Le gouvernement a annoncé l’installation d’une paire de réacteurs EPR sur le site de l’actuelle centrale nucléaire du Bugey. Un recours a toutefois été lancé par l’association Sortir du Nucléaire Bugey, qui pourrait s’accompagner d’actions sur le terrain.
En balance depuis plusieurs mois avec la centrale nucléaire du Tricastin (Drôme), le site de la centrale nucléaire du Bugey a été choisi par le gouvernement pour accueillir une 3e paire de nouveaux réacteurs nucléaires EPR2. Le choix de ce site, installé au bord du Rhône, est justifié par des «enjeux techniques» pour «tenir les calendriers» de relance du nucléaire promue par le gouvernement, a expliqué jeudi le ministère de la Transition énergétique.
«Le site du Bugey était davantage prêt que celui du Tricastin, donc c’est un choix rationnel pour tenir les calendriers dans les meilleurs délais», a indiqué le cabinet de la ministre Agnès Pannier-Runacher.
Un lobbying de longue haleine
Sur place, l’annonce gouvernementale a été accueillie avec soulagement et enthousiasme par les élus locaux. «C’est une très grande satisfaction et l’aboutissement de plusieurs années de travail pour positionner notre territoire comme crédible aux yeux de Paris, du gouvernement et d’EDF», a réagi auprès du Figaro, Alexandre Nanchi, adjoint au maire de Lagnieu et président du Scot (schéma de cohérence territoriale) du Bocupa, territoire du sud de l’Ain sur lequel est installée la centrale nucléaire.
Depuis plus de quatre ans et l’annonce du programme EPR pas Emmanuel Macron, les collectivités locales de l’Ain ont tout fait pour apparaître compatibles avec cet EPR. «On a travaillé sur toute la filière industrielle en amont et en aval pour démontrer que EDF avait une belle opportunité de s’installer là. On a également obtenu une formation aux métiers du nucléaire avec EDF au lycée Alexandre-Bérard d’Ambérieux-en-Bugey», poursuit l’élu LR.
Des lignes de transport en commun à la demande ont aussi été créées pour desservir les principales gares de la région afin de rendre plus facile l’accès au site. À la clé, la création de plusieurs milliers d’emplois dans un département où le site du Bugey représente déjà 2000 emplois directs et des centaines d’emplois indirects pour les entreprises locales.
Le département de l’Ain et la région Auvergne-Rhône-Alpes ont aussi participé activement à ce travail de lobbying auprès du gouvernement à travers de nombreux rendez-vous à Paris et à Lyon. «Ce n’était pas gagné, la concurrence était rude. Mais [le président de la République] m’a confié avoir senti notre motivation, notre dynamique collective.
C’est une récompense pour les élus de terrain, je pense notamment à Jean Deguerry, président du Département de l’Ain. Ce qui a beaucoup joué aussi, ce sont nos garanties sur notre capacité à mettre en place des formations pour le recrutement», a déclaré Laurent Wauquiez, président du conseil régional dans Le Progrès .
Le débit du Rhône en question
L’annonce a été accueillie bien plus froidement par l’association Sortir du Nucléaire Bugey qui milite depuis longtemps pour la fermeture de la centrale aindinoise. «On est pour la fermeture des réacteurs existants donc on est évidemment contre ces EPR, que ce soit Bugey ou ailleurs. La relance de nouveaux programmes nucléaires n’est pas compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique», assure Joël Guerry, militant au sein de l’association et élu d’Ambérieu.
Pour ce dernier, la question «du débit du Rhône est cruciale dans » son refus de nouvelles installations nucléaires. Depuis plusieurs années, sécheresses et canicules forcent EDF à réduire régulièrement la production d’électricité dans certaines de ses centrales, pour réduire les rejets d’eau chaude dans des rivières plus basses ou déjà réchauffées (les réacteurs pompant l’eau pour se refroidir avant de la rejeter plus chaude).
«Un travail très approfondi est mené par EDF en étroite collaboration avec les autorités de sûreté pour identifier les sites les plus pertinents, donc évidemment la question de l’approvisionnement en eau et sa continuité, même dans les décennies qui viennent avec le réchauffement climatique, est regardé de très près», assure toutefois le ministère.
Vers une nouvelle ZAD ?
Le réacteur n°3 du Bugey a ainsi été arrêté dimanche en raison de la hausse des températures du fleuve, selon EDF, qui a précisé mercredi que cela était aussi lié à une faible demande en électricité. L’électricien a annoncé mardi de potentielles nouvelles baisses de production pour ce week-end sur ce site. Un recours a été lancé par l’association antinucléaire contre le SCOT (document d’orientation stratégique d’aménagement du territoire et d’urbanisme, NDLR) modifié récemment pour accueillir l’EPR2.
Recours qui pourrait s’accompagner d’actions sur le terrain et peut-être de création de nouvelles «zones à défendre» dans la région. « Les terrains convoités par EDF pour l’EPR2 ne leur appartiennent pas tous, donc il pourrait se passer des choses », prévient Joël Guerry.
AFP