En observant le passage de GJ 486 b devant son étoile, les astronomes ont recherché les signes d’une atmosphère avec le télescope James-Webb. Ils ont alors détecté des traces de vapeur d’eau. Mais est-ce vraiment le signe d’une atmosphère planétaire avec de l’eau ?
Le grand exobiologiste Carl Sagan avait compris que la découverte de la vie ailleurs que sur Terre, et bien plus encore d’une vie intelligente technologiquement au moins aussi avancée que nous, aurait des implications philosophiques et sociétales majeures. Ce serait déjà une découverte importante à cet égard si l’on pouvait au moins déterminer à quel point la Terre et sa biosphère sont rares ou non dans la Voie lactée.
Lors de l’interview qu’il avait accordée à Futura, Jean-Pierre Bibring avait avancé la thèse que, selon lui, la Terre et la vie étaient un produit de tellement d’événements contingents dépendant de conditions locales particulières qu’on pouvait s’attendre à ne jamais trouver d’exoterre dans la Voie lactée et peut-être aussi bien au-delà.
La question reste encore largement ouverte et les exobiologistes travaillent à obtenir une réponse. Ils cherchent par exemple à déterminer l’habitabilité des exoplanètes rocheuses en orbite autour des naines rouges. Ce sont en effet les étoiles les plus nombreuses de la Galaxie. Mais on se demande si elles sont favorables à la vie.
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Une superTerre stérilisée par une naine rouge ?
les naines rouges étant moins lumineuses et plus froides que le Soleil, la zone d’habitabilité naïve qui permettrait à la température de surface moyenne d’une exoplanète rocheuse en orbite autour de ces étoiles d’être compatible avec de l’eau liquide est beaucoup plus proche de l’étoile hôte que dans le cas du Système solaire. Or, les naines rouges sont très colériques au début de leur longue existence, produisant d’importants flots de rayons X et ultraviolets.
Se pose alors la question de savoir si des exoplanètes rocheuses dans cette zone peuvent conserver suffisamment d’eau et une atmosphère protectrice pour permettre à la vie de prospérer, les molécules d’eau pouvant être photo-dissociées par ces rayonnements et l’atmosphère pouvant parfois, comme ce fut le cas de Mars mais pas de Vénus, être totalement érodée par les vents et éruptions stellaires.
Il n’existe qu’une seule manière d’avancer vers la solution de ces questions, étudier des exoplanètes rocheuses à proximité des naines rouges, sachant notamment que l’existence de certaines atmosphères permet d’avoir une notion plus complexe de ce que l’on doit attendre des conditions rendant une exoplanète habitable.
Un groupe d’astrophysiciens vient de mettre dans ce but à contribution les instruments du télescope James-Webb (JWST) pour observer à l’aide du spectrographe proche infrarouge de Webb (NIRSpec) la superTerre GJ 486 b. Elle n’est pas dans la zone d’habitabilité naïve car en orbitant en seulement un peu moins de 1,5 jour terrestre autour de GJ 486, sa température de surface moyenne doit être d’environ 430 °C.
CE GRAPHIQUE MONTRE LE SPECTRE DE TRANSMISSION OBTENU PAR LES OBSERVATIONS DU JAMES-WEBB DE L’EXOPLANÈTE ROCHEUSE GJ 486 B. L’ANALYSE DE L’ÉQUIPE SCIENTIFIQUE MONTRE DES INDICES DE VAPEUR D’EAU ; CEPENDANT, LES MODÈLES INFORMATIQUES MONTRENT QUE LE SIGNAL POURRAIT PROVENIR D’UNE ATMOSPHÈRE PLANÉTAIRE RICHE EN EAU (INDIQUÉE PAR LA LIGNE BLEUE) OU DES TACHES STELLAIRES DE L’ÉTOILE HÔTE, UNE NAINE ROUGE (INDIQUÉE PAR LA LIGNE JAUNE). LES DEUX MODÈLES DIVERGENT SENSIBLEMENT À DES LONGUEURS D’ONDE INFRAROUGES PLUS COURTES, CE QUI INDIQUE QUE DES OBSERVATIONS SUPPLÉMENTAIRES AVEC D’AUTRES INSTRUMENTS DU JAMES-WEBB SERONT NÉCESSAIRES POUR CONTRAINDRE LA SOURCE DU SIGNAL DE L’EAU. © NASA, ESA, CSA, JOSEPH OLMSTED (STSCI)
Ces chercheurs ont mis à profit des transits durant chacun environ une heure pour tenter de mettre en évidence malgré tout la présence de vapeur d’eau dans une éventuelle atmosphère. GJ 486 b est environ 30 % plus grande que la Terre et trois fois plus massive, ce qui signifie que c’est un monde rocheux avec une gravité plus forte que sur notre Planète bleue, peut-être assez forte pour retenir une atmosphère avec de la vapeur d’eau.
Comme l’explique l’article publié dans The Astrophysical Journal Letters et en accès libre sur arXiv, les astrophysiciens ont effectivement mis en évidence cette vapeur d’eau aux abords de la superTerre, ou pour le moins, sa présence est suggérée par trois méthodes d’analyses différentes couplées à des modélisations astrochimiques d’une éventuelle atmosphère.
De la vapeur d’eau produite par des taches stellaires ?
Mais, comme l’explique également dans un communiqué de la Nasa l’un des auteurs de la découverte Kevin Stevenson du laboratoire de physique appliquée de l’Université Johns-Hopkins à Laurel, Maryland, « la vapeur d’eau dans l’atmosphère d’une planète rocheuse chaude représenterait une percée majeure pour la science des exoplanètes. Mais nous devons être prudents et nous assurer que l’étoile n’est pas la coupable ».
Sa collègue Sarah Moran, de l’Université d’Arizona à Tucson, également aux États-Unis, ajoute : « Nous voyons un signal, et c’est presque certainement dû à de l’eau. Mais nous ne pouvons pas encore dire si cette eau fait partie de l’atmosphère de la planète, ce qui signifie que la planète a une atmosphère, ou si nous voyons juste une signature d’eau provenant de l’étoile. »
Paradoxalement, l’atmosphère d’une naine rouge, déjà moins chaude que dans le cas du Soleil, peut être aussi localement assez froide au niveau des équivalents des taches solaires pour permettre la formation de molécules d’eau sous forme de vapeur. Les chercheurs concèdent toutefois qu’ils ne voient pas trace de ces taches dans la courbe de lumière des transits obtenus (ce qui est le cas pour certaines étoiles avec des exoplanètes).
Des observations à des longueurs d’onde infrarouges plus courtes par un autre instrument du JWST, l’imageur dans le proche infrarouge et le spectrographe sans fente (Niriss), seront nécessaires pour départager les scénarios avec atmosphère planétaire ou taches stellaires.
Mais si une atmosphère avec vapeur d’eau et bel et bien présente sur GJ 486 b, il faudra probablement en conclure qu’elle est encore sans cesse alimentée en eau par des éruptions volcaniques, car l’activité de la naine rouge doit tout de même contribuer à éroder cette atmosphère.
FUTURA