Le Japon tente de rassurer avant le rejet des eaux de Fukushima dans l’océan

Le gouvernement japonais envisage de commencer dès le mois d’août à déverser dans l’océan Pacifique les eaux contaminées provenant de la centrale nucléaire sinistrée de Fukushima, après que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a donné mardi son feu vert au projet.

 

L’annonce avait provoqué de vives inquiétudes. Alors que l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a approuvé mardi 4 juillet le plan de rejet des eaux de la centrale nucléaire de Fukushima dans le Pacifique, le Japon tentait mercredi de rassurer.

Les autorités nippones sont confrontées à un problème massif, alors que la centrale de Fukushima Daiichi, dans le nord-est du pays, ravagée par la triple catastrophe – séisme, tsunami, accident nucléaire – de mars 2011, produit chaque jour quelque 100 000 litres d’eau contaminée.

Au point qu’environ 1,33 million de tonnes de cette eau, issue de la pluie, des nappes souterraines ou des injections nécessaires pour refroidir les cœurs des réacteurs nucléaires entrés en fusion en 2011, sont aujourd’hui stockées sur le site de la centrale, bientôt arrivé à saturation.

L’opérateur Tepco et le gouvernement japonais veulent rejeter – après traitement et dilution à l’eau de mer – cette eau dans l’océan à un kilomètre des côtes, via un conduit sous-marin construit pour cet usage.

La filtration permet d’éliminer la plupart des radionucléides que contient l’eau, à l’exception du tritium, et ils affirment que celle-ci ne sera pas différente des eaux régulièrement rejetées par d’autres centrales nucléaires, un point de vue partagé par certains experts.

« Il est probable qu’aucun impact sur l’environnement ou la santé humaine ne [soit] observé », estime Tony Hooker, maître de conférences au Centre de recherche sur les radiations de l’université d’Adélaïde, jugeant le projet japonais « solide ». Pour Jim Smith, professeur de sciences de l’environnement à l’université de Portsmouth, les craintes concernant les risques pour l’écosystème de l’océan Pacifique « ne sont pas fondées sur des preuves scientifiques ».

Inquiétudes régionales

Le gouvernement japonais et Tepco sont néanmoins confrontés à des inquiétudes et critiques persistantes, certains soulignant les erreurs commises lors de l’accident de 2011 comme motifs de méfiance.

L’organisation Greenpeace a ainsi été l’une des voix les plus critiques contre ce projet, accusant le gouvernement d’avoir « minimisé les risques de radiation ».

Rafael Grossi (à g.), directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), présente le rapport complet de l'AIEA sur le rejet de l'eau traitée de Fukushima au Premier ministre japonais Fumio Kishida lors de leur rencontre  à Tokyo, le 4 juillet 2023.
Rafael Grossi (à g.), directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), présente le rapport complet de l’AIEA sur le rejet de l’eau traitée de Fukushima au Premier ministre japonais Fumio Kishida lors de leur rencontre à Tokyo

Les voisins du Japon, de la Chine aux pays du Pacifique, ont également exprimé des inquiétudes et les communautés locales de pêcheurs craignent que leurs années d’efforts pour rétablir la confiance des consommateurs ne soient anéantis.

Pour tenter de faire évoluer l’opinion au Japon et en-dehors, le gouvernement nippon n’a pas ménagé ses efforts, invitant des délégations et des médias à la centrale de Fukushima, où ils ont pu s’arrêter devant des bassins d’eau traitée et diluée où nagent des poissons.

Des séances d’information technique ont également été organisées pour des voisins comme la Corée du Sud, mais Tokyo a souligné que les invitations à la Chine étaient restées sans réponse.

L’élément clé de cette campagne nippone est sans doute le rôle de l’AIEA, qui a approuvé le rejet et surveillera sa mise en œuvre. Le « gendarme nucléaire », dont le directeur général, Rafael Grossi, est actuellement en visite au Japon, a déclaré mardi que le projet japonais « satisfait aux normes internationales de sûreté » et aura un impact « négligeable sur la population et l’environnement ».

Craintes des pêcheurs locaux

L’aval de l’AIEA « peut rassurer non seulement la population japonaise, mais aussi la communauté internationale. C’est l’étalon-or », a déclaré à l’AFP Shinichi Sato, du ministère nippon des Affaires étrangères.

Des militants sud-coréens portant des masques du Premier ministre japonais Fumio Kishida (à droite) et du président sud-coréen Yoon Suk Yeol (à gauche) protestent contre le rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) sur le plan de rejet de l'eau de Fukushima, sur la place Gwanghwamun à Séoul, le 5 juillet 2023.
Des militants sud-coréens portant des masques du Premier ministre japonais Fumio Kishida (à droite) et du président sud-coréen Yoon Suk Yeol (à gauche) protestent contre le rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur le plan de rejet de l’eau de Fukushima, sur la place Gwanghwamun à Séoul

Le rejet n’en demeure pas moins controversé, le secrétaire général du Forum des îles du Pacifique, Henry Puna, ayant notamment demandé le mois dernier « plus de temps et une abondance de précautions ».

Et si Séoul a tempéré son opposition à la faveur du réchauffement de ses relations diplomatiques avec Tokyo, les prix du sel ont grimpé en flèche en Corée du Sud ces dernières semaines sur fond de craintes de contamination.

Pour les pêcheurs, qui ont subi des années de suspicion malgré les tests approfondis effectués sur leurs prises, « l’atteinte à la réputation [de leurs produits] est la plus grande préoccupation », a déclaré à l’AFP un porte-parole de la Fédération des coopératives de pêche de Fukushima. « Il y a encore des inquiétudes à la fois dans le pays et à l’étranger […] et nous voulons que le gouvernement en fasse plus », a-t-il ajouté.

Le ministère japonais des Affaires étrangères dit comprendre que le rejet, qui devrait s’étaler sur plusieurs décennies, « nécessite beaucoup d’explications. Et nous sommes prêts à le faire », assure Shinichi Sato.

AFP

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