Ces polluants ne menacent pas la santé des astronautes à court terme, mais il sera indispensable d’en tenir compte pour les futures missions de longue durée.
Pour les pensionnaires de l’ISS, le nettoyage n’est pas qu’une simple corvée ; c’est un impératif absolu, car permettre à des microorganismes potentiellement dangereux de proliférer dans un environnement clos où l’air est recyclé en permanence pourrait avoir des conséquences catastrophiques. Toutes les semaines, les astronautes s’astreignent donc à un nettoyage en profondeur.
Mais selon une étude récente, il n’y a pas que des microbes dont ils doivent se méfier. C’est en tout cas la conclusion qui s’impose à la lecture des derniers travaux de l’Université de Birmingham.
En analysant plusieurs échantillons de poussière collectés dans les systèmes de filtration d’air, les chercheurs ont constaté qu’elle contenait de nombreux contaminants chimiques potentiellement nocifs. Et surtout, ils y sont présents en quantité supérieure à ce que l’on trouve dans une maison occidentale typique.
La liste contient des composés ignifuges qui servent à empêcher les incendies et à ralentir la propagation des flammes, comme des agents ignifuges bromés (BRF) et des organophosphates (OPE). Les chercheurs ont aussi trouvé des hydrocarbures aromatiques polycycliques (PAH) qui résultent généralement de la combustion d’hydrocarbures. Ils sont considérés comme cancérigènes.
Ils ont également identifié des polychlorobiphényles (PCB), des polybromodiphényléthers (PBDE), des hexabromocyclododecanes (HBCDD) et des substances perfluoroalkylées (PFAS). Tous ces composés sont classés en tant que « polluants organiques persistants » par la Convention de Stockholm, et les derniers sont également classés parmi les substances cancérigènes.
D’où viennent ces polluants ?
Dans un premier temps, la priorité sera d’identifier l’origine de tous ces composés potentiellement toxiques. L’étude suggère qu’ils pourraient provenir en majorité du matériel personnel emporté par les astronautes depuis la Terre, comme des tablettes, des appareils médicaux ou des habits.
Mais il pourrait aussi s’agir de résidus de certains composants de l’ISS elle-même. Car même si les astronautes effectuent des maintenances régulières, la station n’est plus toute jeune, et certaines pièces datent encore d’une époque où les normes sur les matériaux étaient nettement moins restrictives.
Les chercheurs pointent aussi du doigt le rôle potentiel des radiations ionisantes. La station est bien plus exposée à ces radiations que notre planète, car elle ne bénéficie pas de la protection du champ magnétique terrestre.
Or, il a déjà été prouvé que ces rayonnements ont tendance à accélérer le vieillissement de nombreux matériaux. Cela concerne notamment les plastiques, qui peuvent alors relâcher des quantités significatives de microparticules nocives. Mais les scientifiques ne savent pas dans quelle mesure ils peuvent affecter l’abondance de tous ces composés à bord d’un véhicule spatial.
Des implications pour les futures bases et stations spatiales
Heureusement, ces résultats ne signifient pas que l’ISS est un environnement hautement toxique susceptible d’empoisonner les astronautes avant leur retour sur Terre. Dans l’immédiat, n’y a pas de souci à se faire pour la santé de Thomas Pesquet et de ses collègues. Mais la donne pourrait être différente pour des séjours de très longue durée ; le potentiel nocif de ces substances pourrait devenir bien plus significatif en cas d’exposition prolongée.
C’est donc une thématique dont il faut commencer à tenir compte, à une époque où les longs voyages dans l’espace et la colonisation interplanétaire commencent à devenir des concepts de plus en plus concrets. « Nos découvertes ont des implications claires pour les futures stations spatiales et autres habitats », explique Stuart Harrad, co-auteur de l’étude, dans un communiqué.
Une fois que les sources de ces contaminations auront été clairement identifiées, il conviendra donc d’en tirer les conclusions qui s’imposent lors de la conception des infrastructures spatiales de demain. « Il pourrait être possible d’exclure de nombreuses sources de contaminants en choisissant soigneusement les matériaux dès les premières étapes de la conception », précise Harrad.
L’équipe suggère aussi qu’il faudrait se pencher de plus près sur l’efficacité des systèmes de filtration. Ils sont très efficaces pour extraire le dioxyde de carbone de l’air ainsi que plusieurs contaminants gazeux. En revanche, leur capacité à traiter ces polluants n’est « pas claire » à l’heure actuelle.
Phys.org