Le feu vert russe aux exportations de céréales ukrainiennes est vital pour l’Afrique de l’Est

Le renouvellement de l’accord international sur l’exportation des céréales ukrainiennes, qui dépend d’un feu vert de Moscou, est crucial pour des millions d’habitants de la Corne de l’Afrique, a prévenu l’ONU lundi. L’accord, qui expire en juillet, a permis de faire sortir d’Ukraine plus de 32 millions de tonnes de grains par bateaux.

Des millions d’habitants de la Corne de l’Afrique – où des gens meurent déjà de faim – dépendent du feu vert de la Russie à l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes, qui expire mi-juillet, a averti l’ONU lundi 26 juin.

« Si l’initiative de la mer Noire n’est pas renouvelée, l’Afrique de l’Est (sera) très durement touchée », a déclaré Dominique Ferretti, spécialiste des urgences au bureau régional pour l’Afrique du Programme alimentaire mondial (PAM), lors d’une visioconférence depuis Nairobi.

« Un certain nombre de pays dépendent du blé ukrainien. Sans ce blé, les prix des denrées alimentaires augmenteraient de manière significative », a-t-il mis en garde, expliquant que l’Ukraine a toujours été « le grenier à blé » de l’Afrique.

En juillet 2022, l’Ukraine, la Russie, la Turquie et les Nations unies avaient signé l’Initiative céréalière de la mer Noire pour permettre les exportations de céréales ukrainiennes malgré l’invasion de l’Ukraine par Moscou.

À l’issue de négociations compliquées, cet accord avait été étendu à trois reprises – la dernière fois en mai, pour 60 jours, jusqu’au 17 juillet. Mais le 13 juin, la Russie a de nouveau menacé de s’en retirer, estimant que certaines clauses sur l’exportation des engrais russes n’étaient toujours pas respectées malgré les engagements successifs de l’ONU.

Le président russe Vladimir Poutine a aussi accusé Kiev d’utiliser les couloirs maritimes prévus par cet accord pour attaquer la flotte russe avec des drones.

Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’est dit « inquiet » pour l’avenir de l’accord, et Kiev a assuré n’être « pas très optimiste ».

Sans renouvellement de l’accord, « des ménages ne seront plus en mesure de satisfaire leurs besoins élémentaires », a insisté Dominique Ferretti.

Le Programme alimentaire mondial, qui vient en aide directement aux populations, serait également fortement touché, l’Ukraine étant l’un de ses principaux fournisseurs.

L’accord a permis de faire sortir d’Ukraine plus de 32 millions de tonnes de grains par bateaux.

« Nous préparer »

L’organisation n’a pas mis en place de plan B, mais elle fait tout son possible pour prépositionner des denrées alimentaires. Elle se verra néanmoins contrainte de chercher d’autres fournisseurs en cas d’échec du prolongement de l’accord.

« Nous devons nous préparer à une augmentation de l’insécurité alimentaire » en cas de difficultés d’approvisionnement, a souligné depuis Nairobi Brenda Lazarus, du Bureau sous-régional pour l’Afrique de l’Est de la FAO, l’agence de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture.

Elle a expliqué que le blé occupe une grande place dans l’alimentation des populations de pays comme la Somalie ou Djibouti. La FAO soutient les communautés locales pour les aider à remplacer le blé dans l’alimentation mais c’est un processus « très lent », a indiqué l’économiste.

L’ONU a affirmé la semaine dernière avoir « évité la famine » dans la Corne de l’Afrique grâce à la récolte de 2,4 milliards de dollars pour cette région frappée par une sécheresse catastrophique due au « chaos climatique ».

Mais la situation reste grave. Le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire a doublé depuis 2016 en Afrique de l’Est (Djibouti, Kenya, Somalie, Soudan du Sud, Ouganda, Éthiopie et Soudan), pour atteindre la barre des 60 millions, a indiqué Dominique Ferretti, expliquant que cette crise alimentaire était notamment le résultat des conflits, de la sécheresse et des inondations.

Selon le représentant du PAM, environ 83 000 personnes, dont 40 350 en Somalie et 43 000 au Soudan du Sud, se trouvent actuellement en phase « catastrophe » (phase 5), la plus élevée de la classification sur la sécurité alimentaire (CIP). « Cela veut dire qu’en moyenne, ces ménages mangent une ou deux fois par semaine », a-t-il indiqué.

L’ONU se refuse pour l’instant à parler de famine généralisée, mais ses responsables ont affirmé à plusieurs reprises que des populations meurent déjà de faim.

 AFP

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