Des chercheurs ont généré des mini-éruptions solaires en laboratoire

Des chercheurs sont parvenus à reconstituer des structures qui apparaissent à la surface de notre étoile lorsqu’une une tempête solaire se prépare. Une bonne nouvelle pour la recherche fondamentale, mais aussi pour les efforts de prévention contre ces phénomènes potentiellement cataclysmiques.

Notre Soleil approche en ce moment du pic de son cycle d’activité de 11 ans, qui culminera en 2025. À l’approche de cette échéance, les éruptions solaires se font de plus en plus nombreuses et intenses, et le risque associé à ces phénomènes augmente à vue d’œil. Malheureusement, les chercheurs sont encore incapables de prédire parfaitement les caprices de notre étoile ou de nous en protéger. Pour mieux comprendre ces événements, une équipe américaine a pris le parti… de construire des modèles réduits.

Très vulgairement, notre Soleil n’est qu’une vaste boule de gaz incandescent. Les réactions qui l’alimentent génèrent d’immenses quantités de plasma — le quatrième état de la matière où des charges électriques ont été arrachées à leurs atomes et flottent librement dans le milieu.

La présence de ce plasma joue un rôle déterminant dans cette vaste marmite thermonucléaire, et notamment au niveau de son champ magnétique. Or, les fameuses éruptions solaires ont justement tendance à émerger des perturbations de ce champ magnétique.

Cela suggère l’existence d’un lien entre le comportement du plasma au cœur de l’étoile et l’apparition de ces phénomènes à la surface. Mais jusqu’à présent, personne n’a encore réussi à mettre le doigt sur l’élément précis qui permettrait de faire le lien. Les scientifiques sont capables de repérer les conséquences de ces événements, mais pas de remonter jusqu’à leur origine.

« Les observations solaires détecter les particules hautement énergétiques et les rayons X, mais elles ne peuvent pas révéler le mécanisme qui en est à l’origine parce que l’accélération des particules se passe à une échelle bien plus petite que la résolution observable », commence par expliquer l’équipe de Yang Zhang, physicien affilié à la prestigieuse université américaine Caltech.

Un zeste de Soleil en boîte

Dans une expérience repérée par ScienceAlert, Paul Bellan, également physicien à Caltech, a conçu un appareil spécialement prévu à cet effet. Son objectif était de reconstituer les boucles coronales, les superbes volutes qu’on voit apparaître en bordure du Soleil sur certaines photos. Il s’agit d’arches de plasma qui suivent précisément les lignes définies par le champ magnétique. En règle générale, elles apparaissent dans des zones d’activité intense où on s’attend à voir émerger des éruptions solaires.

La machine commence par générer un champ magnétique dans une chambre à vide. Une fois les électro-aimants stabilisés, l’équipe a injecté un mélange de gaz à proximité d’une électrode qui délivre un puissant courant électrique. L’objectif de la manœuvre, c’est de générer et de maintenir un plasma artificiel. En substance, c’est à peu près le même processus qui est utilisé dans les tokamaks de type ITER, mais à une échelle extrêmement réduite.

À ce stade, l’équipe espérait assister à l’apparition de boucles de plasma analogues à celle du Soleil — et leurs efforts ont été récompensés. Ils ont réussi à générer plusieurs boucles d’une vingtaine de centimètres qui ont subsisté pendant environ 10 microsecondes — dix fois moins qu’un clignement d’œil standard.

C’est évidemment sans commune mesure avec les boucles coronales de notre étoile. Ces dernières peuvent mesurer plus de 100 000 km de diamètre et persister pendant plusieurs heures. Mais grâce à une caméra ultrarapide, les chercheurs ont tout de même pu étudier précisément l’architecture de ces mini-reconstitutions.

Des mini-boucles qui ont tout des grandes

Et cette analyse a produit des résultats très intéressants. Ils ont notamment pu apporter des précisions sur une découverte très importante. En effet, d’autres astronomes ont déterminé récemment que la structure de ces boucles n’était pas uniforme. Elles se présentent en fait comme des sortes de « tresses fractaloïdes » qui sont entremêlées pour former un long cordon.

Ces mêmes travaux ont montré que cette structure est très importante. En effet, lorsqu’un courant électrique trop important traverse une boucle, la structure du plasma est endommagée. Les auteurs expliquent que dans ces conditions, la « corde » commence à s’entortiller sur elle-même. Cela produit une instabilité en forme de tire-bouchon (ou “kinkqui conduit à la rupture successive des différents fils.

une reproduction à petite échelle des boucles coronales du Soleil

Et lorsque les dernières attachent cède, toute l’énergie accumulée dans la boucle est relâchée en un clin d’œil, un peu comme un élastique qui claque. Ces décharges peuvent être équivalentes à l’explosion de plusieurs milliards de bombes nucléaires en un instant.

En étudiant le processus microseconde par microseconde, les chercheurs ont remarqué que leur modèle réduit présentait aussi ces instabilités. Ils ont aussi observé que les ruptures étaient accompagnées d’un pic de tension et d’une émission de rayons X.

Un modèle viable pour étudier la dynamique du Soleil

Au bout du compte, cette étude ne révèle aucune découverte majeure sur l’origine des boucles coronales. Mais cela ne signifie pas qu’elle est inintéressante, bien au contraire. Tous ces résultats montrent que les simulations à petite échelle se comportent à peu près comme les arches de plasma grandeur nature : il s’agit donc d’un bon modèle assez représentatif.

Or, les modèles de ce genre font partie des armes les plus importantes de l’arsenal des physiciens. Si de nombreux phénomènes restent mystérieux, c’est en grande partie parce que les spécialistes n’ont pas de moyen de les reconstituer pour les étudier dans le détail. Avec cette maquette, les astrophysiciens pourront désormais étudier ces structures dans le détail et dans des conditions très contrôlées, sans dépendre d’une sonde spatiale.

parker-solar-probe

On peut donc s’attendre à ce que cette étude fasse accélérer la recherche sur la dynamique du Soleil. Par extension, cela permettra peut-être de remonter aux origines des mécanismes qui génèrent les éruptions solaires, éjections de masse coronale, et autres phénomènes de ce genre. Les spécialistes pourront donc les anticiper encore plus précisément. La boucle est bouclée !

Avec un peu de chance, cela permettra d’éviter de mauvaises surprises comme celle du 24 mars dernier. A cette date, une éruption solaire exceptionnelle a frappé la Terre au nez et à la barbe des astro-météorologues.

Certes, le fait d’en savoir plus sur le mécanisme ne permettrait pas de nous sauver d’une éruption incroyablement intense et destructrice, comme ça a été le cas lors du fameux Événement de Carrington… mais ça serait déjà un grand pas dans cette direction. D’ici là, il ne reste qu’à croiser les doigts en espérant que le Soleil restera tranquille ces prochaines années.

Caltech

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