Emmanuel Macron ne pourra pas dire que les images de Français en émeutes urbaines étaient une surprise ou une nouveauté pour lui. Depuis son arrivée à l’Elysée, les gilets jaunes, violentes expressions de la France périphérique et les manifestations houleuses contre la réforme de la retraite, ont créé ces images et cette atmosphère d’insurrection devenues familières de la France d’aujourd’hui, presque un label distinctif en comparaison des autres pays européens.
Malgré la lourde pression de l’opinion et de l’extrême droite, Emmanuel Macron a résisté à la tentation d’imposer aux Français l’état d’urgence comme solution sécuritaire à cette crise. Il ne l’a pas fait aussi pour des raisons objectives.
La première était de ne pas utiliser une carte précieuse qui nécessite à elle seule d’immenses moyens pour son application. Que ferait-il alors si cette solution extrême s’avérait inefficace pour mettre fin à cette crise. Et puis quel message Emmanuel Macron allait il adresser à son voisinage européen et à la communauté internationale ? Fébrilité ? Fermeture ? Incapacité de gérer des émeutes urbaines? Surtout à quelques mois de l’organisation des célèbres jeux olympiques Paris 2024.
Quelle que soit l’issue de cette crise dont la tendance au calme s’est confirmée au fil des nuits, Emmanuel Macron ne pourra plus agir comme si de rien n’était. Déjà son activité diplomatique a été lourdement influencée. N’a-t-il pas été obligé de raccourcir sa présence au sommet européen de Bruxelles destiné à prendre d’importantes décisions ? N’a-t-il pas été obligé d’annuler sa très importante visite d’Etat en Allemagne pour rester mobilisé à Paris ?
Sur le plan des priorités, ces émeutes ont de fortes chances de bouleverser l’agenda présidentiel et gouvernemental. Depuis son arrivée, Emmanuel Macron avait fait de la transition et de l’économie verte sa boussole politique. Les crises de la banlieue ont été régulièrement évoquées mais sans passer à l’acte politique qui refonde la géographie sociale de ces quartiers difficiles.
Le fameux plan Borloo qui avait suscité des espoirs, a été utilisé à minima. Ce qu’on appelle communément et par fainéantise intellectuelle « les quartiers difficiles » n’ont, à aucun moment, été la priorité sociale du gouvernement. Certains commentaires ont même souligné une forme d’allergie des gouvernements sous Macron à ces crises en banlieue qu’on croyait, soit artificiellement entretenue, soit appartenir à un autre âge.
Aujourd’hui, au delà de la thérapie sécuritaire qui consiste à mettre fin à ce qui s’apparente à un chaos social , Emmanuel Macron devra certainement réécrire sa vision des priorités sociales et politiques. L’idée cardinale est de veiller à empêcher la prochaine explosion partant de l’incontestable constat que la mort du jeune Nael n’a été que le prétexte déclencheur de ces émeutes.
Toute stratégie novatrice et efficace en la matière devra fatalement s’attaquer à l’immense chantier qui consiste à casser les ghettos qui favorisent à la fois une dangereuse économie informelle et encourage toutes les formes de rupture avec les autorités, l’Etat et les institutions pour aboutir en fin de compte à cette situation de séparatisme tant décriée.
Les conséquences politiques de ces émeutes sur la gouvernance de Macron vont forcément se faire sentir. Le président vivait une séquence politiquement sensible où un remaniement gouvernemental devenait indispensable pour relancer son second mandat. Si remaniement il devrait y avoir ces prochaines semaines, il se fera indéniablement à l’ombre de cette crise sociale et sécuritaire que traverse le pays. Le futur casting gouvernemental sera influencé par ces événements au point d’imposer des profils et d’en écarter d’autres.
Cette crise pose aussi des défis à la classe politique française. Les relents qu’elle a produits sont autant de signes encourageants pour une extrême droite raciste et xénophobe déjà en excellente santé.
Est ce à dire que cette atmosphère d’angoisse, de rejet va paver le chemin de cette extrême droite vers l’Elysée? Rien n’est moins sûr. Pour certains ces images d’émeutes nocturnes et de défis à l’autorité valident visuellement le constat de l’extrême droite sur la société française.
D’autres, au contraire, peuvent prendre conscience que les enjeux actuels sont tellement graves et lourds de conséquences que les solutions simplistes et réductrices proposées par l’extrême droite ne pourront que jeter de l’huile sur le feu et précipiter le pays dans abîmes inconnus.
Dans tous les cas, ces émeutes urbaines que les réseaux sociaux ont spectaculairement amplifiés, avec leur violence et la possibilité de dégénérer à n’importe quel moment imposent à Emmanuel Macron la nécessité de remuer cette poussière longtemps mise sous le tapis, ces fractures longtemps remises au placard. Macron et son future gouvernement sont très attendus au tournant.
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