« Notre révolution est civile »: les femmes de Soueïda en première ligne contre le régime syrien

Pour la quatrième semaine d’affilée, les habitants de Soueïda, ville majoritairement druze et contrôlée par le régime syrien, continuent de manifester sur la place de la « dignité ». Malgré les risques sécuritaires, les femmes sont en première ligne lors de ces rassemblements, pour appeler au départ du président syrien Bachar al-Assad. Trois habitantes de la ville témoignent.

Sur la place dite de la « dignité » – ainsi désignée par les manifestants –, de nombreuses habitantes continuent d’appeler au renversement du régime syrien et à la mise en œuvre de la résolution 2254 de l’ONU – celle-ci appelle à mettre fin au conflit commencé en 2011 – et à amorcer le transfert pacifique du pouvoir.

Ces manifestations font suite à la décision du gouvernement, le 15 août, de lever les subventions sur les hydrocarbures, ce qui a provoqué une hausse de 200 % des prix. Les protestataires avaient initialement dénoncé la détérioration de leurs conditions de vie avant d’appeler ouvertement à la chute du régime syrien.

Le 31 août 2023, des milliers de personnes ont participé à un rassemblement au centre de la ville. Il s’agissait de la plus grande manifestation depuis le début de ce mouvement, selon plusieurs de nos Observateurs. 

La rédaction des Observateurs de France 24 a pu échanger avec trois manifestantes et habitantes de Soueïda, dont Lina (pseudonyme) : 

Il y avait beaucoup de monde sur la place. Tous les jours, il y a de nouveaux visages. Notre participation à ces manifestations est un message qu’on envoie à la communauté internationale silencieuse. Il existe une résolution des Nations unies : la résolution 2254. Pourquoi elle n’a pas été mise en œuvre ?

Les preuves incriminant le régime ne manquent pas. Ce régime a tué des femmes et des enfants. Il a mis des milliers de personnes sur la route de l’exil. Il a même employé l’arme chimique. Les photographies de César [une série de photographies de personnes torturées à mort, qui ont fuité via un photographe légiste de l’armée syrienne, NDLR] sont là. Toutes ces preuves sont à l’appui. S’il n’y a pas de solution politique, les gens continueront d’aller sur les places de la ville pour protester.

Lors du « Printemps arabe », qui a commencé en 2011, les Syriens s’étaient révoltés contre un régime en place depuis plus de 50 ans. Celui-ci est aujourd’hui accusé de crimes contre l’humanité suite à la répression sanglante du mouvement protestataire et de l’emploi d’armes chimiques contre des civils.

Le 3 septembre 2023, plusieurs protestataires ont descendu une grande affiche à l’effigie de Bachar al-Assad accrochée sur la façade d’un bâtiment public.

Zena (pseudonyme) est une habitante de la ville de Soueida, âgée de 70 ans. 

Les femmes sont celles qui ont le plus souffert sous l’autorité de ce régime injuste. Certaines femmes ont perdu leurs fils dans cette guerre. D’autres ne voient plus leurs enfants car ils sont exilés de force. Et d’autres craignent que leurs enfants soient arrêtés par le régime. 

Plus de 12 millions de Syriens sont toujours déplacés de force du fait du conflit, dont près de 6,8 millions sont des déplacés internes.

L’économie syrienne, ravagée par 12 ans de guerre, fait face à des coupures d’électricité et d’eau particulièrement longues, et les salaires sont anormalement bas [12 euros mensuels pour la fonction publique, NDLR]. Plus de 90 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Nour est médecin à Soueïda :  

Il est normal que la femme soit là pour manifester avec le reste de la population. Son rôle est aujourd’hui central car avant, le régime syrien pouvait accuser les révolutionnaires de tenir un discours radical et religieux. Mais avec la participation des femmes, il est devenu clair que notre révolution n’est pas religieuse mais éminemment civile. 

Lors d’une conférence avec son homologue iranien, le ministre syrien des Affaires étrangères Faisal Mekdad a salué, le 3 septembre, « la fermeté [du peuple syrien] face à tous les défis et conspirations occidentales ». Pour le gouvernement syrien, la détérioration des conditions de vie des Syriens est due aux sanctions occidentales, pourtant temporairement levées depuis le séisme de février 2023 – une mesure destinée à faciliter l’envoi d’aide humanitaire. 

Environ 306 000 personnes sont mortes en Syrie depuis le début de la guerre en 2011, selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme. L’ONG de défense des droits humains Syrian Network for Human Rights estime qu’au moins 15 281 personnes ont été torturées à mort dans les geôles du gouvernement.

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