Les avocats de l’opposant contestaient la décision de la Direction générale des élections de ne pas remettre à leur client sa fiche de collecte des parrainages en vue de la présidentielle.
La Direction générale des élections (DGE) peut-elle déterminer qui peut être candidat à une élection présidentielle ? La Cour suprême a répondu par l’affirmative, vendredi 6 octobre en fin de journée, lors d’une audience publique spéciale, en rejetant la requête des avocats d’Ousmane Sonko.
Ces derniers avaient déposé le 2 octobre un référé contre la décision de la DGE, un organe administratif qui dépend du ministère de l’Intérieur, estimant que son choix portait atteinte à la liberté fondamentale de leur client. Le 29 septembre, la DGE avait refusé de remettre le formulaire de parrainages d’Ousmane Sonko à Ayib Daffé. L’opposant, hospitalisé à l’hôpital principal de Dakar, avait mandaté le député pour récupérer ce document nécessaire à la collecte des parrainages.
« Violation d’un droit fondamental »
« Les fonctionnaires de la DGE m’ont fait savoir qu’ils n’étaient pas en mesure de me remettre les fiches de parrainage, prétextant qu’Ousmane Sonko ne figurait plus sur les listes électorales », expliquait Ayib Daffé à Jeune Afrique le 4 octobre dernier. Condamné en appel à six mois de prison avec sursis pour diffamation, Ousmane Sonko avait été radié des listes électorales. Une mesure qui ne lui a jamais été notifiée, assurent ses avocats.
« La DGE n’a pas le pouvoir de déclarer inéligible un candidat à la candidature », a argumenté Joseph Étienne Ndione, l’un des avocats d’Ousmane Sonko, devant la Cour suprême. Selon les conseils du président du parti Pastef, la décision de la DGE de ne pas octroyer ce formulaire est illégale. L’arrêté du ministre de l’Intérieur datant du 25 septembre établit par ailleurs que « la délivrance des fiches de collecte [de parrainages] par l’administration [n’équivaut pas à] la reconnaissance d’un quelconque statut de candidat à la candidature ».
Des arguments confirmés par l’avocate générale, qui a elle-même appelé dans son réquisitoire à cesser « la violation d’un droit fondamental », estimant que la DGE avait « anticipé sur le pouvoir du juge constitutionnel ». C’est en effet le Conseil constitutionnel sénégalais qui reçoit et valide les dossiers de candidature avant l’élection présidentielle.
Jurisprudence Karim Wade et Khalifa Sall
« Je ne vois pas comment la justice pourrait laisser l’administration rejeter une candidature de la sorte », espérait un proche d’Ousmane Sonko quelques jours avant l’audience. « Il y a une jurisprudence Karim Wade et Khalifa Sall », ajoutait cet interlocuteur, en référence à ces deux responsables politiques qui, bien que condamnés, avaient pu récupérer leur formulaire de collecte des parrainages avant la présidentielle de 2019 – avant d’être finalement désavoués par le Conseil constitutionnel.
« N’importe qui peut déposer un dossier de candidature, même un enfant de 12 ans. Ce qui compte, ce sont les critères fixés par la loi. Le Conseil constitutionnel tranchera », affirmait un conseiller présidentiel à Jeune Afrique quelques semaines auparavant. La Cour suprême en a donc décidé autrement et a laissé à la DGE le pouvoir de décider de l’admissibilité du dossier de candidature d’Ousmane Sonko.
« La Cour suprême a statué sans même avoir la preuve de la radiation [d’Ousmane Sonko] », dénonce son avocat Mouhamadou Bamba Cissé, qui annonce vouloir « multiplier les procédures judiciaires » auprès des instances compétentes.
Une autre procédure en cours, déposée auprès du Tribunal de Ziguinchor, conteste sur le fond la radiation d’Ousmane Sonko des listes électorales. Le jugement est attendu dans quelques jours.
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