Il se rêvait en footballeur professionnel, il est devenu un photographe talentueux. Entre les deux destins, un terrible accident qui aura décidé du tournant de sa vie. À 32 ans, l’artiste Baba Diédhiou incarne la rencontre entre le sport et la culture, chers aux yeux de la Francophonie.
Ce qu’il n’a pas pu obtenir avec ses pieds, il l’a réussi avec son œil et ses mains comme le prédestinait sa belle-sœur. « Tu as quelque chose entre les mains », lui disait-elle. Lui voulait conquérir le monde avec ses pieds. Comme le champion d’Afrique sénégalais, Sadio Mané, également originaire comme lui de la Casamance.
El Hadji Samba Diédhiou, « Baba », pour les intimes et pour tous ceux qui ont la chance de le voir sur un terrain de foot, avait du talent à revendre. Doué avec le ballon au point d’être surnommé « Ribéry » ou « Iniesta », le milieu de terrain était sur le point de signer un contrat de footballeur professionnel après des tests concluants en Italie. C’était avant le drame.
Quinze jours dans le coma
Une nuit, sur un trottoir de son quartier Grand-Dakar, le jeune apprenti footballeur de 21 ans est fauché, avec un ami, par un « car rapide », un véhicule de transport dakarois surnommé parfois « cercueil roulant ». Le copain meurt sur le coup, Baba, dans le coma, atterrit à l’hôpital. Il se réveillera 15 jours plus tard, subira cinq opérations, avant, miraculeusement, de pouvoir remarcher après l’étape fauteuil roulant-déambulateur-béquilles.
Près de six mois après l’accident, il recourt, il revit. Mais… « J’ai bien repris le foot, mais, j’ai senti très vite que c’en était fini de mon rêve de devenir footballeur professionnel. J’ai donc entrepris des études pour devenir graphiste. Mais l’amour de la photographie était trop fort et je me suis plongé dedans. »
Baba met toute son énergie, sa créativité, dans la photo qu’il taquinait déjà depuis l’enfance. « J’aimais bien prendre en photo mes copains du foot », confie le fan du Bayern Munich.
S’il a gardé le corps athlétique, désormais Baba Diédhiou, avec ses lunettes, a surtout l’allure d’un professeur d’école d’art, avec un sourire qui le quitte rarement.
Aujourd’hui, près de 13 ans après son accident, Baba a fini de se reconstruire grâce à la photographie avec laquelle il s’exprime pleinement. « Je pense que je fais de la poésie à travers la photographie. Cela me permet de faire sortir ma créativité certes, mais surtout mes émotions. Et elles sont fortes. Mes photos sont toujours en « mouvement ». » Comme sur un terrain de foot.
« Il est sensible à d’autres formes d’arts »
Gossete Lubanda, présidente du jury photo des Jeux, sans trop se mouiller, accepte d’évoquer le style de Diédhiou. « Je connais son travail, c’est quelqu’un qui est sensible à d’autres formes d’arts, notamment la danse, la musique. Et, il utilise la photographie pour transmettre les émotions qu’il ressent justement à travers ces autres formes d’art. Visuellement, on ressent son énergie à travers les corps en mouvement sur ses photos. »
Cette présence aux Jeux de la Francophonie, c’est un peu la CAN ou la Ligue des champions de Baba Diédhiou, fier de défendre le drapeau national avec la délégation sénégalaise. « Tu m’impressionnes tout le temps », lui a lancé son papa avant le départ pour Kinshasa. Fier de voir comment son fils s’est relevé et s’est construit pour arriver aujourd’hui à représenter le Sénégal dans une compétition internationale.
« Je disais souvent à ma mère : « On ne m’a pas connu avec le foot, on me connaîtra par la photographie. Je suis le Sadio Mané de la photographie », rigole-t-il. Je suis venu défendre le drapeau sénégalais, et si ça peut inspirer la jeunesse sénégalaise, tant mieux. »
africaininfo