Le Wegovy, un populaire médicament contre l’obésité, protégerait aussi le cœur

Une nouvelle étude sur un médicament contre l’obésité fait grand bruit dans la communauté médicale : en plus de faire perdre du poids, le Wegovy réduit de 20 % sur cinq ans les risques de crise cardiaque, d’accident vasculaire cérébral et de décès liés au coeur chez les patients en surpoids ou obèses qui ont une maladie cardiovasculaire.

L’entreprise pharmaceutique Novo Nordisk, qui commercialise le Wegovy, a annoncé ce résultat par voie de communiqué mardi. Son essai en double aveugle a été mené auprès de 17 604 adultes non diabétiques âgés de 45 ans et plus, qui ont un indice de masse corporelle de 27 ou plus et qui sont atteints d’une maladie cardiovasculaire documentée.

Les détails de l’étude n’ont pas été divulgués : ils seront présentés à un colloque scientifique international cet automne, indique le fabricant.

« C’est une très grande nouvelle », dit la Dre Marie-Philippe Morin, spécialiste en intervention chirurgicale bariatrique qui pratique à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec. « Aucun médicament pour l’obésité n’a jamais démontré cet effet protecteur contre les maladies cardiovasculaires chez les patients sans diabète. »

Ces résultats « frappent l’imaginaire », selon le Dr Philippe L.-L’Allier, directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal. « Ça vient confirmer le fait que l’obésité peut être — et, peut-être, doit être — considérée comme un facteur de risque en soi, autant que les facteurs de risque “classiques”, comme l’hypertension artérielle, la cigarette, etc. », affirme-t-il.

Approuvé par Santé Canada, le Wegovy n’est toujours pas sur le marché au pays. Sa commercialisation a été retardée en raison de la forte demande pour celui-ci aux États-Unis. Le médicament, qui s’administre par injection, est composé de sémaglutide (2,4 mg), soit le même ingrédient actif que celui de l’Ozempic (1 mg), un traitement pour le diabète de type 2 chez les adultes, mais aussi utilisé « hors indication » par des médecins pour traiter l’obésité.

Soif de détails
Jean-Pierre Després, directeur scientifique du centre de recherche en santé durable VITAM, salue cette avancée scientifique. Le communiqué de presse émis par Novo Nordisk le laisse toutefois sur sa faim. « Moi, j’ai plein de questions — pas des critiques, mais des questions — par rapport à cet essai clinique : quel type de patients avec maladies cardiovasculaires a été inclus ? Quelle est la proportion d’hommes, de femmes ? Est-ce qu’on va avoir des données sur le tour de taille ? »

Il y a une trentaine d’années, le professeur de l’Université Laval a été parmi les premiers dans le monde à faire le lien entre un tour de taille élevé (obésité viscérale) et les risques de maladies cardiovasculaires. Cette donnée lui apparaît essentielle.

« Cette graisse dans la cavité abdominale, c’est une graisse qui est dangereuse quand on en a en excès parce qu’elle ne fait pas juste libérer du gras dans le sang, elle libère aussi des substances inflammatoires, des molécules inflammatoires qui vont “mettre le feu dans la cabane” », explique Jean-Pierre Després. « Les hommes avec des bedons durs, qui ont l’air enceintes de six ou sept mois, ils sont en inflammation chronique. Ça rend leurs artères très vulnérables à l’infarctus et à l’athérosclérose prématurée. »

Les détails de l’étude permettront de savoir quels types de patients bénéficieraient le plus de ce médicament, estime-t-il. « On sait que ce n’est pas donné, ce type de molécule là. Maintenant, le défi, ça va être de donner la bonne molécule au bon patient pour ne pas qu’on se retrouve avec des gens qui veulent prendre ça pour avoir l’air d’acteurs et d’actrices de Hollywood et avoir fière allure dans leur maillot de bain », dit Jean-Pierre Després.

Des réflexions nécessaires
La Dre Morin croit que cette nouvelle étude servira d’« argument » supplémentaire pour convaincre le gouvernement québécois d’inclure les médicaments qui traitent spécifiquement l’obésité dans le régime général d’assurance médicaments. La Régie de l’assurance maladie du Québec ne les rembourse pas, et des assureurs canadiens ont récemment choisi de mettre fin au remboursement de l’Ozempic lorsqu’il est utilisé pour l’obésité. Cela donne lieu, soutient-elle, à des « drames humains ».

Selon le Dr Philippe L.-L’Allier, ces médicaments ne sont pas « une fin en soi ». Ils doivent être accompagnés d’une saine alimentation et d’exercice physique, affirme-t-il.

Le cardiologue hémodynamicien estime qu’une réflexion « globale » s’impose au sujet de notre société « extrêmement obésogène ». « On peut difficilement envisager de permettre des boissons ultra-sucrées et des aliments ultratransformés non taxés — ou très peu taxés — et payer en même temps pour un médicament extrêmement dispendieux destiné à faire perdre du poids », pense-t-il.

ledevoir

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