Le régime de Viktor Orban se sert de la transposition d’une directive européenne pour permettre aux citoyens hongrois de signaler des atteintes au « mode de vie du pays ».
Le 23 octobre 2019, l’Union européenne (UE) a adopté une directive sur les lanceurs d’alerte. Les États avaient deux ans pour la transposer. À l’époque, il s’agissait de protéger toute personne qui signalerait des violations du droit de l’Union. Mais, en Hongrie, la transposition a été élargie à d’autres domaines il y a quelques jours. Sous l’égide de la ministre de la Justice Judit Varga, le régime hongrois a créé une autre catégorie protégée : les citoyens qui, sous anonymat, dénonceraient des atteintes à la Loi fondamentale du pays et au « mode de vie du pays ».
C’est sous ce registre que les citoyens hongrois peuvent signaler un abus consistant à « mettre en doute le rôle constitutionnellement reconnu par le mariage et de la famille ». Or, le régime de Viktor Orban a inscrit, en 2012, que la famille hongroise était officiellement composée d’une mère qui est une femme et d’un père qui est un homme.
Une manière d’exclure, sauf à changer la Constitution du pays, la reconnaissance du mariage gay. Concrètement, les citoyens peuvent donc signaler les familles qui ne seraient pas composées selon la loi fondamentale. Ce qui, pour beaucoup, revient à dénoncer l’homoparentalité.
« Bon développement physique, mental et moral des enfants »
Un deuxième cas est prévu qui complète le premier : les citoyens sont fondés à signaler toute situation où « la protection et les soins nécessaires au bon développement physique, mental et moral des enfants, ainsi que la remise en cause de leur droit à l’identité selon leur sexe de naissance ». Que les mauvais traitements – enfants battus, maltraités, mal nourris – soient signalés est une chose mais comment définir les cas où l’identité des enfants selon leur sexe de naissance serait remise en cause ?
Il faudrait imaginer des familles où les parents diraient à leurs enfants qu’ils n’ont pas le droit de s’habiller en garçon alors qu’ils sont de sexe masculin… Mais qui fait ça ? En outre, dans ce cas, on n’aurait pas besoin d’un signalement anonyme. Ce serait très vite apparent et les autorités prendraient le cas en charge.
La loi hongroise entrera en vigueur dans un peu moins de deux mois. Elle complète en quelque sorte une première loi très controversée sur le bannissement de l’homosexualité de la communication. Une loi qui fait l’objet d’un contentieux devant la Cour de justice de l’Union européenne. Viktor Orban et ses amis du Fidesz s’engagent ici sur un terrain glissant alors que les fonds européens sont suspendus dans l’attente de réformes sur l’État de droit, en cours d’évaluation par la Commission. Budapest agite de nouveau le chiffon rouge vis-à-vis de ses partenaires.
LEPOINT