« La crise environnementale est une urgence de santé mondiale » : 200 revues scientifiques écrivent à l’OMS

Plus de 200 revues scientifiques de santé ont publié en même temps une lettre éditoriale demandant aux décideurs politiques de considérer la crise climatique et la perte de biodiversité comme une seule et unique crise : un enjeu de santé publique à l’échelle mondiale.

Les auteurs de la lettre incitent l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à déclarer la crise environnementale comme étant une urgence sanitaire mondiale, une prise de conscience nécessaire pour mettre en place des solutions efficaces. Pour y arriver, les auteurs signalent qu’il faudra d’abord harmoniser la conversation entre changement climatique et biodiversité.

Climat et biodiversité : des conséquences intimement liées
« Le monde répond actuellement à la crise du climat et de la biodiversité comme si c’étaient deux enjeux séparés, peut-on lire dans l’éditorial. Il s’agit là d’une dangereuse erreur. » Car la nature est en réalité un énorme système où chacune des composantes s’entre-influencent. Lorsqu’un sous-système se dégrade, cela peut entraîner des répercussions qui à leur tour, en endommagent un autre.

Par exemple, les conséquences du réchauffement climatiques telles que les sécheresses et les feux de forêt contribuent à la perte d’habitat et à l’érosion des sols qui entraînent un déclin de la biodiversité. Par conséquent, ces écosystèmes affaiblis séquestrent moins de carbone, ce qui empire la situation. Selon l’Académie européenne des sciences, le changement climatique deviendra la première cause de perte de biodiversité si rien n’est fait.

« La crise climatique et la perte de biodiversité sont interreliées, a annoncé dans un communiqué de presse Kamran Abbasi, éditeur en chef de la prestigieuse revue médicale BMJ et co-auteur de la lettre. Et elles affectent toutes deux la santé humaine. »

Une question de santé
Canicules, événements météorologiques extrêmes, pollution de l’air et maladies infectieuses : tous des dangers pour la santé exacerbés par la crise environnementale.

Par exemple, la chaleur record de l’été 2022 a causé la mort de 62.000 personnes en Europe, dont près de 5.000 en France, rapporte une étude de l’Inserm. Ou encore, la pollution de l’air – désignée première menace mondiale pour la santé humaine – est amplifiée par les feux de forêts, comme l’ont vécu Montréal et New York cet été. Puis, la destruction d’habitats pousse des milliers d’espèces à migrer vers un contact prononcé avec les humains, augmentant ainsi les échanges de pathogènes et l’émergence de zoonoses, des maladies infectieuses transmises des animaux à l’humain tel qu’Ebola, le paludisme et le Covid-19.

De plus, on compte aussi les effets indirects de cette crise sur la santé à travers les conséquences économiques et les perturbations sociales qu’elle engendre. Notamment, le manque d’eau, de nourriture et de terres ne fera qu’amplifier la pauvreté et mènera forcément à des mouvements migratoires de masses et à des conflits. Selon Oxfam France, on estime que le nombre de réfugiés climatiques s’élèvera à 1,2 milliard en 2050.

« C’est pourquoi il faut déclarer que la crise environnementale est une urgence sanitaire mondiale, a indiqué Kamran Abbasi. Ça n’a aucun sens pour les scientifiques et les politiciens de considérer la santé et l’environnement de manière séparée. »

Par ailleurs, l’idée d’unir l’environnement, la biodiversité et la santé humaine est au cœur du concept de « One Health », promu par l’OMS en réponse à la pandémie de Covid-19, dont un des objectifs est de prévenir de nouvelles épidémies. Cette approche interdisciplinaire des enjeux sanitaire repose sur l’idée selon laquelle la protection de la santé humaine passe aussi par celle des animaux et de leurs interactions avec l’environnement.

Vers des solutions qui marchent vraiment
« Ce sera seulement en considérant le climat et la biodiversité comme faisant parties intégrantes d’un même problème complexe que nous pourrons développer des solutions pour mieux s’adapter et pour maximiser un dénouement positif », souligne la lettre éditoriale.

Par exemple, on sait que les espaces verts en ville représentent des havres de biodiversité, attirent les pollinisateurs, séquestrent du carbone et réduisent les îlots de chaleur. On sait aussi qu’ils aident les communautés urbaines sur plusieurs plans, car ils filtrent la pollution de l’air, font diminuer les températures au sol, réduisent le stress et promeuvent l’activité physique et les interactions sociales. Ainsi, verdir les villes est un exemple de solution intégratrice qui répond à ces différents enjeux en même temps.

C’est pourquoi les professionnels de la santé doivent être de fervents défenseurs de la protection de la biodiversité et du climat. La lettre indique qu’ »il faut que les décideurs politiques reconnaissent à la fois l’ampleur des conséquences de la crise environnementale sur la santé humaine ainsi que les bénéfices que nous avons à gagner en santé en s’y attaquant. »

Plus de 200 revues médicales soutiennent ce message, et les éditeurs du BMJ ont aussi lancé une pétition ouverte au public pour que l’OMS déclare la crise environnementale comme urgence sanitaire mondiale d’ici l’Assemblée mondiale de la santé en mai 2024.

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