PETIT A PETIT L’OISEAU DEFAIT SON NID Et la Générale quittera l’Afrique…

Quelques années auparavant lorsque BNP s’engage à lever le pied de l’Afrique, des réflexions tournaient déjà sur un possible départ de Société Générale. Le Groupe qui n’a cessé de multiplier ses initiatives en faveur de l’Afrique (Transform to grow, Grow with Africa) faisant du continent son relais de croissance, disposait de plus d’un tour dans ses ambitions à suivre ses consœurs. C’est un mouvement qui ne fait que prendre l’envol. Il ne serait sans nul doute pas exclu que dans les années à venir, pour des mêmes raisons, d’autres filiales suivront la vague de cessions …jusqu’à la dernière. L’oiseau aura défait son nid.

Présent dans 17 pays africains et implanté à l’orée des indépendances des Etats Africains, le groupe est l’un des derniers de ces « too big to bolt1 » des banques occidentales en terre africaine.

Avant tout, il ait une précision à apporter dans cet épisode, c’est que la décision du groupe français Société Générale de se défaire de quatre de ses filiales africaines à savoir le Congo, le Tchad, la Guinée-Equatoriale et la Mauritanie n’est pas mue par des raisons politiques ; quoique l’ossature politique de ses quatre pays peut interpeller plus d’un…

Bien au-dessus des raisons économiques et stratégiques qu’évoquent ce retrait, celui-ci est poussé par les forces du marché. Par ailleurs, le modèle de banque à l’occidental, il faut l’avouer, s’essouffle et ne répond plus ni aux exigences, ni à la demande et encore moins à l’urgence africaine.

Par définition, le marché est le lieu où les forces de la demande et de l’offre se rencontrent et interagissent. L’équilibre sur le marché se produit lorsque la demande des consommateurs est égale à la quantité offerte des producteurs. Cet équilibre est déterminé par le prix. Sur le marché bancaire, le prix est fixé par le taux d’intérêt.

Or dans les pays de la zone franc (UEMOA, CEMAC) où se trouve les nombreuses représentations SG (13/17 respectivement 08 et 05 implantations), la politique monétaire est incommodante en raison d’un objectif fixe de stabilité du taux de change et d’une cible d’inflation de, respectivement, 2% en zone UEMOA et 3% en zone CEMAC. Un tel choix provient de l’arrimage du franc CFA à l’euro. En conséquence, les taux d’intérêt demeurent élevés, et le modèle de croissance impulsé par l’approche bancaire occidentale ne soutient, ni ne finance en vrai les économies subsahariennes. Leur approche est loin des réalités de l’Afrique.

En effet, pendant longtemps et c’est toujours le cas, les économies de la zone Franc sont caractérisées par un rationnement de crédit dont les causes renvoient autant à l’agenda caché des deux principales banques centrales (BEAC et BCEAO) qu’à l’extrême frilosité du système bancaire de la zone (2).

Pour ce qui concerne le premier point, la réponse se trouve dans l’objectif principal des deux banques centrales qui est la défense du taux de change entre le franc CFA et l’euro (jadis avec le franc français) bien au-dessus de toute autre considération (stabilité des prix ou croissance économique) comme en témoigne la persistance du programme monétaire (3).

Le second point n’est, au final, que le corollaire du premier à savoir la manifestation d’une répression financière qui alimente la répression monétaire. En effet, une caractéristique majeure du système financier de la zone Franc est la structure fortement oligopolistique du secteur bancaire, constituant un facteur de rigidité des taux d’intérêt débiteurs pour les banques. Cela conduit à la maximisation du profit à court terme en privilégiant l’octroi de crédit aux entreprises étrangères (avec des sorties de capitaux vers les centrales d’achat, alimentant leurs économies) aux entreprises d’Etat nouvellement privatisées ou en voie de l’être, à forte rentabilité escomptée. Le tout au détriment des activités de financement de long terme et/ou des petites et moyennes entreprises locales.

