Relancé par des élus de l’aile gauche du camp présidentiel, ce point épineux du projet promis par Emmanuel Macron sur l’immigration, crispe plusieurs partis politiques et compromet son adoption par un vote au Parlement.
Dangers à venir ? La rentrée politique se poursuit, et avec elle de nombreux dossiers occupent l’horizon. Après le traditionnel budget, la réforme des règles de l’immigration sera à n’en pas douter le gros morceau de la saison automne-hiver de cette deuxième année de second quinquennat.
Cela fait plusieurs mois, depuis l’été 2022 en réalité, que l’exécutif tente de mettre son projet à l’ordre du jour. En vain. Pour l’instant, Gérald Darmanin, Olivier Dussopt et les différentes personnalités chargées de plancher dessus n’ont pas trouvé la bonne formule. Celle qui permettra à Emmanuel Macron de faire voter un texte majeur, le premier après la réforme des retraites, malgré une majorité relative à l’Assemblée. « On a beaucoup de mal à s’en sortir depuis le début », reconnaît ce 12 septembre, auprès du HuffPost, un cacique de la majorité.
Le bras de fer a d’alleurs déjà (re)commencé. Ce mardi, une poignée de députés de la majorité a cosigné une tribune avec des élus membres de la Nupes pour demander au gouvernement de ne pas abandonner le volet « régularisation » des sans-papiers dans les métiers en tension. Un alliage surprenant, de Sacha Houlié à Fabien Roussel, et le reflet d’une situation difficile à appréhender pour Emmanuel Macron.
Quand l’aile gauche rappelle à Macron sa promesse
Pour le président de la République l’étau semble se resserrer, entre les menaces de la droite et la pression d’une partie de ses propres troupes, sur ce point précis. Il faut dire que le chef de l’État prône, depuis le départ, une réponse sur deux jambes : plus ferme sur l’immigration illégale, plus souple pour les personnes qui travaillent déjà sur les territoires et dont la situation pourrait être améliorée. « Gentil avec les gentils et méchant avec les méchants », résume régulièrement et trivialement le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
Dans la tribune publiée par Libération, les députés – dont l’influent président de la Commission des Lois Sacha Houlié – appellent ainsi à défendre ce « projet humaniste » face à une « hypocrisie collective ». Le but de ces 35 signataires, dont le patron du parti communiste ou le chef du groupe socialiste Boris Vallaud : la régularisation des travailleurs qui font fonctionner « des pans entiers » de l’économie, dans « les secteurs en tension comme le BTP, l’hôtellerie-restauration, la propreté, la manutention, l’aide à la personne ».
Un discours qui correspond parfaitement avec la promesse originelle d’Emmanuel Macron, répétée à l’envi depuis, notamment au sujet d’une France qui « restera » pays d’immigration. Invité de la chaîne Cnews, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran n’a d’ailleurs pas franchement rembarré les auteurs de la tribune ce mardi, en expliquant que l’impératif d’équilibre est partagé par le camp présidentiel dans son ensemble.
« Vous avez une partie de la majorité qui dit “on tient à cette mesure”. Très bien. Il se trouve que l’ensemble de la majorité tient à cette mesure », a rétorqué celui qui est chargé de prêcher la bonne parole de l’exécutif, loin des recadrages visant ceux qui se risquent à sortir de la route officielle en Macronie. Difficile, dans ces conditions, de se dédire pour l’exécutif.
Risqué pour tout le monde
Problème : Les Républicains – ingrédient crucial de la recette pour réussir son vote à l’Assemblée – ne veulent pas entendre parler de ce volet « régularisation », qu’ils estiment être une « pompe aspirante » pour plus d’immigration et leur « ligne rouge ». Alors que plusieurs députés de la majorité sortaient du bois dans Libé, le chef des députés LR Olivier Marleix en profitait au même moment pour agiter à nouveau la menace d’une motion de censure dans les mois à venir.
« Ce n’est ni un totem de virilité, ni un tabou », a-t-il expliqué au Figaro lundi soir, dans le sillage des cadres de son parti qui mettent en garde Emmanuel Macron contre tout projet « laxiste » à leurs yeux. « Je n’ai pas peur de faire tomber ce gouvernement », a pour sa part martelé Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat, encore plus franchement, ce mardi sur Sud Radio. Pour lui, « un travailleur clandestin n’a pas vocation à rester en France. » Une façon de fermer les éventuelles voies de négociation, avant même les discussions au Parlement… Et de placer une épée de Damoclès sur la tête du gouvernement ?
Dans ce contexte, le fameux pan « régularisation » pourrait s’avérer piégeux… Au-delà du camp présidentiel. À droite, d’abord, si l’exécutif choisit de poursuivre sur ses deux jambes, les Républicains auront à trancher le dépôt de la motion de censure qu’ils évoquent depuis des mois. Un coup qui pourrait provoquer des réactions en chaîne, jusqu’à la dissolution de l’Assemblée, et de nouvelles élections législatives pour lesquelles les élus de la rue de Vaugirard ne partiraient pas forcément favoris. Une donnée qui pousse certainement à réflexion.
À gauche, les enjeux apparaissent différents mais tout aussi épineux. Comment se positionner sur un projet qui, en résumé, ne satisfait qu’à moitié ? Contrairement aux autres groupes de la Nupes, la France insoumise n’a pas voulu s’associer à l’initiative conjointe de certains de leurs collègues avec des élus du camp présidentiel. La raison évoquée : Contester « l’idée d’une régularisation seulement sur les métiers en tension », selon les mots du député insoumis Andy Kerbrat qui ne veut pas « créer une immigration jetable à la main des entreprises. » Autant d’arguments qui devraient jalonner les semaines à venir.
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