« With their 52th pick, the Phoenix Suns select Toumani Camara from Brussels, Belgium. »
Les mots de Mark Tatum, big boss adjoint de la NBA, résonnent encore quelque part dans la salle mais l’esprit de Toumani Camara est, lui, déjà embrumé. Costume gris bien ajusté, chemise noire parfaitement sobre, il se lève machinalement de sa chaise comme il a vu tant d’autres basketteurs de renom le faire avant lui.
Sauf que cette fois, c’est son nom à lui qui a été appelé. Il vient d’être drafté par une franchise NBA. Rapide étreinte avec son clan avant d’avaler les quelques mètres qui le séparent de Mark Tatum, perché sur son estrade. Casquette des Suns déjà vissée sur le crâne, il est canardé par le parterre de photographes présent pour l’occasion. Le sourire est sincère, la fierté perceptible.
Faire partie des 60 élus de cette draft 2023, il en rêvait. En avril dernier, déjà, quand il avait annoncé vouloir s’inscrire à la draft après deux années à l’université de Dayton : « Merci à tous. Les opportunités qui m’ont été données ici m’ont tellement changé. Je vous en serai reconnaissant pour toujours. Je suis prêt pour le futur. J’ai décidé de passer pro et de m’inscrire à la draft. »
Ce vendredi 23 juin, le rêve est donc devenu réalité. Il est bien le 2e Belge drafté en NBA, 18 ans après Axel Hervelle. Sauf que lui, contrairement à son longiligne prédécesseur carolo, compte bien mettre les pieds sur un parquet américain. The American Dream dans toute sa splendeur. À la sauce belge, aurait-on envie d’ajouter.
The American Dream à 16 ans à peine
Pourtant, en 2016, le rêve de NBA est encore bien loin. Peut-être ancré quelque part dans son esprit, sûrement même, mais encore si loin dans les faits. Toumani Camara n’a que 16 ans. Vrai ket bruxellois, il évolue au United Basket Woluwé après un passage en U10 au ASA Saint-Hubert Boitsfort.
Il est catalogué comme un jeune prometteur et plein de potentiel. Fort de ces quelques certitudes, il tente le tout pour le tout en franchissant, déjà, l’Atlantique pour s’adonner à 100% à sa passion, le basket. Sur la pointe des pieds, il débarque donc dans une école floridienne où son physique et son abnégation tapent assez vite dans l’oeil de 25 universités.
Il opte finalement pour l’université de Géorgie. Il y passera deux ans avant de finalement poser ses valises, pour deux années supplémentaires, à Dayton. L’objectif est simple, ne pas brûler les étapes et évoluer patiemment, à son rythme. Dans les stats, ça se traduit aussi puisque Camara augmente progressivement son apport chiffré pour boucler son ultime saison en NCAA en 13,9 points et 8,6 rebonds de moyenne.
Un soldat de l’ombre… qui aime ça
Une maturité hors des terrains qui le résume finalement assez bien en tant que basketteur, aussi. Camara n’est pas une bête de talent, qui ferait sauter n’importe quel recruteur au plafond grâce à ses qualités intrinsèques. Mais c’est un monstre de travail. Le genre de gars qui sait d’où il vient et qui sait… où il va.
« C’est exceptionnel ce qu’il vient de réaliser. Ce n’était pas couru d’avance. Il a un physique, il est aux normes NBA, mais il a dû travailler pour en arriver là. Il savait dans quelle direction il devait aller. Il a fait des choix pas évidents, il fallait oser quitter la Belgique à 16 ans. Il a le physique et le mental pour s’y imposer. Il ne va pas s’asseoir et se dire qu’il a atteint son objectif. Le travail est loin d’être terminé » confiait Nicolas Joostens, son coach chez les jeunes à Woluwé, interrogé par Erik Libois.
Pas pour rien qu’au moment de se comparer à un joueur NBA, Camara évoque le nom de Jarred Vanderbilt. Loin d’être le plus flashy ni le plus talentueux des joueurs mais terriblement précieux pour les Lakers dans son abattage, sa défense et son côté all-around.
Camara est un soldat de l’ombre et il l’assume. Il en joue presque. Parce qu’il sait que même la NBA, la plus starifiée des grandes Ligues sur cette Terre, a besoin de mecs qui vont au charbon. Qui défendent, qui s’arrachent et qui font les sales besognes pour les besoins de l’équipe. Camara est fait de ce bois-là. On loue ses qualités physiques (2m03), sa polyvalence, sa faculté à jouer un peu partout, sa propension à aider là où on a besoin de lui.
Une place à prendre à Phoenix ?
Et Phoenix, sa future équipe, aura sans doute besoin de lui. Parce qu’au moment où nous écrivons ces lignes, la franchise de l’Arizona n’a que quatre joueurs sous contrat. 4 joueurs, dont trois superstars (Booker, Durant, Beal) dont le talent dégouline sur le parquet. Sur papier, le soldat Camara semble donc être arrivé à bon port.
Notons que pour l’instant, en tant que second tour de draft (sélectionné après la 30e place), son contrat n’est pas encore garanti. La direction des Suns va devoir trancher dans les prochaines semaines et décider si elle compte, oui ou non, sur le Belge de 23 ans.
Au vu du noyau existant, de la profusion de talents offensifs et du manque de profondeur et de défense, on se dit, nous, qu’elle aurait bien besoin de son rookie belge pour la saison prochaine. Mais ce n’est que notre humble avis, évidemment…
RTBF