Le leader socialiste, Pedro Sanchez, vient d’être reconduit à la tête du gouvernement espagnol avec comme nouveauté, l’entrée de partis d’extrême gauche et de partis ayant ouvertement parlé de leur soutien aux séparatistes du polisario. Avec le nouveau gouvernement espagnol annoncé, quelle évolution dans les relations entre le Maroc et l’Espagne peut-on prévoir?
Pour répondre à cette question, Hespress FR a sollicité Said Ida Hassan, chercheur universitaire et analyste politique, installé à Madrid, pour expliquer la situation et les possibles changements (ou pas) dans la politique étrangère de l’Espagne.
Tout d’abord, il faut noter que le chef du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) n’a pas changé grand monde à l’ossature de son gouvernement. Au niveau des ministères importants, l’on retrouve la même équipe que la précédente, à l’instar du ministre de l’Intérieur Fernando Grande Marlaska ou encore du ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares, Margarita Robles, chargée de la Défense, Luis Planas à l’Agriculture.
La nouvelle composition du gouvernement espagnol, « bien qu’elle soit une affaire intérieure espagnole, revêt une grande importance pour l’avenir des relations entre le Maroc et l’Espagne, en raison des +gros calibres+ maintenus à leurs postes au sein de ce gouvernement, des ministres qui ont amplement contribué au dernier rapprochement entre Rabat et Madrid », a déclaré l’expert.
Le maintien de ministre de l’ancien gouvernement facilitera le travail pour Rabat, puisque de nombreux dossiers sont restés en suspens depuis la crise politique en Espagne qui dure depuis juillet dernier avec l’impossibilité de former un nouveau gouvernement.
Parmi ces dossiers figurent, le maintien de la nouvelle position de l’Espagne sur le dossier du Sahara, la délimitation des frontières maritimes entre le Maroc et les Îles Canaries, la récupération du contrôle de l’espace aérien sur les provinces sahariennes, la réouverture des postes douaniers entre le Maroc et les enclaves de Ceuta et Melilla, la coopération sécuritaire contre les mafias de l’émigration clandestine, le trafic de drogue et les réseaux terroristes, le dossier de la pêche maritime, cite notre interlocuteur.
Et de poursuivre que Pedro Sanchez a choisi des personnalités très « politiques » pour son nouvel exécutif, contrairement aux attentes des observateurs qui pensaient qu’il allait opter pour des visages plus technocrates.
« Pedro Sanchez a maintenu toutes les personnalités influentes au niveau politique et partisan à la tête des ministères qu’elles occupaient, élargissant même les pouvoirs de certaines d’entre elles, comme réponse à la sensibilité de la conjoncture politique que traverse le pays, après une crise politique qui a duré plusieurs mois et l’augmentation des pressions sur le gouvernement, tant de la part de l’opposition de droite que des partis séparatistes et nationalistes », a analysé Said Ida Hassan.
Le chef du gouvernement espagnol a retenu 4 personnalités importantes pour le maintien des relations entre l’Espagne et le Maroc selon la feuille de route bilatérale signée à Rabat.
L’on retrouve ainsi, le ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares, le ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, le ministre de l’agriculture, Luis Planas et la ministre de la Défense, Margarita Robles.
José Manuel Albares, « est l’une des personnalités qui soutiennent, sans ambages, le rapprochement entre Rabat et Madrid », a déclaré le chercheur, expliquant que le ministre a joué un rôle important et décisif dans le changement historique de la position de l’Espagne sur la question du Sahara marocain, avec la reconnaissance par l’Espagne du plan d’autonomie, sous souveraineté marocaine, comme une base « sérieuse et réaliste » pour résoudre ce conflit vieux de plus d’un demi-siècle.
Son maintien à la tête de la diplomatie espagnole renforcerait la position de l’Espagne malgré les critiques du reste des partis politiques, y compris le parti « SUMAR » d’extrême gauche et principal partenaire du PSOE pour cette coalition gouvernementale. Cela enverra surtout un message à l’Algérie « qui a suspendu ses relations diplomatiques avec Madrid comme réaction à ce changement de critère historique de la part de Sanchez ».
De son côté, Fernando Grande Marlaska, magistrat de renommée, « est une personnalité qui a grandement contribué au renforcement de la coopération sécuritaire entre le Maroc et l’Espagne sur plusieurs dossiers délicats tels que la question de l’immigration clandestine, la lutte contre le terrorisme et le crime organisé », a indiqué Said Ida Hassan, soulignant que le maintien de Marlaska à son poste est « un point fort en faveur des relations hispano-marocaines ».
De même que les deux autres ministres restants, à savoir Luis Planas, qui est un ancien ambassadeur de l’Espagne à Rabat.
Il « a été reconduit comme ministre de l’Agriculture et de la Pêche, à un moment très délicat pour la flotte de pêche espagnole privée de son activité au large des côtes marocaines », au moment où la Commission européenne est en attente de la décision de la justice européenne au sujet de la légalité des accords conclus entre l’Union européenne et le Maroc.
L’Espagne a été l’un des premiers pays a dénoncer la première décision de la justice européenne et a plaider pour l’attaquer.
Enfin, la ministre de la Défense, Margarita Robles, qui est un poids lourd du Parti socialiste, « elle fait partie des personnalités qui poussent également vers un rapprochement et une coopération sécuritaire et militaire avec le Maroc », selon notre interlocuteur. « Grâce à sa discrétion, sa diplomatie et sans aucun conteste à son savoir-faire, elle a réussi à tisser des liens solides avec les généraux de l’armée espagnole, des conservateurs en majorité », a-t-il noté.
Le Maroc devrait ainsi être rassuré pour la marche de ses relations avec l’Espagne grâce au maintien de ces 4 ministres et la reconduction de Pedro Sanchez.
« Les circonstances semblent maintenant favorables pour achever les négociations (au sujet des différents sujets bilatéraux) et résoudre tous les autres dossiers en suspens », a déclaré l’expert, en ajoutant que « la balle est dans le camp de Nasser Bourita », le ministre des Affaires étrangères.
La diplomatie marocaine, officielle ou parallèle est donc appelée à « exploiter cette opportunité historique et travailler, contre la montre, pour renforcer les acquis et résoudre les problèmes en suspens, d’autant que la conjoncture politique en Espagne est très volatile pour diverses raisons ».
hespress