Le séisme qui a frappé Al Haouz a brutalement mis en lumière les conditions de vie difficiles auxquelles sont confrontés de nombreux Marocains dans les villages et les régions reculées. Cette catastrophe naturelle a remis en question les promesses électorales et les plans de développement destinés aux régions du « Maroc profond« . Le déficit en infrastructures routières menant à certaines des régions touchées a considérablement entravé les opérations de secours et la distribution de l’aide aux survivants ainsi qu’aux familles touchées.
Cette situation, qui a suscité le mécontentement de nombreux Marocains, militants et défenseurs des droits, est qualifiée par certains de « problème complexe lié à des facteurs historiques et politiques« .
D’autres estiment que « les promesses faites pendant la période électorale ont un impact limité et peinent à se concrétiser« . Un constat qui a été mis en évidence lors d’une caravane à Azilal en 2019, à laquelle Hespress Fr avait pris part.
Les promesses électorales non tenues et les slogans charmeurs ont été considérées par la société civile et les observateurs comme un « obstacle à la mise en œuvre des principes de justice territoriale et sociale entre les différentes villes et régions du royaume« .
Abderrahim Allam, analyste politique, souligne à ce propos que « le problème de l’absence de routes vers les douars touchés par le séisme est complexe, mêlant des éléments historiques et politiques ». « Certains de ces douars se trouvent dans des zones montagneuses difficiles d’accès, et leur construction remonte peut-être à une époque antérieure à celle des élections au Maroc contemporain« , avance-t-il.
Dans une déclaration à Hespress, Allam a mis en lumière l’aspect politique de cette situation, en affirmant que « les acteurs politiques, les partis et les institutions publiques portent une part de responsabilité« , notant que « plusieurs gouvernements successifs et acteurs partisans se sont succédé dans la gestion de ces communautés, sans proposer de visions politiques réalistes pour remédier aux inégalités de développement dans de nombreuses zones reculées« .
« Le développement dans ce que l’on appelle le Maroc profond est très en retard« , déplore-t-il.
Abderrahim Allam souligne en outre que « les habitants de ces régions sont connus pour leur simplicité, leur gentillesse et leur manque de qualification, c’est pourquoi ils ne se plaignent généralement pas« , notant que « parmi les régions touchées figure la commune d’Ighil, la plus pauvre du Maroc, dont la situation remet en question les politiques publiques destinées à ces régions et d’autres, en particulier celles situées dans des montagnes et des endroits isolés difficiles d’accès, même dans des conditions normales, avant que le séisme ne détruise ces routes déjà délabrées« .
L’analyste estime que « l’État doit envisager l’avenir de ces habitants en leur offrant le choix de la reconstruction.
S’ils veulent rester dans leurs régions, des logements aux normes différentes doivent être fournis, et s’ils choisissent de partir, l’État doit leur offrir les conditions appropriées pour cela« .
De son côté, Abdelhamid Benkhatab, un autre analyste politique, relève que « la fragilité du développement dans les régions touchées révèle l’existence d’un Maroc oublié, géré en marge des conceptions officielles« .
Et, dit-il, « cet écart significatif entre les villes du Maroc et ses villages et douars révèle un véritable problème de développement qui influence l’approche des responsables vis-à-vis de la justice territoriale« .
Dans une déclaration à Hespress, Benkhatab a estimé qu’ »il n’est plus acceptable qu’en 2023, il existe des régions sans routes« , soulignant que « le fossé rappelle toujours que les promesses électorales dans de nombreuses régions du Maroc sont enthousiasmantes pendant la période électorale seulement, ne durent pas longtemps, et ne sont jamais concrétisées », ce qui est gravement problématique, se désole-t-il.
Ainsi, ce professeur en sciences politiques à l’Université Mohammed V a appelé à « l’application de la pensée stratégique de l’État« , c’est-à-dire « la pensée qui envisage la gestion à long terme pour réaliser la justice sociale et territoriale et permettre aux citoyens de bénéficier des avantages du développement au niveau national« .
« Cette tragédie est l’occasion de repenser notre relation avec les régions éloignées du centre (…)
Nous devons réexaminer les concepts du développement et les mettre en œuvre, car nous sommes un pays en développement et en progression. Par conséquent, nous devons accorder plus d’attention à l’homme marocain ordinaire« , soutient Benkhattab.
Pour conclure: « Il est temps d’ouvrir un vrai débat sur ce sujet, car les partis politiques font souvent des promesses électorales qu’ils ne parviennent pas à réaliser plus tard en raison des circonstances entourant leur mise en œuvre« .
HESPRESS