La fonte des glaces de l’Antarctique occidental devrait s’accélérer considérablement au cours des prochaines décennies et pourrait augmenter le niveau des mers, même si le monde respecte ses engagements pour limiter le réchauffement climatique, selon une étude publiée lundi.
Les chercheurs du British Antarctic Survey, à l’origine de cette nouvelle étude, ont averti que l’humanité avait « perdu le contrôle » du sort des plateformes de glace, ces gigantesques structures gelées flottant en marge de l’inlandsis principal et qui jouent un rôle stabilisateur en retenant la dérive et la fonte des glaciers dans l’océan.
L’Antarctique a déjà connu une perte de glace accélérée au cours des dernières décennies et les scientifiques ont déclaré que la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental – qui contient suffisamment d’eau pour élever le niveau des océans de plusieurs mètres – pourrait s’approcher d’un « point de bascule » climatique.
Les chercheurs ont constaté – à l’aide d’une modélisation informatique – qu’une fonte plus rapide des plateformes glaciaires est déjà inévitable dans les prochaines décennies en raison du réchauffement des océans.
Même dans un scénario où les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont réduites et où le réchauffement reste dans les limites de l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris – à savoir 1,5 degré Celsius par rapport à l’ère préindustrielle -, leurs résultats sont sensiblement identiques.
L’étude, publiée dans la revue Nature Climate Change, s’est intéressée au processus de fonte par les eaux océaniques du dessous des plateformes glaciaires flottantes de la mer d’Amundsen.
Même dans le meilleur des cas, le réchauffement des océans pourrait s’avérer trois fois plus rapide au XXIe siècle qu’au XXe siècle.
– « Signal d’alarme » –
Kaitlin Naughten, auteure principale de l’étude, a affirmé que les chercheurs avaient « toutes les raisons de s’attendre » à ce que la fonte des glaces contribue à l’élévation du niveau de la mer – qui devrait déjà atteindre un mètre d’ici la fin du siècle -, bien qu’ils ne l’aient pas étudiée expressément.
« La fonte de la plateforme glaciaire de l’Antarctique occidental est l’un des effets du changement climatique auquel nous devrons probablement nous adapter », estime-t-elle.
Des millions de personnes à travers la planète vivent actuellement dans des zones côtières de faible altitude et certaines « communautés côtières devront soit construire aux alentours, soit être abandonnées », ajoute-t-elle.
Selon Alberto Naveira Garabato, professeur d’océanographie physique à l’Université de Southampton, cette étude « donne à réfléchir ».
« Cela illustre comment nos choix passés ont probablement entraîné une fonte substantielle de l’inlandsis de l’Antarctique occidental et l’élévation du niveau de la mer qui en découle, à laquelle nous devrons inévitablement nous adapter en tant que société au cours des décennies et des siècles à venir », a-t-il déclaré au Science Media Centre.
Mais il souligne qu’il s’agit également d’un « signal d’alarme » pour réduire les émissions de GES afin d’éviter d’autres conséquences climatiques graves, notamment la fonte de la calotte glaciaire de l’Antarctique oriental, actuellement considérée comme plus stable.
Les auteurs de l’étude relèvent que si une réduction majeure des émissions ne changerait pas grand-chose à la perte de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental au cours de ce siècle, elle pourrait néanmoins avoir un impact important à plus long terme, puisque la calotte glaciaire mettra probablement des siècles, voire des millénaires, à réagir pleinement au changement climatique.
Jonathan Bamber, professeur à l’école des sciences géographiques de l’Université de Bristol, note que l’étude est quelque peu limitée parce que les chercheurs n’ont utilisé qu’un seul modèle océanique et n’ont pas explicitement étudié l’effet du réchauffement des eaux sur le niveau des mers.
« Cette partie de l’Antarctique occidental contient suffisamment de glace pour faire monter le niveau de la mer de plus d’un mètre. Il est donc important de comprendre comment elle évoluera dans l’avenir », a déclaré au Science Media Centre M. Bamber, qui n’a pas participé à la recherche.
afp