Près d’un demi-siècle durant, la présence sur le sol africain des groupes bancaires occidentaux Société Générale, BNP, Barclays, BPCE… a été un règne partage. Pour qui veut comprendre, cette présence a servi à accompagner l’expansion des industriels occidentaux afin de renforcer l’emprise économique sur l’Afrique. Elles disposaient d’un poids notable dans le système financier et, les conditions de croissance ne pouvaient se réaliser que par la volonté de ces derniers. En particulier un aspect plus spécifique, servant de relais dans la sortie massive des capitaux licites et illicites, les banques occidentales ont été la plaque tournante de la prévalence d’un manque de financement pour l’Afrique.

Dans ce contexte, le nombre encore faible de banques à capitaux sous-régionaux opérant en zone CEMAC et la faillite des banques dites de «développement », emportées par une mauvaise gouvernance chronique, empêchent l’exercice d’un véritable partenariat pour le développement de la zone.

Or la croissance démographique en Afrique subsaharienne, à considérer en interaction avec le vieillissement des populations en Occident et le non-renouvellement des générations, comporte des éléments positifs (naissance et consolidation de marchés intérieurs, densification de l’espace rural, urbanisation, diversification de l’économie, dividende démographique) mais aussi préoccupants, notamment en matière de santé et d’éducation, de créations d’emplois, pose un nouveau décor. Il ne faut pas oublier que l’Afrique comptera deux milliards d’individus d’ici 2050 (25% de la population mondiale), dont les deux tiers auront moins de trente ans.

De même, des éléments nouveaux viennent conforter ce changement de paradigme. La montée des initiatives individuelles, communautaires tournées vers les nouvelles technologies, les finances, l’industrie en promouvant quelques champions locaux attestent de cette volonté d’émancipation. A titre d’illustration le M’PESA dans les nouvelles technologies, DANGOTE dans l’industrie, UBA, ECOBANK, VISTA4, CORIS5 dans la finance.

Mais cette volonté seule ne suffit pas. Il faut des financements qui répondent aux enjeux d’une Afrique subsaharienne placée dans l’orbite du développement ; des financements non pas avec des maturités courtes ou moyennes, mais sur des maturités longues. Mais les banques occidentales détentrices de ces capitaux n’ont pas suffisamment mobilisées de fonds vers l’investissement de l’appareil de transformation local pour soutenir l’industrie, l’agriculture…nécessaire à la création de l’emploi, et à la création de valeur.

Pour se faire, en rapport avec la forte prégnance de l’agriculture dans les pays d’Afrique subsaharienne, on peut, sans trop de risque de se tromper, affirmer que, pour se placer sur une trajectoire de croissance durable, inclusive et résiliente, l’Afrique doit enclencher un processus de transformation structurelle reposant sur son potentiel agricole non exploité. Le point de passage incontournable de la transformation structurelle de l’Afrique réside dans les gains de productivité, qui peuvent être réalisés dans le secteur agricole, et la transition du secteur primaire au secondaire, grâce notamment aux industries mécaniques (outillage, bien d’équipement agricole), aux emplois ruraux non agricoles et à la disponibilité d’infrastructures de stockage et de transport6.

Tout compte fait, conjugué à une volonté de prendre en main les commandes de la politique monétaire par les instituts d’émission, car l’inflation en sous-région est d’origine non monétaire ; impulser une action de financement de l’économie par l’investissement long avec des banques locales, maitrisant au mieux les besoins présents et pressants, et soutenant la PME ; favoriser et renforcer la libre circulation des capitaux par une présence de plus en plus animée des banques dans les pays africains ; se capitaliser davantage pour ses banques ; utiliser le mécanisme de refinancement de la banque centrale ; alléger les taux d’intérêt…tels sont les facteurs clés de succès pour ces champions africains.

financial

You may like