir de l’instabilité économique des pays occidentaux et de la volatilité du dollar, souligne Mylène Gaulard.
Cet étroit rapprochement pourrait en sus se doubler d’une entrée du Brésil dans les Nouvelles routes de la Soie, le pharaonique projet d’investissements chinois. Une façon pour Lula de renforcer les échanges entre les deux pays et de développer les investissements sur son territoire, alors que le Brésil traverse une mauvaise passe économique et que ses perspectives de croissance sont modestes en 2023.
Si les discussions aboutissent, le Brésil rejoindra ainsi la vingtaine de pays latino-américains participant déjà au projet chinois.
france24