Interdit à la vente depuis 1992, le snus continue de séduire, en particulier les jeunes. Ce petit sachet à sucer délivre un jus dont la concentration en nicotine peut atteindre plus de cinq fois celle de la cigarette. Son mécanisme d’action favorise une diffusion lente et continue. Explications avec la chercheuse Stéphanie Caillé-Garnier.
Qu’est-ce que le snus ? Comment agit-il sur le cerveau ? Quels sont les risques liés à la consommation de cette drogue ? Pour le savoir, Sciences et Avenir s’est entretenu avec Stéphanie Caillé-Garnier, directrice de recherche CNRS et responsable de l’équipe « Emotion, Motivation & Cognition », au sein de l’Incia (Institut des sciences cognitives et intégratives d’Aquitaine) à l’Université de Bordeaux.
Ses travaux cherchent à identifier les mécanismes comportementaux et neurobiologiques impliqués dans la mise en place des comportements addictifs et plus particulièrement aux facteurs de dépendance à la nicotine, molécule addictive du tabac. Dans cet entretien, elle nous informe sur l’addiction au snus, des dosettes de tabac à mâcher ou à sucer.
L’Union européenne a interdit sa commercialisation depuis 1992, sauf en Suède pour des raisons culturelles. Mais il existe une alternative sans tabac, appelée « snus blanc ». Il s’agit d’un sachet contenant un mélange végétal auquel la nicotine est ajoutée soit sous forme liquide soit sous forme de poudre.
Le snus blanc est bien plus accessible et pourtant tout aussi addictif. En l’absence de tabac, sa commercialisation n’est pas réglementée en France, contrairement à la Belgique ou aux Pays-Bas. Cependant, sa concentration en nicotine est très élevée, ce qui le rend tout aussi néfaste que le snus suédois.
Sciences et Avenir : Comment le snus se consomme-t-il ?
Stéphanie Caillé-Garnier : Il s’agit d’un petit sachet initialement rempli de poudre de tabac, et particulièrement concentré en nicotine : elle varie de 3 à 20 mg par poche contre 1 ou 2 mg pour une cigarette. Il est placé sous la lèvre au niveau des gencives, ou chiqué. Au contact de la salive, il s’humidifie et délivre alors un jus, parfois aromatisé pour rendre cette drogue plus attractive. Les composés du snus, dont la nicotine, sont ainsi absorbés par les muqueuses.
Sciences et Avenir : Quel est son mécanisme d’action ?
Stéphanie Caillé-Garnier : C’est ce qui fait la différence entre le snus et la cigarette. L’un est absorbé dans l’estomac, l’autre dans les poumons : la cinétique des effets ne sont donc pas les mêmes. La fumée de la cigarette entre très rapidement en contact avec les capillaires sanguins, qui représentent une surface considérable dans les poumons.
Les molécules sont donc très vite acheminées vers le cerveau. En revanche, l’absorption du snus se fait au niveau des muqueuses de la bouche puis une seconde absorption a lieu au niveau des muqueuses du système digestif. C’est pourquoi la diffusion des molécules du snus est plus lente et durable que celle des molécules de cigarettes.
La nicotine se fixe sur les récepteurs des neurones à dopamines dits « mésocorticolimbiques », éléments essentiels du circuit neuronal de la récompense. Ce circuit relie plusieurs structures entre elles et permet notre survie : il favorise un comportement d’approche pour la nourriture, et d’évitement pour les aliments toxiques par exemple. Ce système est la première cible des drogues.
Elles le détournent pour provoquer un comportement de recherche de la drogue, et ce, malgré les conséquences négatives. La nicotine agit aussi sur les fonctions cérébrales qui régulent l’éveil, la concentration, la mémoire ou encore, la régulation de l’humeur… elle crée un effet de bien-être. C’est l’ensemble de ces propriétés qui rend la nicotine addictive.
Sciences et Avenir : Quels sont les risques de la consommation de snus ?
Comme toutes les drogues, une majorité des personnes qui expérimentent le snus n’y sera pas sensible, mais une petite proportion plus vulnérable peut développer une dépendance. Se sevrer devient alors difficile, et les rechutes sont fréquentes. Contrairement à la cigarette, il n’y a pas de risque pulmonaire, mais un risque élevé de cancer au niveau oral et digestif.
Et c’est sans compter les effets irréversibles sur l’hygiène buccale, lésion des muqueuses de la bouche, rétraction des gencives… D’où la nécessité d’informer sur ses dangers. En cas de dépendance, il est recommandé d’en parler à son médecin pour mettre en place un accompagnement et un traitement adapté.
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