« Les Mystères de Paris »: pourquoi Eugène Sue, écrivain vedette du XIXe siècle, est de retour en librairie

Eugène Sue, écrivain vedette du XIXe, est de retour en librairie avec la réédition de deux romans qui parlent des bas-fonds de la capitale, le best-seller « Les Mystères de Paris », et de la misère des campagnes délaissées.

« Les Mystères de Paris » est publié pour la première fois en poche et en intégralité, par les éditions 10/18. Ce sera en quatre tomes – les deux premiers jeudi, les deux derniers le 2 novembre. L’ensemble fait plus de 2.100 pages.

La saga peuplée de personnages attachants ou maléfiques, initialement publiée en 1842 et 1843 dans Le Journal des débats, est extrêmement célèbre. On la cite comme archétype de la littérature populaire. Mais aujourd’hui, qui l’a lue?

« Ce roman a toujours été réédité depuis l’édition originale, donc l’intérêt ne s’est jamais éteint », souligne à l’AFP Marie-Hélène Dumont, docteure en littérature qui enseigne à l’université de Göttingen (Allemagne).

« Pour avoir la postérité de Balzac, il lui a manqué le style peut-être. Mais Sue est conscient de cette lacune: sa correspondance est jalonnée de phrases où il reconnaît que son écriture est imparfaite, et dit qu’il y travaille », selon elle.

On s’imagine mal, aujourd’hui, à quel point cet auteur était une vedette. Si acheter un journal, à l’époque, n’est pas à la portée de toutes les bourses, les moins riches louent leur place dans un « cabinet de lecture » pour découvrir l’épisode du jour du roman-feuilleton. Les illettrés se le font raconter.

Ile de la Cité malfamée
La diffusion du Journal des débats, qui le publie, n’est pas connue avec certitude. Mais un chercheur, Pierre Orecchioni, a estimé que Les Mystères de Paris avait rassemblé 400.000 à 800.000 lecteurs au fil de ses 150 épisodes.

Pour qui découvrira Eugène Sue en 2023, reste aujourd’hui, d’après Marie-Hélène Dumont, « le plaisir de la lecture », grâce à « un imaginaire foisonnant » qui « réactualise des mythes anciens ».

Parmi tous les épisodes secondaires qui rythment la saga, « on revient on ne sait trop comment à la trame de départ. C’est l’un des talents de cet écrivain », souligne-t-elle.

C’est se plonger dans un quartier malfamé avant la rénovation urbaine du baron Haussmann: l’île de la Cité et ses ruelles étroites.

Paule Petitier, professeure de lettres à l’université Paris-Cité, incite à redécouvrir le créateur de « personnages extraordinaires » et de « péripéties qui s’enchaînent remarquablement ».

« Tanières fétides »
L’universitaire a participé à un pari plus osé. Les éditions des Equateurs republient une oeuvre beaucoup moins connue, « Les Misères des enfants trouvés » (1850). Le premier tome qui paraît mercredi, et les trois suivants entre le 18 octobre et le 29 novembre, totalisent plus de 1.700 pages.

Eugène Sue dépeint l’extrême pauvreté dans laquelle sont plongés les paysans de l’époque, en l’occurrence dans une Sologne déshéritée.

Il parle de « ces tanières fétides, délabrées, insalubres même pour des bestiaux » où habitent des « prolétaires des campagnes qui vivent une vie animale ». Et cette injustice retombe lourdement sur les enfants, les véritables héros de cette « saga de la rentrée », selon l’éditeur.

Pour Mme Dumont, même « avec des mots qui ne sont plus les nôtres », le roman garde « une certaine actualité: la nécessité de l’école laïque, les campagnes délaissées, l’indifférence des riches ».

Paule Petitier, quant à elle, a été frappée par l’audace d’Eugène Sue pour décrire la domination sexuelle. « C’est incroyable: il y a des femmes harcelées par ce qu’on appellerait aujourd’hui des prédateurs, un enlèvement perpétré par un lord pour son sérail de petites filles, un enfant qui à 13 ans a des relations sexuelles plus ou moins imposées par sa patronne… On ne lit pas ça ailleurs ».

bmftv

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