Les saumons se font rares cette année dans les rivières du Québec. Plusieurs d’entre elles ont à peine enregistré la moitié des montaisons de l’an dernier.
« C’est catastrophique », laisse tomber Léo Savard, responsable de la rivière Godbout, sur la Côte-Nord. Après les interdictions de circuler en forêt en raison du danger d’incendie et des « pluies diluviennes qui ont maintenu la rivière à un niveau non pêchable », voilà que le roi des rivières n’est pas au rendez-vous.
La plupart des rivières à saumons du Québec ont connu une baisse de montaison cette année. Plusieurs d’entre elles enregistrent des diminutions de près de 50 % par rapport à l’an dernier.
La saison dernière a toutefois été exceptionnellement bonne pour les saumons. Il n’y a donc pas lieu de s’alarmer par rapport à ce déclin néanmoins important, notent la plupart des responsables de rivières contactés par Le Devoir.
« Si on compare avec la moyenne des 10 à 15 dernières années, on reste quand même dans des chiffres qui ont du sens », rassure le responsable de la rivière Mitis, Élie-Merlin Mercier-Ouellet. « C’est année, c’est plus une année normale. »
« On s’habitue vite à la normalité d’abondance. Les gens trouvent qu’on n’a pas beaucoup de saumons cette année, mais les gens ont un peu la mémoire courte », renchérit le directeur général de la Société de gestion des rivières de Gaspé, Rémi Lesmerises.
Les rivières les plus poissonneuses se trouvent à la pointe de la Gaspésie, selon le décompte du Devoir ; la rivière Saint-Jean connaît même une petite hausse de sa population de saumons matures cette année. C’est surtout sur la Côte-Nord que le déclin se fait sentir.
« C’est régional. Toutes les rivières de la Côte-Nord ont subi le même phénomène », rapporte de son côté Georges Gagnon, directeur général de la ZEC Rivière-de-la-Trinité, qui note par ailleurs une absence d’autres espèces de poissons dans les eaux de sa région. « Il y a habituellement présence, au large, de maquereaux, de hareng, de capelan. Cette année : zéro, presque rien. Les pêcheurs amateurs de poisson de fond nous le disent. La morue aussi est absente. »
De nombreux pêcheurs s’inquiètent de la présence de plus en plus importante du bar rayé — une espèce prédatrice des petits saumons — dans les rivières pour expliquer la baisse des montaisons. Il n’en est rien, puisque les bars sont encore en trop petit nombre, selon les biologistes interrogés. « Ça n’a aucun rapport. S’il y a un impact quelconque, ça va se répercuter dans trois ans », confirme Rémi Lesmerises.
Des rivières fermées à la pêche
La situation est plus grave dans la province voisine de Terre-Neuve-et-Labrador. Près d’une centaine de rivières et d’affluents ont été fermés à la pêche en raison de la chaleur intense et des faibles précipitations estivales.
L’eau de ces cours dépasse depuis quelques jours le seuil des 20 °C. Au-delà de cette marque, la vitalité des saumons est grandement réduite et toute capture pourrait signifier la mort du poisson. « L’eau chaude n’aide pas le processus de remise à l’eau. Ils ont plus de difficulté à reprendre leur énergie », explique Élie-Merlin Mercier-Ouellet, qui est biologiste de formation.
« Pêches et Océans Canada continuera de surveiller l’état des rivières et de rouvrir celles qui sont fermées lorsque les conditions environnementales s’amélioreront », précise de son côté le ministère fédéral dans une déclaration écrite.
Les abondantes précipitations qui ont arrosé le Québec ont permis de rafraîchir la plupart des rivières d’ici. Malgré tout, les eaux demeurent plus chaudes que d’habitude, ce qui rebute au bout du compte plusieurs amateurs de pêches à la mouche. « Il ne mord pas, le saumon, quand l’eau est au-dessus de 20 °C », résume Rémi Lesmerises.
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