Grâce à une heureuse coïncidence, des astrophysiciens ont pu assister en direct au cataclysme cosmique qui attend la Terre dans cinq milliards d’années.
Tous les modèles cosmologiques sont formels : au crépuscule de sa vie, notre Soleil se transformera en géante rouge. Il va se mettre à gonfler jusqu’à engloutir toutes les planètes avoisinantes. Et cela ne concerne pas que notre astre préféré ; toutes les étoiles dites de la séquence principale termineront leur vie de cette façon.
Il s’agit donc d’un phénomène très important dans la dynamique de l’univers, et par extension d’un sujet d’étude fascinant pour les chercheurs. Mais jusqu’à tout récemment, ces derniers n’avaient pas encore eu l’occasion de profiter du spectacle. Ils ont certes repéré des étoiles un peu avant ou juste après qu’elles aient dévoré des planètes, mais ils n’avaient jamais réussi à en prendre une la main dans le sac… jusqu’à présent.
Dans une étude à paraître dans Nature, des chercheurs de trois institutions prestigieuses (le MIT, Harvard et Caltech) ont enfin réussi à documenter le phénomène. Ils affirment avoir surpris une étoile en train d’engloutir une planète pour la toute première fois.
Un signal mystérieux dans la constellation de l’Aigle
Tout est parti d’une observation de Kishalay De, postdoctorant en astrophysique au MIT. À l’origine, il cherchait des signes d’éruptions dans des systèmes binaires — des couples d’étoiles en interaction qui orbitent l’une autour de l’autre à grande vitesse.
Il pensait avoir fait mouche près de la constellation de l’Aigle, à environ 12 000 années-lumière de la Terre. “J’ai remarqué qu’une étoile était devenue 100 fois plus brillante en l’espace d’une semaine, sans explication apparente”, explique-t-il dans le communiqué de l’équipe. “Je n’avais rien vu de semblable de me vie”.
De s’est donc concentré sur ce signal étonnant pour tenter d’en identifier la source. Il a retrouvé la trace de l’événement dans les données du Keck Observatory, à Hawaii. Cette institution est dotée d’un télescope ultra-performant qui est capable de réaliser de la spectroscopie, c’est-à-dire de déterminer la composition chimique d’un astre à partir des caractéristiques de la lumière qu’il émet.
De s’attendait à tomber sur de grandes quantités d’hydrogène et d’hélium. Ces deux éléments sont généralement abondants dans les systèmes binaires, car les deux étoiles du couple ont tendance à s’arracher mutuellement de la matière tout au long de ce tango gravitationnel. Mais étonnamment, le jeune chercheur n’en a pas trouvé la moindre trace.
Cette absence était déjà très étonnante, mais De n’était pas encore au bout de ses surprises. Car à la place de ces deux gaz, il a trouvé la trace d’une famille de molécules un peu particulières. Elles n’existent normalement que dans des étoiles relativement froides, ce qui semble incompatible avec l’observation initiale.
Il était désormais clair que De n’avait pas affaire à un système binaire. Il a donc pris son mal en patience le temps que ses collègues puissent trouver de nouveaux éléments de réponse. Un an plus tard, son équipe a enfin touché au but grâce à un autre engin. C’est le télescope infrarouge NEOWISE de la NASA qui a apporté la dernière pièce du puzzle.
L’engin a permis de confirmer qu’il y avait bien eu un impact entre deux corps célestes. Mais il a aussi révélé que l’événement avait dégagé une énergie relativement faible. Il ne pouvait pas donc s’agir de la fusion de deux astres. “L’objet en question devait être au moins 1000 fois plus petit que n’importe quelle étoile connue”, explique De.
Or, il se trouve qu’il y a un objet bien connu qui coche toutes les cases : Jupiter, la géante gazeuse de notre système solaire. C’est cette heureuse coïncidence qui a fini par mettre la puce à l’oreille des chercheurs. “C’est là qu’on a réalisé qu’une planète s’était écrasée dans l’étoile”, raconte De.
À partir de cette “heureuse coïncidence“, ils ont enfin pu proposer une explication solide aux signaux enregistrés. Le premier flash a vraisemblablement été produit au moment où une planète de la taille de Jupiter a été engloutie par l’atmosphère de l’étoile. Le second signal, moins intense mais beaucoup plus long, provient des couches extérieures de l’étoile qui ont été catapultées par la chute de la planète vers le cœur de l’astre mourant.
Un avant-goût du futur de la Terre
“Pendant des décennies, on a pu observer ce qui se passait avant et après”, résume De. “Ce qui nous manquait, c’était de prendre une étoile la main dans le sac pour observer la mort de la planète en temps réel. Ça rend cette observation vraiment excitante”, se réjouit le jeune astrophysicien.
Désormais, ces conclusions vont pouvoir être intégrées aux modèles cosmologiques qui décrivent le cycle de vie des planètes et des étoiles. Les chercheurs pourront utiliser ces données pour repérer d’autres événements dans ce genre. Et accessoirement, c’est aussi un avant-goût du spectacle auquel une éventuelle civilisation extraterrestre aura droit d’ici cinq milliards d’années, lorsque notre Terre sera à son tour engloutie par un Soleil mourant.
EurekAlert