Le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné refuse de vendre à perte ses carburants et « ne descendra pas plus bas » que le prix actuel de 1,99 euro par litre fixé actuellement dans les stations-service de son groupe en France, a-t-il prévenu mardi. Un point de vue partagé par les distributeurs qui ont, eux, aussi exprimé leur opposition à cette mesure lors d’une réunion à Bercy mardi matin.
À peine annoncée par le gouvernement, l’autorisation accordée aux distributeurs de vendre du carburant à perte semble déjà vidée de sa substance par les principaux intéressés.
Les distributeurs opposés à la revente à perte
Selon Le Figaro, convoqués mardi matin à Bercy par le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, les dirigeants de Leclerc, Carrefour, Intermarché, Système U, Casino et Auchan ont exprimé leur opposition unanime à la revente à perte du carburant sur les parkings de leur hypermarché.
Les patrons de ces enseignes semblent avoir été échaudés par une déclaration d’Olivier Veran, porte-parole du gouvernement qui déclarait dimanche, sur RTL, « que l’on parle quasiment d’un demi-euro potentiellement en moins par litre. ». Interrogés par l’AFP, ces distributeurs n’ont pas souhaité commenter ces informations.
Néanmoins, le patron de Carrefour, Alexandre Bompard, entendu ce mercredi par la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, a affirmé qu’il ne « vendra pas à perte » de carburant.
L’interdiction « de la revente à perte est un principe très important du commerce depuis 1963 », a estimé celui qui est également président de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) qui représente une grande partie du secteur, ajoutant « qu’il ne faut pas ouvrir cette boîte de Pandore. »
« Cette possibilité n’est pas une obligation » précise le gouvernement
De son côté, le gouvernement a indiqué, ce mercredi 20 septembre, que le projet était maintenu. « Cette possibilité n’est pas une obligation », a relevé le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave, sur Sud Radio. Il a aussi expliqué que le projet de loi auquel réfléchit le gouvernement pour une entrée en vigueur voulue en décembre revenait à dire « chiche ! » aux distributeurs qui avaient récemment assuré ne pas pouvoir baisser beaucoup les prix du carburant faute d’être autorisés à vendre à perte.
« Ce que l’on veut c’est permettre à ceux qui peuvent le faire de le faire, opérations coup de poing, plafonnement, et pour ceux qui veulent, vente à perte, » a expliqué le ministre des Comptes publics. « Je préfère négocier avec les distributeurs que de demander au contribuable de financer une ristourne qui coûterait 12 milliards d’euros. »
Concernant les stations-service indépendantes, Bercy a précisé que « Bruno Le Maire a aussi rappelé qu'[elles] bénéficieront de compensations » et qu’elles seront « accompagnées par un plan de transformation pluriannuel visant à leur permettre d’offrir de nouveaux services tels que les bornes de recharge rapides ».
TotalEnergies ne vendra pas à perte
Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, a lui aussi réagi. Interrogé par un journaliste de l’émission Quotidien, il a annoncé qu’il « ne descendra pas plus bas » que le prix actuel de 1,99 euro par litre fixé actuellement dans les stations-service de son groupe en France. « Ce plafond s’applique dans à peu près aujourd’hui 3.000 stations.
Donc ça veut dire que le prix normal est au-dessus », a-t-il ajouté, avant d’exclure d’appliquer la mesure du gouvernement. « Vous vendez souvent à perte, vous, des produits ? », a-t-il demandé à son intervieweur. « Un peu de bon sens, voilà, merci ». Le groupe pétrolier, qui gère le tiers des stations-service en France, avait annoncé la semaine dernière qu’il prolongerait l’an prochain le plafonnement à 1,99 euro par litre du prix de l’essence et du gazole dans ses 3.400 stations, « tant que les prix resteront élevés ».
Une mesure contestée par des économistes
La mesure est contestée par l’opposition parlementaire mais aussi par des économistes : Francis Perrin, directeur de recherche à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), table au mieux sur « des opérations exceptionnelles » sur « un mois ou deux » par les grandes surfaces, en fonction des « zones géographiques et des situations de concurrence », mais pas une vente à perte généralisée. Sans doute sera-t-elle appliquée à quelques moment clés de l’année comme Noël. Un droit, donc, mais pas une obligation.
« Je suis très très sceptique », ajoute Patrice Geoffron, professeur d’économie à Paris Dauphine. Avec la vente à perte, le gouvernement fait « un pari de six mois, mais après ? », interroge-t-il, constatant « qu’il n’y a aujourd’hui pas grand-chose dans la boîte à outils de la politique publique ».
AFP