Le torchon brûle aux Comores entre les joueurs et leur fédération. Les Comoriens, huitièmes-de-finalistes de la dernière CAN au Cameroun, ne se sont pas qualifiés pour la prochaine en Côte d’Ivoire. Mais surtout, une fracture nette est apparue entre joueurs et dirigeants.
Les Coelacanthes ont signé un communiqué commun pour dénoncer les mauvaises conditions dans lesquelles ils évoluent. Parmi les cadres aux avant-postes, Ben El Fardou, la star de l’équipe. Ancien joueur de l’Étoile Rouge de Belgrade, l’attaquant de 34 ans évolue aujourd’hui à Chypre, à l’APOEL Nicosie. Il a répondu à nos questions.
RFI : Qu’est-ce qui a poussé les joueurs comoriens à prendre la parole collectivement ?
Ben El Fardou : Le plus important pour nous, comme on l’a toujours souligné, c’est l’organisation. On gronde ! L’organisation a toujours été un souci. Malgré notre calme, malgré l’avancée de l’équipe, les dirigeants n’arrivent toujours pas à mettre en place de meilleures conditions. Ça nous pèse ! Ça fait des années que c’est comme ça, on ne peut pas continuer ainsi.
Vous vouliez aussi rétablir votre vérité ?
Ça fait des années qu’on se tait, qu’on essaye de régler les problèmes entre nous, en famille. Mais à un certain moment, on ne peut plus. On n’en peut plus. On nous traite de mercenaires, on nous dit que nous venons uniquement en sélection pour l’argent… Pourtant, on a toujours prouvé notre loyauté. Certains viennent jouer pour les Comores depuis plus de 10 ans. Même 14 ans pour certains ! Et ils continuent à répondre présents.
Nous, on demande le strict minimum. On ne veut plus arriver en sélection en se demandant « Où va-t-on dormir ? Va-t-on pouvoir voyager ? ». On ne réclame pas d’argent. Notre objectif, c’est de pouvoir évoluer en sélection dans de bonnes conditions, et qu’on nous respecte.
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Entraînement dans le noir, commandes de maillots pas honorées, convocations de joueurs contradictoires… Le torchon brûle entre les Coelacanthes et la fédération. Sur le banc l’Italien Stefano Cusin vient de remplacer Younès Zerdouk. Prochain match vs 🇨🇻 le 16/10 #Veripiya https://t.co/rvzJGMRMBp
— Martin Guez (@Martin_Guez) October 8, 2023
Le dialogue semble totalement rompu avec votre fédération, comme si vous n’aviez aucun interlocuteur. Êtes-vous entrés en contact avec le président, Saïd Ali Saïd Athouman ?
On en est arrivé là car le président ne veut pas nous répondre. Moi, personnellement, je l’ai eu il y a deux semaines. On devait organiser une réunion avec les cadres. Depuis, plus de nouvelles. Pourtant, on l’a appelé, on l’a relancé… Rien. Nous, on ne voulait pas en arriver là. Mais quel autre choix avons-nous ?
On essaye de trouver une solution par nos propres moyens. Le dialogue est rompu car notre président ne veut pas discuter avec les joueurs. On n’a d’ailleurs plus aucun interlocuteur. Avant, il y avait un manager, mais du jour au lendemain, il n’y en a plus eu. Si le président ne veut plus nous parler, on se tourne vers qui ?
Pendant longtemps, on a rien dit, en pensant « ça va bien finir par se régler, ça ne se passera plus comme ça ». Nos dirigeants nous ont toujours bassiné en disant « vous n’êtes que des joueurs, restez à votre place ». Nous, on ne demande que ça, de rester à notre place !
Mais quand on arrive dans un hôtel et qu’on nous menace de nous expulser car la fédération n’a pas payé, on ne peut pas rester à notre place. On a aussi dû jouer avec des maillots taille unique ! Dans une équipe, forcément, certains sont grands, d’autres plus petits… On ne peut pas jouer comme ça, c’est normal qu’on pousse une gueulante.
Il va falloir que les joueurs soient satisfaits de leurs conditions. Pour l’instant, les conditions ne sont pas réunies pour que les joueurs veuillent venir. Beaucoup de joueurs potentiels évoluent à haut niveau. Mais ils ne veulent pas venir en sélection comorienne à cause de tous ces problèmes.
Est-ce que les joueurs sont découragés ? Vous, personnellement, quelle est votre position ?
Jusqu’à présent, on a toujours été un groupe très soudé. On l’a montré sur le terrain et en dehors. Et avec ce communiqué, on le démontre aussi. Mais de plus en plus d’anciens joueurs pensent à prendre une retraite anticipée. Les jeunes qui arrivent se posent beaucoup de questions. On ne peut pas avancer comme ça.
Moi, avec la situation actuelle, je me pose forcément des questions. Ma carrière n’est pas terminée. Au niveau de mon club, l’APOEL Nicosie, j’ai encore un an et demi de contrat. J’aimerais aussi continuer avec la sélection. Mais si les conditions ne changent pas, et que nous, joueurs, ne sommes pas satisfaits, cela va être très difficile d’y retourner.
AFI