Quel sera le Roman de l’année ? Il sera décerné le 21 novembre prochain à Paris, par un jury composé de journalistes de la rédaction et de lecteurs passionnés. Voici la liste des ouvrages en lice.
Parce que nous aimons les romans, parce qu’ils nous réconfortent, nous soutiennent, ouvrent notre esprit, nous font découvrir le monde et ses habitants, parce qu’ils sont source de nourriture intellectuelle et affective, nous voulons couronner le titre qui semble réunir au mieux ces qualités.
Dans un monde heurté, difficile, angoissant, la littérature a plus que jamais un rôle essentiel à jouer dans nos vies. Le Prix du Roman Psychologies sera décerné le 21 novembre prochain au musée Jean-Jacques Henner, à Paris. Voici les ouvrages nommés.
Le Jour et l’Heure – Carole Fives (Ed. Lattes)
« On s’est tous retrouvés à la gare de la Part-Dieu vers sept-huit heures.
Maman avait son rendez-vous en début d’après-midi et elle n’avait qu’une peur, le rater. Le GPS annonçait cinq heures de route. On est partis avec la Peugeot à sept places.
Papa et Maman devant, et nous, les quatre enfants, derrière, comme à la belle époque. Il ne manquait que les scoubidous et les cartes Panini.
Papa a toujours eu une conduite assez brusque mais alors là, on aurait dit qu’il le faisait exprès. De la banquette arrière, je voyais Maman, à l’avant.
Elle ne disait rien mais, à chaque fois que Papa freinait, ou accélérait, son visage se crispait.
J’en avais mal pour elle. À un moment, il y a eu une énorme secousse, c’est sorti tout seul, je n’ai pas pu me retenir, mais c’est pas vrai ! Il va tous nous tuer ce con ! » Édith se sait gravement malade. Elle a convaincu son mari et leurs quatre enfants de l’accompagner à Bâle, en Suisse, où la mort volontaire assistée est autorisée.
Elle a choisi le jour et l’heure. Le temps d’un dernier week-end, chacun va tenir son rôle, et tous vont faire l’expérience de ce lien inextricable qui soude les membres d’une famille.
Dans un road trip tendre et déchirant, Carole Fives dresse avec délicatesse le tableau d’un clan confronté à l’indicible et donne la parole à ceux qui restent.
Au revers de la nuit – Cécile Balavoine (Mercure de France)
États-Unis, hiver 1996 : Cécile croise Sasha dans un train.
Elle enseigne le français dans le Minnesota ; lui rentre à New York, où il veut ouvrir un café. Tous les deux ont vingt-trois ans. Mais Sasha ne ressemble pas aux jeunes gens de son âge : il a l’air tout droit sorti des années 30 !
Une semaine plus tard, Cécile est à New York : ils se revoient, se rapprochent…
Quelque vingt ans plus tard, alors qu’elle a tourné depuis longtemps la page de sa vie américaine, Cécile découvre que Sasha est devenu un virtuose des cocktails et une figure de la nuit new-yorkaise.
Creusant le sillon de l’autofiction, Cécile Balavoine évoque avec beaucoup de sensibilité le souvenir d’un amour de jeunesse.
Elle rend à Sasha un bel hommage et fait aussi un étonnant portrait du New York des années 2000, ville de tous les possibles.
Le roi-nu-pieds – François d’Epenoux (Anne Carriere Eds)
Niels, 25 ans, habite depuis des années dans une cabane sans eau ni électricité sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.
Il vit de dons et des produits de son potager. Un été, il débarque à l’improviste dans la maison de vacances familiale, accompagné de sa copine et de son chien. Il y a là son père, Éric, sa belle-mère, leur fils, et la grand-mère complice.
La cohabitation devient vite explosive. Niels fume pétard sur pétard, dort le jour, boit de la bière… Excédé, son père finit par le chasser de la villa à grands coups de « dégage ! ».
Mais la roue tourne. Deux ans plus tard, Éric se retrouve sans emploi. À bout de forces et endetté jusqu’au cou, il décide de rejoindre le seul être qui ne le jugera pas : son fils, Niels.
Père et fils vont peu à peu se réapprivoiser, travailler ensemble sur la ZAD, Niels mettant son père à l’épreuve et Éric découvrant la « vraie vie » de son fils, les raisons de ses choix, son bonheur simple de Robinson en communion avec la nature. Chaque jour qui passe convainc Éric que là se trouve sa nouvelle vie. Jusqu’au moment où…
Les Terres animales – Laurent Petitmangin (Manufacture De Livres)
Il y avait là de petites villes avec leurs églises, quelques commerces, des champs, et au loin, la centrale.
C’était un coin paisible entouré de montagnes et de forêts. Jusqu’à l’accident. Il a fallu évacuer, condamner la zone, fuir les radiations.
Certains ont choisi de rester malgré tout. Trop de souvenirs les attachaient à ces lieux, ils n’auraient pas vraiment trouvé leur place ailleurs.
Marc, Alessandro, Lorna, Sarah et Fred sont de ceux-là. Leur amitié leur permet de tenir bon, de se faire les témoins inutiles de ce désert humain à l’herbe grasse et à la terre empoisonnée. Rien ne devait les faire fléchir, les séparer.
Il suffit pourtant d’une étincelle pour que renaisse la soif d’un avenir différent : un enfant bientôt sera parmi eux.
Laurent Petitmangin, toujours aussi bouleversant d’humanité, nous raconte les souvenirs indélébiles, les instincts irrépressibles et la vie qui toujours impose sa loi au cœur de ces terres rendues au règne animal.
L’Enragé – Sorj Chalandon (Grasset)
« En 1977, alors que je travaillais à Libération, j’ai lu que le Centre d’éducation surveillée de Belle-Île-en-Mer allait être fermé.
Ce mot désignait en fait une colonie pénitentiaire pour mineurs. Entre ses hauts murs, où avaient d’abord été détenus des Communards, ont été « rééduqués » à partir de 1880 les petits voyous des villes, les brigands des campagnes mais aussi des cancres turbulents, des gamins abandonnés et des orphelins.
Les plus jeunes avaient 12 ans.
Le soir du 27 août 1934, cinquante-six gamins se sont révoltés et ont fait le mur. Tandis que les fuyards étaient cernés par la mer, les gendarmes offraient une pièce de vingt francs pour chaque enfant capturé.
Alors, les braves gens se sont mis en chasse et ont traqué les fugitifs dans les villages, sur les plages, dans les grottes. Tous ont été capturés. Tous ? Non : aux premières lueurs de l’aube, un évadé manquait à l’appel.
Je me suis glissé dans sa peau et c’est son histoire que je raconte. Celle d’un enfant battu qui me ressemble. La métamorphose d’un fauve né sans amour, d’un enragé, obligé de desserrer les poings pour saisir les mains tendues. » S.C.
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