Les frappes ont visé un bateau de transport fluvial de passagers et une base de l’armée, dans un secteur soumis depuis quelques semaines à une forte pression des groupes armés combattant l’Etat central.
Soixante-quatre personnes, dont 49 civils et 15 soldats, ont été tuées au Mali, jeudi 7 septembre, dans deux attaques « terroristes » distinctes, selon le gouvernement. Les deux frappes ont visé un bateau de transport fluvial de passagers, appelé Tombouctou, sur le fleuve Niger et « la position de l’armée » à Bamba, dans la région de Gao (Nord), avec « un bilan provisoire de 49 civils et 15 militaires tués », explique un communiqué, qui ne précise pas combien de personnes sont mortes respectivement dans chacune des attaques. Le gouvernement a annoncé un deuil national de trois jours à compter de vendredi, dans un communiqué distinct.
Selon SITE − une ONG américaine spécialisée dans le suivi des groupes radicaux −, l’attaque sur la base militaire de Bamba a été revendiquée, jeudi, par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), alliance djihadiste affiliée à Al-Qaida, sur la plate-forme de propagande Al-Zallaqa.
Les deux attaques ont été « revendiquées » par le GSIM, a dit, de son côté, le gouvernement dans son communiqué, selon lequel l’assaut contre le bateau a aussi fait « des blessés ainsi que des dégâts matériels ». La riposte de l’armée a permis de « neutraliser une cinquantaine de terroristes », d’après la même source.
Le bateau visé par « au moins trois roquettes »
Le bateau, de la compagnie publique malienne de navigation (Comanav), a été attaqué dans le secteur de Gourma-Rharous, entre Tombouctou et Gao, avait précisé plus tôt l’armée malienne sur les réseaux sociaux. Le bateau a été visé par « au moins trois roquettes tirées contre le moteur », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) la Comanav, qui assure avec quelques navires une importante liaison sur plusieurs centaines de kilomètres, depuis Koulikoro, près de Bamako, jusqu’à Gao, en passant par les grandes villes sur le fleuve. Plusieurs passagers se sont jetés à l’eau dès les premiers tirs contre le navire, a dit à l’AFP un responsable de la Comanav.
Le Tombouctou peut transporter environ 300 passagers, ont précisé des agents de la compagnie, sans se prononcer sur le nombre de personnes effectivement à bord. Des soldats se trouvaient sur le bateau en guise d’escorte, dans le contexte des menaces sécuritaires qui pèsent sur la région, a déclaré un responsable militaire.
Un bateau avait déjà été attaqué à la roquette le 1er septembre dans la région de Mopti, plus au sud, faisant un mort, un enfant de 12 ans, et deux blessés. La liaison fluviale était utilisée par différents usagers, commerçants ou familles, et paraissait plus sûre à beaucoup que la route, a déclaré à l’AFP un agent de la Comanav.
Blocus de Tombouctou
Cette attaque est survenue quelques semaines après que le GSIM a annoncé, au début d’août, imposer un blocus à Tombouctou, qui coïncide avec la reconfiguration sécuritaire en cours autour de « la ville aux 333 saints », inscrite au Patrimoine mondial de l’humanité.
La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), poussée par la junte au pouvoir à quitter le pays, vient d’abandonner deux camps proches de Tombouctou, Ber et Goundam, transférés aux autorités maliennes. Cette prise de contrôle par l’Etat malien a donné lieu à des combats avec les djihadistes, mais aussi des accrochages avec les ex-rebelles touareg.
Tombouctou, avec ses quelques dizaines de milliers d’habitants aux confins du Sahara, est l’une des grandes villes du nord tombées aux mains de rebelles touareg, puis de salafistes après le déclenchement de l’insurrection de 2012. Les forces françaises et maliennes ont repris la ville en 2013.
Les groupes à dominante touareg ont signé un accord de paix avec l’Etat malien en 2015, tandis que les djihadistes continuaient les hostilités. La violence s’est propagée au centre et au Burkina Faso et au Niger voisins, faisant des milliers de morts. Des militaires ont pris le pouvoir par la force tour à tour dans les trois pays depuis 2020 en invoquant la crise sécuritaire.
Les tensions récentes dans le nord du Mali font craindre pour la survie de l’accord de 2015. Les militaires maliens ont poussé vers la sortie la force antidjihadiste française en 2022 et la mission de l’ONU en 2023, et se sont tournés militairement et politiquement vers la Russie. Ils ont fait du rétablissement de la souveraineté l’un de leurs mantras. Mais de vastes étendues continuent d’échapper à leur contrôle et différents experts estiment que la situation sécuritaire s’est encore dégradée sous leur direction.
AFP