Méga-bassines ou zones humides : quelle est la vraie bonne solution contre la sécheresse ?

Le sujet des méga-bassines défraye la chronique depuis de nombreuses semaines, sinon des mois, sur une multitude d’aspects différents. Ces réservoirs d’eau douce destinés à l’agriculture font l’objet de nombreuses critiques, notamment par le monde de la recherche et les militants écologistes.

 

Le Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, malgré le fait qu’il ne soit « pas prescriptif et [qu’il] ne recommande rien », comme l’a rappelé le climatologue et coauteur du rapport Christophe Cassou à Franceinfo,  apporte de sérieuses critiques aux retenues de substitution, désormais plus connues sous le terme de méga-bassines.

Dans leur synthèse de mars 2023, les experts indiquent dans le chapitre consacré à l’Europe que « ces réservoirs sont coûteux, ont des impacts environnementaux négatifs et ne seront pas suffisamment efficaces sous des conditions de plus fort réchauffement ». L’une des études citées par le rapport évoque par ailleurs « l’effet de réservoir », qui décrit comment la construction d’une retenue d’eau artificielle réduit les efforts fournis par les collectivités envers d’autres solutions d’économie de l’eau, ce qui a pour effet d’empirer paradoxalement les pénuries pendant les épisodes de sécheresse !

D’autant plus que ces réservoirs revêtus de plastique ne permettent pas le développement d’une vie riche et diversifiée ou l’humidification des sols, contrairement aux zones humides qui sont en danger sur toute la Planète. Quels sont les atouts de ces écosystèmes, et leur permettraient-ils vraiment de se substituer aux bassins gigantesques qui génèrent tant de réserves ?

Les réservoirs de grande taille, appelés méga-bassines par leurs opposants, font plusieurs hectares de superficie et sont notamment sujets à l'évaporation. © Unclesam, Adobe Stock

LES RÉSERVOIRS DE GRANDE TAILLE, APPELÉS MÉGA-BASSINES PAR LEURS OPPOSANTS, FONT PLUSIEURS HECTARES DE SUPERFICIE ET SONT NOTAMMENT SUJETS À L’ÉVAPORATION.  

Les services écosystémiques rendus par les zones humides

Ces écosystèmes, dont la superficie mondiale est supérieure à celle du Canada, peuvent être définis comme des « terres recouvertes d’eaux peu profondes ou imprégnées d’eau de façon permanente ou temporaire, d’origine naturelle ou anthropique », selon le CNRS. On peut donc en rencontrer dans des environnements très variés, des régions montagneuses jusqu’au littoral. Ce sont des zones écologiquement très dynamiques, qui abritent une riche biodiversité : environ 40 % des espèces, dont la quasi-totalité des amphibiens !

Au-delà de la pêche et de l’aquaculture, les zones humides apportent beaucoup à l’humanité et ont de nombreux effets bénéfiques sur le développement durable, « d’une valeur bien supérieure à celle de nombreux écosystèmes terrestres » qui est souvent sous-estimée par les décideurs politiques, selon le rapport de la Convention de Ramsar de 2018. 

En stockant et restituant l’eau au fil du temps, elles jouent souvent un rôle de zone tampon, car elles constituent une excellente barrière contre les inondations et régulent les débits hydrauliques. Mais surtout, cette formidable capacité leur permet de renflouer les eaux souterraines, dont nous dépendons à 60 % en France pour notre approvisionnement en eau potable, et de fortement atténuer l’impact des périodes de sécheresse en restituant naturellement le précieux liquide et en atténuant l’assèchement des sols.

Les tourbières, comme ici dans les Pyrénées, abritent une biodiversité extrêmement riche et parfois des espèces rares. Elles ne représentent que 3 à 6 % des terres émergées mondiales mais stockent 30 % du carbone dans les sols. C'est deux fois plus que toutes les forêts de la Planète ! © Jean-Louis Venet, <em>Wikimédia Commons, </em>CC by-sa 3.0

LES TOURBIÈRES, COMME ICI DANS LES PYRÉNÉES, ABRITENT UNE BIODIVERSITÉ EXTRÊMEMENT RICHE ET PARFOIS DES ESPÈCES RARES. ELLES NE REPRÉSENTENT QUE 3 À 6 % DES TERRES ÉMERGÉES MONDIALES MAIS STOCKENT 30 % DU CARBONE DANS LES SOLS. C’EST DEUX FOIS PLUS QUE TOUTES LES FORÊTS DE LA PLANÈTE !  

En plus de tout cela, les zones humides entravent, grâce à leur végétation, les flux de pollution comme les engrais ou les pesticides qu’elles filtrent et transforment, et certaines, comme les tourbières, sont de véritables puits de carbone qui jouent ainsi un rôle crucial dans la régulation du climat. 

Mais attention, les zones humides ne doivent pas être protégées seulement parce qu’elles apportent de grands services écosystémiques. Elles doivent aussi l’être parce que, mal gérées, elles peuvent représenter un danger environnemental insoupçonné. 

Les menaces qui pèsent sur nos sols

Ces écosystèmes précieux sont gravement menacés, comme on peut s’en douter, par les activités humaines et l’augmentation globale des températures. Les perturbations des réseaux hydrographiques pour adapter l’environnement à notre utilisation des terres et de l’eau engendrent l’isolement de beaucoup de zones humides qui se tarissent rapidement. Celles qui persistent voient leur état se dégrader à cause de la pollution, de l’introduction d’espèces invasives, ou encore de la descente du niveau de l’eau parfois accentuée par une exploitation non durable. 

L’agriculture irriguée représente 70 % des prélèvements d’eau, et elle a doublé en 50 ans, alors que l’étendue des zones humides a, elle, baissé de 35 % durant la même période ! Cette industrie est fortement dépendante de ces réservoirs naturels pour s’approvisionner, ce qui est régulièrement contrarié par des phénomènes de dégradation comme l’acidification des eaux douces due à leur contamination par des hydrocarbures, des engrais agricoles, ou des substances produites par l’activité minière. Cela fait bien évidemment aussi des ravages parmi les êtres vivants inféodés à ces milieux. 

Par pallier ces problèmes de taille, l’agriculture à grande échelle a développé des solutions plus rapides à mettre en place que des mesures de protection ou une réorganisation de l’industrie : les réservoirs artificiels, dont font partie les fameuses méga-bassines, et dont la superficie a quasiment doublé en 50 ans. Et pourtant, la perte des zones humides est une catastrophe tant écologique qu’économique, car les services qu’elles rendent à l’humanité sont considérables et surtout, irremplaçables. Il serait temps de s’atteler sérieusement à leur préservation.

futura

You may like