Emeutes en France: Accalmie mais une justice à deux vitesses

La désescalade semble prendre le pas sur les émeutes déclenchées en France suite à l’assassinat des mains d’un policier du jeune Nahel le mardi 27 juin 2023. Le nombre d’interpellations a diminué selon les chiffres du ministère français de l’Intérieur mais la justice s’est montrée extrêmement ferme pour des faits mineurs.

L’accalmie se confirme en France après près d’une semaine de troubles à l’ordre public, des incendies de poubelles, casse de commerces, pillages de magasins, résultant de la colère populaire, surtout des jeunes qui se sentent opprimés et solidaires du jeune d’origine algérienne, tué par la police.

En France, les affaires de violences policières et de meurtre causés par des éléments de la police font presque toujours les mêmes victimes. Des personnes d’origine étrangères, maghrébines ou africaines.

Les émeutes provoquées par l’affaire Nahel expriment la colère de cette frange de la population qui n’a eu de cesse d’organiser des marches blanches et des manifestations pacifiques mais qui n’a pas l’impression que justice soit rendue ou que le problème des violences policières et contrôles policiers dans les banlieues ne soit réglé.

Après plusieurs jours de casse, l’accalmie est au rendez-vous selon les chiffres du ministère français de l’Intérieur. Une nette décrue a été enregistrée dans la nuit de lundi 3 à mardi 4 juillet 2023 avec 72 personnes interpellées dont 24 à Paris et 24 bâtiments incendiés ou dégradés.

Le ministère a recensé 159 incendies de véhicules et 202 incendies sur la voie publique en majorité des poubelles, et 4 attaques contre des locaux de police, lors de cette septième nuit consécutive d’émeutes.

Le gouvernement français a mis en place un dispositif nocturne de 45 000 policiers et gendarmes, donnant l’impression que la France a basculé dans la guerre civile.

Un homme de 27 ans est mort dans la nuit du samedi 1er au dimanche 2 juillet, tué par un tir de la police à Marseille, vient d’annoncer le parquet de la ville évoquant un « probable » tir de « type flash-ball ».

Une information judiciaire du chef de « coups mortels avec usage ou menace d’une arme » a été ouverte, selon le parquet de Marseille qui cite un « probable un décès causé par un choc violent au niveau du thorax causé par le tir d’un projectile de type flash-ball » provoquant un arrêt cardiaque.

Les premières peines concernant les émeutes ont été prononcées aussitôt après une circulaire du ministère de la Justice. Dès vendredi, le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a transmis une circulaire pour réclamer une réponse pénale « rapide, ferme et systématique ».

Un prévenu a été jugé pour avoir diffusé le nom et la ville où habite le policier accusé d’homicide volontaire contre le jeune Nahel. Inconnu jusqu’alors de la justice, inséré professionnellement, il a été condamné à 18 mois de prison dont 12 avec sursis pour une story Snapchat publiée pourtant « en privé ».

Une jeune dénommée Sana, âgée de 18 ans, en formation pour être auxiliaire de vie, a écopé de quatre mois de prison ferme pour avoir « tenté » de piller un magasin à Marseille samedi soir. Un autre a pris 10 mois de prison ferme, interpellé – en récidive – une boisson à la main alors qu’il sortait d’un magasin pillé sans avoir de produits volés dans les mains.

La majorité des impliqués dans ces affaires ont écopé de peines de prison ferme alors qu’ils auraient pu avoir des bracelets électroniques. Cela fait écho à la peine prononcée contre le comédien Pierre Palmade, qui a provoqué un accident de la route mortel alors qu’il était en état d’ébriété et sous les effets de drogues dures. Le comédien n’a eu droit à aucune journée de prison mais un simple bracelet électronique ainsi qu’une permission de sortie les week-ends.

Depuis le début des jugements, 350 incarcérations ont été décidées, a indiqué le garde des Sceaux mardi. Les Français restent indignés face au deux poids deux mesures adopté dans cette affaire.

Des vidéos ont montré des éléments de la police ne procédant pas à l’arrestation de jeunes voleurs de type caucasien dans des magasins pillés, tandis que d’autres de type maghrébin ou africain, ont été arrêtés à la sortie de ces magasins pillés et ont immédiatement été placés sous mandat de dépôt, et condamnés à des peines de prison ferme.

Les avocats sautent au plafond en dénonçant une justice politique et crient au scandale. La plupart de ces condamnés sont des jeunes dont l’âge médian est de 17 ans, qui n’ont eu aucun dossier ou d’antécédents criminels.

Ils déplorent des procès-verbaux « flous », des scénarios où les accusés ne sont pas reconnus, et des procédures bâclées par des magistrats qui appliquent les consignes du gouvernement « aveuglément ».

Malgré l’accalmie, la colère persiste toujours en France, et quelque 90 organisations (syndicats, associations, collectifs ou partis politiques) ont appelé à organiser samedi des « marches citoyennes » pour exprimer « deuil et colère » et fustiger les politiques jugées « discriminatoires » contre les quartiers populaires.

L’Union syndicale Solidaires a annoncé dans un communiqué, ce mercredi, que ces marches ont pour objectif de soutenir « le maintien des libertés publiques et individuelles », et de demander au gouvernement de prendre « ses responsabilités et (d’apporter) des réponses immédiates pour sortir de l’affrontement ».

« Notre pays est en deuil et en colère. Le meurtre de Nahel tué par un policier à bout portant à Nanterre, a mis à nu les effets de décennies de politiques publiques discriminatoires et sécuritaires ciblant notamment les quartiers populaires et la jeunesse qui y grandit et particulièrement les personnes racisées et précarisées », note le communiqué.

Les organisations, classées à gauche, demandent une réforme « en profondeur » de la police, de ses techniques d’intervention et de son armement, notamment avec l’abrogation de la loi de 2017 sur l’assouplissement des règles en matière d’usage des armes à feu par les forces de l’ordre, et le remplacement de l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN) par un organisme indépendant de la hiérarchie policière et du pouvoir politique.

hespress

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