Rapprochement entre Moscou et Pyongyang: Poutine a accepté une invitation de Kim en Corée du Nord

Au lendemain de la rencontre officielle entre Kim Jong-un et Vladimir Poutine en Russie, l’agence de presse nord-coréenne a annoncé que Vladimir Poutine avait accepté de se rendre en Corée du Nord sur invitation de son dirigeant. Un rapprochement qui suscite l’inquiétude à l’ONU et au Japon.

C’est la première rencontre des deux dirigeants depuis un précédent voyage de Kim Jong-un à Vladivostok en 2019. À l’issue de cette rencontre, le président russe Vladimir Poutine a accepté de se rendre en Corée du Nord sur invitation de son dirigeant Kim Jong-un, qui était exceptionnellement en déplacement en Russie afin de renforcer les liens entre Moscou et Pyongyang, notamment militaires.

« Kim Jong-un a invité avec courtoisie Poutine à visiter la RPDC [République populaire démocratique de Corée, NDLR] quand cela lui conviendra », a rapporté jeudi l’agence de presse d’État nord-coréenne KCNA, utilisant le nom officiel de la Corée du Nord. « Poutine a accepté avec plaisir l’invitation et réaffirmé son invariable volonté de continuer à faire avancer l’histoire et la tradition de l’amitié Russie-RPDC », a encore déclaré l’agence.

La presse nord-coréenne et russe ne tarit pas de détails sur le contenu du repas et la proximité entre les leaders qui se seraient appelé « camarade », rapporte notre correspondant à Séoul, Nicolas Rocca. Le Rodong Sinmun, le journal officiel du parti, assure que c’est durant le banquet que Kim Jong-un a invité Vladimir Poutine à Pyongyang. Le Kremlin n’a pas confirmé l’information, mais si cette invitation est honorée, ce serait le deuxième déplacement de Poutine en Corée du Nord. Il avait rencontré le père de l’actuel leader en 2000.

Un cosmonaute nord-coréen dans l’espace
Signe du renforcement de leurs liens, Moscou a proposé à Pyongyang d’envoyer un cosmonaute nord-coréen dans l’espace, selon les agences russes. Il s’agirait du premier nord-coréen à accéder à l’orbite terrestre, alors que le pays reclus cherche à développer ses programmes spatiaux. Le numéro un nord-coréen a assuré à Vladimir Poutine que Moscou remporterait une « grande victoire » sur ses ennemis, la Russie étant engagée dans une guerre en Ukraine depuis plus d’un an et demi.

Le président russe a, lui, trinqué au « renforcement futur de la coopération » avec Pyongyang, parlant devant la presse de « perspectives » de coopération militaire malgré les sanctions internationales visant la Corée du Nord à cause de ses programmes nucléaires et de ses missiles en développement. Le dirigeant nord-coréen s’est dit également prêt à élaborer avec Vladimir Poutine un « plan pour les 100 prochaines années » afin d’établir des relations stables et « tournées vers l’avenir », a rapporté jeudi KCNA.

Mise en garde de l’ONU
Si, pour l’heure, rien n’a toutefois été communiqué officiellement concernant un éventuel accord pour des livraisons de matériel militaire à la Russie afin de soutenir son offensive en Ukraine, ce rapprochement est scruté avec attention à l’ONU. La Corée du Nord fait l’objet de sanctions imposées par le Conseil de sécurité et tout échange d’armes est, sur le papier, interdit.

Mais Washington en est persuadée : cette visite en Russie de Kim Jung-un n’est pas un simple passage en revue des forces spatiales russes en vue d’une potentielle future coopération entre les deux pays, rapporte notre correspondante à New York, Carrie Nooten. Alors, tout en restant précautionneux, lorsque la presse lui a demandé sa réaction, le secrétaire général Antonio Guterres a mis en garde Moscou : « Toute forme de coopération de n’importe quel pays avec la Corée du Nord doit respecter le régime de sanctions imposé par le Conseil de sécurité de l’ONU. » Des munitions fournies par Pyongyang auraient un impact significatif sur le conflit en Ukraine.

Pour Ulrich Bounat, analyste en géopolitique et expert sur les questions de défense, « tout ce que cherche Moscou, c’est d’essayer d’obtenir notamment des obus d’artillerie et des missiles de courte portée. L’arsenal nord-coréen est constitué d’énormément d’artillerie. La Corée du Nord a un stock d’artillerie extrêmement important pour faire peser un risque sur la Corée du Sud. Dans ce cadre-là, la Corée du Nord pourrait donner des obus d’artillerie, voire éventuellement quelques canons à la Russie. »

Mais l’analyste en géopolitique voit quand même plusieurs limitations à cette possibilité : « Déjà, d’une part, on n’a aucune visibilité sur la quantité et sur la qualité surtout des stocks de l’armée nord-coréenne, et d’autre part, je ne vois pas non plus la Corée du Nord complètement vider ses stocks pour soutenir la Russie et ainsi perdre finalement l’un de ses leviers de pression sur Séoul.

Donc, ce qu’on pourrait envisager par rapport à l’artillerie, c’est peut-être un geste symbolique de la part de la Corée du Nord qui viserait peut-être à donner un petit peu d’artillerie, mais pas de quoi finalement changer le front en Ukraine. Je ne suis pas quand même complètement certain que la Corée du Nord ait les capacités d’augmenter sa cadence de production pour compenser les tirs russes en Ukraine. »

Le Japon aussi a souligné jeudi un risque de « violation » des sanctions des Nations unies sur l’armement de la Corée du Nord. « Nous surveillons [les discussions entre Moscou et Pyongyang, NDLR] avec inquiétude », notamment parce qu’il y a « la possibilité que cela aboutisse à une violation de l’interdiction par le Conseil de sécurité des Nations unies de transactions liées aux armes avec la Corée du Nord », a déclaré la nouvelle ministre japonaise des Affaires étrangères, Yoko Kamikawa.

RFI

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