Il devient de plus en plus difficile en Suisse, surtout sur le plateau, de trouver les surfaces de remplacement prescrites par la loi en cas de déboisement de zones forestières au profit d’infrastructures. A l’avenir, il y aura des conflits avec l’éolien et le solaire, montre une étude.
En Suisse, environ 185 hectares de forêts sont défrichés chaque année – l’équivalent de 260 terrains de football – pour construire des routes, des antennes de téléphonie mobile, des captages d’eau potable, des gravières et autres infrastructures. En principe, le reboisement de nouvelles surfaces doit impérativement compenser la perte de surfaces forestières, indique mercredi le Fonds national suisse (FNS) dans un communiqué.
Economiste agricole à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), David Troxler s’est penché sur plus de 6000 projets réalisés entre 2001 et 2017. « Actuellement, le système mis en place dans notre pays pour protéger les espaces boisés fonctionne plutôt bien dans l’ensemble », note le doctorant, cité dans le communiqué.
Ainsi, le défrichement n’est pas plus important dans les zones dédiées à l’agriculture intensive ou au tourisme que dans d’autres régions. Et les surfaces boisées ont augmenté de 589 km2 entre 1985 et 2018 (voir encadré).
A l’étroit sur le Plateau
C’est sur le Plateau que l’on observe la plus importante perte: entre 2001 et 2017, environ 0,5% des zones boisées ont été touchées par un déboisement temporaire ou permanent. Très densément peuplée, cette région est celle qui génère le plus de conflits d’objectifs avec la nécessité de libérer toujours plus d’espace pour construire des habitations et des infrastructures de transport. L’économie du bois y est par ailleurs florissante.
>> Voir aussi les données de l’OFS sur la variation des surfaces boisées par régions entre 1985 et 2018:
Variation des surfaces boisées en Suisse de 1985 à 2018. [Office fédéral de la statistique]
Il en résulte une difficulté croissante à trouver dans cette région les surfaces de remplacement prescrites par la loi. L’agriculture n’est ainsi pas disposée à renoncer au moindre mètre carré de terrain cultivable, déjà en pleine raréfaction, et l’on ne souhaite pas davantage déclasser les zones constructibles.
La conséquence est qu’il va falloir recourir de plus en plus souvent aux exceptions à la règle en vigueur, déjà en usage, selon le chercheur. Ces exceptions prévoient, par exemple, de revaloriser les forêts actuelles sur le plan écologique au lieu de procéder à un reboisement.
Multiplication des conflits
Dans un avenir proche, David Troxler s’attend à une multiplication des conflits. Le développement d’infrastructures liées aux énergies renouvelables se fera aussi aux dépens d’espaces boisés, notamment dans les Alpes et sur le Plateau.
Il faudra trouver de la place pour les installations éoliennes et photovoltaïques proprement dites, mais aussi pour les lignes à haute tension, les voies d’accès aux différents chantiers et autres bassins de retenue liés à ces infrastructures.
Ce dilemme est d’ores et déjà perceptible dans la jurisprudence: depuis 2017, la conservation des forêts n’y a juridiquement parlant pas plus de poids que la construction d’infrastructures en lien avec les énergies renouvelables, souligne le FNS.
L’économiste agricole recommande par conséquent de planifier bien en amont la recherche de surfaces de compensation, comme en regroupant différentes régions en vue d’une gestion commune. Ces travaux réalisés dans le cadre du Programme national de recherche « Economie durable » (PNR 73) ont été publiés dans la revue Forest Policy and Economics.
RTS