Avec des stades quasiment pleins dans les dix villes accueillant les matches de la Coupe du monde, les instances du rugby français peuvent se frotter les mains. Elles espèrent que cette dixième édition sera un succès financier et populaire qui tournera la page d’une année très mouvementée, avec notamment le départ forcé de Bernard Laporte, condamné pour corruption.
À peine installé dans ses fonctions de président de la Fédération française de rugby, Florian Grill a rapidement endossé un nouveau costume, celui de pompier. « Nous essayons d’éteindre les incendies », a-t-il déclaré le 19 août, après avoir pris connaissance tardivement des prétentions financières de l’Australie pour disputer un match de préparation au Stade de France. Les Australiens venaient alors de rappeler qu’en vertu d’un « accord oral » avec l’ancienne direction de la FFR, ils s’attendaient à une importante rétribution qui n’avait pas été budgétée.
Le nouveau patron du rugby français a qualifié cette découverte de « nouvelle mauvaise surprise » qui allait venir peser sur une situation financière déjà difficile. « Notre déficit est estimé à 20 millions d’euros alors qu’on nous avait parlé de 9 puis 13 », a précisé Florian Grill, contraint de cohabiter depuis son élection, le 14 juin, au sein du Comité directeur de la fédération avec plusieurs membres de l’ancienne équipe dirigeante.
À sa tête se trouvait Bernard Laporte, contraint de démissionner de ses fonctions en janvier 2023 après avoir été condamné pour corruption. C’était lui qui présidait la FFR lorsque la France a obtenu, en 2017, l’attribution de la dixième Coupe du monde. À l’époque, le rugby français annonçait un budget déficitaire d’environ 7 millions d’euros. Et l’opposant Florian Grill dénonçait déjà à l’époque une mauvaise gestion financière des instances en place.
Une manne financière importante
Si les bilans comptables suscitaient d’importants différends entre les deux camps, un point faisait consensus : le rugby français allait pouvoir se remettre à flot avec la manne financière de la Coupe du monde 2023. Un magot initialement estimé à 200 millions d’euros par le directeur de la candidature française, Claude Atcher.
« Nous sommes potentiellement à 500 millions d’euros de recettes. Donc, au minimum, 200 millions d’euros de bénéfices », déclarait-il en 2017 dans une interview accordée au Figaro, avant l’attribution de la Coupe du monde.
Six ans après, ce chiffre n’est plus d’actualité mais les prévisions restent conséquentes. En juin 2022, Claude Atcher évoquait dans Les Echos « un bénéfice de 68 millions d’euros », quatre mois avant d’être démis de ses fonctions pour « pratiques managériales alarmantes » au sein du Groupement d’intérêt public qu’il dirigeait. Il se dit victime d’un complot et nie les accusations portées contre lui par des salariés de cette entité chargée d’organiser la Coupe du monde.
Son successeur, Jacques Rivoal, a encore revu cette manne à la baisse. « Notre référence, c’est la Coupe du monde de 2015 en Angleterre, où les contextes sont assez proches, voire de 2007 en France. Dans les deux cas, on était autour de 36 millions d’euros de résultat. On a consolidé tous les éléments, toutes les entités juridiques : cela nous amène à présenter un résultat consolidé entre 45 et 50 millions d’euros », a-t-il expliqué en février au quotidien La Dépêche du Midi. Certaines dépenses liées à l’organisation de la compétition n’avaient pas été intégrées dans les premières estimations, a-t-il précisé.
Des stades pleins pour voir les Bleus
Cette manne financière, qui découle grandement de la vente des 2,6 millions de billets proposés pour les 48 matches, permettra à la FFR de récupérer les fonds avancés au comité d’organisation de la Coupe du monde. Le reste devrait financer le développement de la pratique du rugby sur l’ensemble du territoire national. Des ressources précieuses pour le président Grill, qui devra cependant affronter une nouvelle élection fédérale fin 2024, date initiale de la fin du mandat de Bernard Laporte.
La FFR peut même s’attendre à un avenir encore plus radieux si les Bleus gagnent, le 28 octobre, la première Coupe du monde de leur histoire. Elle devrait certes verser une prime de victoire aux joueurs, qui serait de près de 200 000 euros par champion du monde selon le site Rugbyrama. Mais les retombées seraient bien plus lucratives à terme. Elle a déjà pu mesurer depuis quatre ans l’effet populaire du redressement de l’équipe de France, qui a gagné 31 de ses 39 matches.
Les Bleus remplissent aussi bien le Stade de France que les enceintes de province dans lesquelles ils ont joué. Leurs trois matches de préparation à Nantes, Saint-Étienne et Saint-Denis ont ainsi fait le plein au mois d’août. Le souvenir d’un France-Fidji perdu en novembre 2018 à Saint-Denis (14-21) dans un stade à moitié vide semble désormais bien loin.
Le rugby français se réjouit également de la bonne santé de ses jeunes puisque les moins de 20 ans ont décroché, en juillet 2023, un troisième titre consécutif de champions du monde. Et si l’équipe de France féminine n’a pas remporté de titre cette saison, elle attire également un public grandissant, comme le montre le record d’affluence (18 604 spectateurs) établi lors d’un match contre le pays de Galles à Grenoble dans le cadre du dernier Tournoi des Six Nations. Les équipes de France brillent et la FFR a des étoiles dans les yeux.
FRANCE24