Le Festival de Cannes fait la part belle aux réalisatrices pour son édition 2023 avec six femmes en compétition pour la Palme d’or, dont deux Françaises. Loin d’atteindre la parité, cette annonce suscite malgré tout l’espoir de voir une réalisatrice remporter le prestigieux prix. Elle reflète aussi les difficultés pour les femmes d’accéder à un métier encore essentiellement masculin.
Six femmes sont en lice cette année pour décrocher la Palme d’or du 76e Festival de Cannes. Un record pour cette institution du cinéma mondial qui a dévoilé sa sélection officielle jeudi 13 avril. Jamais autant de réalisatrices n’ont figuré en compétition pour la prestigieuse distinction, qui comprend une sélection de dix-neuf films.
Cinq femmes figuraient dans les rangs pour la Palme d’or l’an dernier sur une vingtaine d’œuvres en compétition. Mais seules deux réalisatrices ont, jusqu’à présent, remporté le prix en 76 années d’existence : la Néo-Zélandaise Jane Campion pour « La Leçon de piano » en 1993 et Fa française Julia Ducournau avec « Titane » en 2021.
« Ça ne suffit toujours pas, on adorerait arriver un jour à la parité. Néanmoins, on salue le fait que les choses évoluent et on a envie de croire que c’est annonciateur d’un changement sur le long terme », note Clémentine Charlemagne, coprésidente du collectif 50/50, une association française qui promeut l’égalité des femmes et des hommes dans le cinéma et l’audiovisuel.
Le festival est l’un des premiers à avoir signé, en 2018, une Charte pour la parité et la diversité dans les festivals de cinéma portée par ce collectif, en pointe sur ces questions dans le milieu. Pour autant, « historiquement ce n’est pas un festival qui fait référence en matière de parité », rappelle Clémentine Charlemagne, alors que la France voit émerger et s’affirmer de plus en plus de réalisatrices.
Les réalisatrices françaises en force
Parmi celles qui sont à l’honneur cette année dans la sélection pour la Palme d’or, la présence de deux Françaises, Catherine Breillat avec « L’Été dernier » et Justine Triet avec « Anatomie d’une chute » témoigne de cette vitalité des femmes dans le cinéma français. « 80 % des films français en compétition dans la sélection officielle sont réalisés par des femmes », applaudit Clémentine Charlemagne.
De quoi se réjouir quelques mois après la cérémonie des Césars 2023, marquée par l’absence de femme nommée dans la catégorie de la meilleure réalisation, et ce pour la première fois depuis 2014. Une sous-représentation qui n’est pas nouvelle, puisqu’une seule femme, Tonie Marshall (« Vénus Beauté »), a reçu le prix de la meilleure réalisation depuis la création des Césars en 1976.
Dans le métier, les réalisatrices forment 24 % des rangs, d’après une étude du Centre national du cinéma en 2020. Ce qui confère tout de même à la France une place d’avant-garde dans le monde.
Le plafond de verre du financement
Pour les réalisatrices, présentes à 50 % sur les bancs des écoles de cinéma français, la difficulté vient au moment de passer le pied à l’étrier. « Elles sont confrontées aux problèmes de financements de leurs films. Souvent elles sont cantonnées à des budgets bien inférieurs à ceux des réalisateurs », souligne la coprésidente du collectif 50/50.
Mais les choses pourraient être en train d’évoluer. Les femmes sont de plus en plus nombreuses à produire des courts-métrages et des premiers films distingués. « Elles arrivent par le biais d’un renouvellement générationnel », note Clémentine Charlemagne.
Reste à savoir si elles vont réussir à transformer l’essai. « Jusqu’ici, la longévité des réalisatrices dans le métier était moindre que celle des hommes, notamment au moment de passer le cap du troisième film », regrette Clémentine Charlemagne, ce qui conduit à observer de grosses différences de moyenne d’âge entre les réalisatrices et les réalisateurs. « Les hommes, eux, jouissent de la possibilité de carrières plus longues ».
Des habituées des compétitions internationales
Ailleurs dans le monde « c’est pire », explique Clémentine Charlemagne. Il faut donc saluer l’arrivée en compétition à Cannes du premier film réalisé par la cinéaste sénégalaise Ramata-Toulaye Sy (« Banel & Adama »), ou encore la Tunisienne Kaouther Ben Hania (« Les Filles d’Olfa ») dont les films sont régulièrement sélectionnés dans les compétitions internationales.
L’Autrichienne Jessica Hausner (« Club Zéro »), et l’Italienne Alice Rohrwacher (« La Chimera ») sont, quant à elles, des habituées du festival côté jury, dont elles ont été membres. Et côté sélection, Alice Rohrwacher a déjà reçu le Grand prix et le Prix du scénario à Cannes, ce qui fait d’elle l’une des favorites pour la Palme.
Et comme chaque année, quelques films devraient encore s’inviter dans la sélection du festival d’ici le début des festivités du 16 au 27 mai. Une autre femme pourrait d’ailleurs rejoindre la compétition, a laissé entendre le délégué général du festival dans un entretien avec le média américain Deadline.
AFP