Quatre enfants nés sourds ont retrouvé une audition presque normale quelques semaines après avoir reçu une thérapie génique, a annoncé une équipe médicale chinoise de l’Université de Fudan à Shanghai.
Les chercheurs ont injecté dans l’oreille interne des enfants un gène de secours pour remplacer celui de l’otoferline, une protéine indispensable au fonctionnement des cellules sensorielles de l’audition, expliquent-ils dans le magazine américain MIT Technology Review. « Cette première correction génétique d’un sens humain est de bon augure pour la suite », commente Natalie Loundon qui dirige le service d’audiophonologie pédiatrique à l’hôpital Necker – Enfants malades à Paris.
Une opération délicate, consistant à injecter un vecteur viral dans l’oreille
En effet, plusieurs autres essais cliniques du même type sont en cours dans le monde, deux aux États-Unis et un en France. « Nous commençons les premiers recrutements d’enfants », précise Natalie Loundon qui agit pour le compte de la société de biotechnologie Sensorion responsable de l’essai clinique français.
La société fabrique aussi le vecteur thérapeutique mis au point par les chercheurs de l’Institut Pasteur qui travaillent maintenant dans le nouvel Institut national de l’audition à Paris.
« Nous bénéficions de toute l’expérience scientifique développée à l’Institut Pasteur par la chercheuse Christine Petit et son équipe depuis leur découverte du gène de l’otoferline en 1999 », ajoute Natalie Loundon. La technique consiste à injecter dans le liquide de l’oreille interne un vecteur viral inoffensif de type AAV portant le gène fonctionnel de l’otoferline et capable de cibler spécifiquement les cellules ciliées internes responsables de l’audition.
Cette opération est délicate, car il faut accéder à la cochlée en respectant les structures fines de l’oreille interne afin d’y injecter le vecteur dans le liquide qui baigne les cellules, mais elle est déjà pratiquée depuis des années en chirurgie de l’oreille, notamment lors de la mise en place des implants cochléaires. Ces implants, qui permettent de réhabiliter l’audition dans les cas de surdités profondes, comportent 12 à 22 électrodes pour stimuler directement le nerf auditif dans la cochlée.
« Ce premier succès (…) ouvre la voie à d’autres approches visant des surdités nettement plus fréquentes »
Dans la thérapie génique, il s’agit de restaurer le fonctionnement normal de toute la structure avec ses 3500 cellules ciliées en y introduisant le gène de secours. « Cette correction peut agir rapidement car nous savons que le développement physiologique et anatomique de l’oreille n’est pas affecté par la mutation du gène de l’otoferline, celle-ci supprimant seulement la communication entre les cellules sensorielles du son et le nerf auditif », souligne la chercheuse.
En 2018, cette thérapie génique avait déjà montré son efficacité chez des souris porteuses de la mutation. Elle semble corriger définitivement la surdité car les cellules ciliées cochléaires ne se divisent plus une fois l’oreille formée in utero et elles pourraient donc exprimer le gène de secours durant toute la vie.
La mutation du gène de l’otoferline est très rare, mais le nombre d’enfants concernés reste sous-évalué car la surdité qu’elle entraîne à la naissance n’est dépistée que par la mesure des potentiels évoqués auditifs, un test plus précis mais pas encore généralisé dans les maternités en France.
« Ce premier succès de thérapie génique d’une surdité congénitale d’origine génétique ouvre néanmoins la voie à d’autres approches visant des surdités nettement plus fréquentes telles que celles dues aux mutations du gène GJB2 », souligne aussi Natalie Loundon.
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