Interrogé par “Le Point” sur la mutinerie du groupe paramilitaire Wagner en Russie, le général de corps d’armée Olivier de Bavinchove met en évidence la gravité de la situation. Il redoute notamment les conséquences de cette rébellion sur le conflit ukrainien.
Dans une interview exclusive accordée au Point, Olivier de Bavinchove, général de corps d’armée (2S), livre une analyse percutante sur la récente rébellion menée par Evgueni Prigojine et sa milice Wagner, qui ont pris le contrôle de Rostov-sur-le-Don, une grande ville du Sud et base arrière de l’armée russe dans la guerre en Ukraine. Fort de son expérience en tant que chef d’état-major de l’ISAF en Afghanistan, où il a coordonné l’action de 150.000 hommes, dont 100.000 Américains, le général met en garde contre les conséquences majeures de cet événement sur le conflit dans le Donbass.
Interrogé sur son opinion concernant la rébellion des miliciens Wagner, le général de Bavinchove souligne qu’“il ne s’agit pas d’un putsch ordinaire”. La composition sociologique de cette milice, composée de “criminels endurcis et aguerris”, lui rappelle les « gibiers de potence » de l’Ancien Régime. Avec une absence de perspectives et une préparation accrue grâce aux combats menés en Ukraine, les miliciens Wagner ne craignent rien, “pas même la mort”. Sous la direction “charismatique” de leur chef, Evgueni Prigojine, qui partage leur langage et leur passé carcéral, ils représentent une force redoutable, affirme le militaire.
Une rébellion orchestrée avec précision
Olivier de Bavinchove souligne que la rébellion de la milice Wagner ne peut être considérée comme “une aventure d’une nuit”. Il est évident que cette opération a été minutieusement planifiée. Le général note que Prigojine “semble avoir pris le contrôle du grand quartier général militaire de Rostov”, d’où sont commandées toutes les opérations en Ukraine. D’après lui, les conséquences immédiates de cet événement sont inévitables et auront un impact significatif sur le cours de la guerre.
Le général de Bavinchove soulève plusieurs interrogations concernant la rébellion en cours. Prigojine parviendra-t-il à rallier des forces loyales au régime à sa cause ? Détient-il des otages de grande valeur, tels que le chef d’état-major Vitali Guerassimov ou le ministre de la Défense Sergueï Choïgou ? Le militaire se demande aussi quelle sera la réaction du chef d’état-major général ukrainien, Zaloujny, dans les jours à venir. Enfin, il souligne que la population russe, qui avait tendance à ignorer la réalité de la guerre en Ukraine, est désormais confrontée à son spectre sur son propre territoire. La guerre autrefois « expéditionnaire » prend désormais les traits d’une guerre civile.
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