Pendant près de 10 ans, les communautés chrétienne et musulmane de la République centrafricaine se sont affrontées avec les armes, aujourd’hui, pour faire la paix, elles ont choisi le football. Les autorités de la ville Ndélé ont organisé samedi dernier, 23 septembre, un match de football au stade municipal pour rapprocher les communautés et soutenir le vivre-ensemble. Reportage !
Il est 12h dans les rues de Ndélé. La fête du football local se mue en retrouvailles fraternelles entre les communautés trop souvent séparées par les conflits.
Après la crise militaro-politique de 2013, la vie quotidienne des habitants était particulièrement tendue et difficile : les communautés s’affrontaient avec les armes, mais aujourd’hui la pratique du football occupe une part non négligeable dans le processus de réconciliation.
« Nous voulons la paix dans notre ville, affirme Jean-Marc est un habitant de Ndélé. Regardez comment les gens se mobilisent pour se rendre au stade. Nous avons accepté le désarmement des cœurs et des armes, donc on doit s’éclater avec le football. »
« On a fait plusieurs tentatives de réconciliation »
Les lieux de commerces baissent leurs rideaux, les quartiers se vident de leurs populations et même les villages environnants se mobilisent. Sur place, des va-et-vient des moto-taxis qui transportent des supporters vers le stade municipal de Ndélé.
Malgré les tracasseries et les difficultés de transport, certains amoureux du ballon rond parcourent des dizaines de km à pied pour se rendre au stade. Bachirou est l’un d’eux. « On a fait plusieurs tentatives de réconciliation, mais ça n’a pas marché. Le football doit ramener la paix dans notre ville. J’ai la foi que grâce à ce jeu, nous aurons le vivre-ensemble durable ».
À Ndélé, les autorités traditionnelles s’inspirent du modèle nigérian. Elles insistent sur la façon dont sélection nigériane avait pu unifier un pays divisé en remportant, en 1980, la CAN. Souleymane Diallo est chef coutumier.
« La sécurité et la paix sont des questions de volonté. Si certains pays africains ont trouvé la paix grâce au sport, je me demande pourquoi pas nous. On a beaucoup souffert. Il est temps de dire non aux pillages, non aux tueries et non aux violences sexuelles contre nos femmes et nos filles ».
À 15h, le stade municipal de Ndele est plein à craquer. L’As Cobra de Ndélé affronte dans un match amical les Éléphants de Ndélé. Dans les deux formations, il y a la présence des chrétiens et musulmans. On se partage des chewing-gums, de l’eau et du thé.
C’est la fête, c’est la joie. Le match commence sous les yeux émerveillés de Merline. « Notre souffrance était indescriptible, confie-t-elle. Mais j’ai l’espoir que quelque chose de bien va émerger d’une situation dramatique. Si le football peut nous donner le vivre-ensemble, j’en serai éternellement reconnaissante ».
« C’est ça la magie de football »
Durant les 90 minutes, le ballon vole et rebondit. Les joueurs le suivent, le poursuivent et le poussent du pied. Sur le banc des remplaçants, Johnny, un joueur de L’AS Cobra est très ému. « Le football est très important dans un pays. Regardez comment le football est en train de nous réconcilier. On oublie nos problèmes. C’est ça la magie de football ».
Alerté, le gardien des Éléphants se jette sur le ballon, l’attrape et le renvoie vers son avant-centre. Le numéro 9 ouvre son pied droit et touche les poteaux de l’As Cobra.
Même si les deux équipes se séparent sur le score est de 0-0, le football a uni ce peuple dans un moment de convivialité. « Le football est très important pour la jeunesse, lâche Emaus, entraîneur des éléphants de Ndélé. Les hommes politiques ont l’habitude de manipuler les jeunes pour prendre les armes et détruire leur pays. Maintenant, grâce au football, on dit non aux manipulations ».
Une marée de supporteurs en maillot multicolores défile dans la ville pour célébrer la paix entre chrétiens et musulmans.
RFI