Londres et Kigali ont signé mardi au Rwanda un nouveau traité visant à ressusciter un accord controversé pour expulser dans ce pays africain les demandeurs d’asile arrivés de manière irrégulière au Royaume-Uni. Les autorités rwandaises se sont engagées à ne pas expulser des personnes vers un pays où leur vie serait menacée.
Le gouvernement de Rishi Sunak s’efforce de sauver la mesure phare de sa politique contre l’immigration illégale. Trois semaines après le camouflet infligé par la Cour suprême britannique, qui estimait que son projet d’expulser des demandeurs d’asile au Rwanda était illégal, le ministre de l’Intérieur est de retour à Kigali.
James Cleverly et le ministre rwandais des Affaires étrangères, Vincent Biruta, ont annoncé mardi 5 décembre la signature d’un nouvel accord. Ce traité « répondra aux préoccupations de la Cour suprême en garantissant notamment que le Rwanda n’expulsera pas vers un autre pays les personnes transférées dans le cadre du partenariat », a indiqué un communiqué du ministère de l’Intérieur.
Our landmark treaty with Rwanda makes it clear – we will do whatever it takes to stop the boats. pic.twitter.com/oHhg3U6yzC
— James Cleverly🇬🇧 (@JamesCleverly) December 5, 2023
Lors de sa décision le 15 novembre, la Cour suprême britannique s’était inquiétée que Kigali expulse des personnes vers un pays où leur vie ou leur liberté serait menacée. Les hauts magistrats avaient également estimé que le Rwanda ne pouvait être considéré comme un pays sûr.
« Mettre fin à ce manège » en désignant le Rwanda comme pays sûr
Le nouvel accord comprend notamment la mise en place « d’un tribunal conjoint avec des juges rwandais et britanniques à Kigali pour garantir que la sécurité des migrants est assurée et qu’aucun des migrants envoyés au Rwanda ne soit expulsé vers son pays », a affirmé lors de la conférence de presse le porte-parole adjoint du gouvernement rwandais, Alain Mukuralinda. « Et il veillera également à écouter toutes les plaintes des migrants », a-t-il poursuivi.
Londres répond ainsi aux critiques de la Cour suprême sur le manque d’indépendance au Rwanda et sur les risques de persécutions.
« Il est clair que le Rwanda est un pays sûr, et nous travaillons à un rythme soutenu pour faire avancer ce partenariat afin d’arrêter les bateaux [qui traversent la Manche, ndlr] et sauver des vies », a assuré James Cleverly, cité dans un communiqué.
En plus du traité, le gouvernement britannique introduira une « législation d’urgence » au Parlement pour désigner le Rwanda comme un pays sûr et ainsi « mettre fin à ce manège », a précisé lundi soir le Premier ministre Rishi Sunak dans une interview au Sun.
« Immense admiration » pour le Rwanda
Lors d’une conférence de presse mardi, le ministre rwandais Vincent Biruta a déclaré que son pays avait « poursuivi ce partenariat avec le Royaume-Uni parce-que nous pensons que nous avons un rôle à jouer dans cette crise de l’immigration clandestine ». James Cleverly a quant à lui fait part de son « immense admiration pour le gouvernement rwandais, qui a reçu de nombreuses critiques ».
Le Rwanda est dirigé de facto d’une main de fer depuis 1994 par Paul Kagame. Selon Human Rights Watch (HRW), les « exécutions extrajudiciaires, les décès en détention, les disparitions forcées et la torture » sont légion dans le pays.
Londres doit « ouvrir les yeux sur le passé du Rwanda en matière de violations des droits humains, notamment à l’encontre des réfugiés et des demandeurs d’asile (…) et abandonner une fois pour toutes ses projets d’expulsion des demandeurs d’asile vers le Rwanda », a exhorté Yasmine Ahmed, directrice Royaume-Uni pour l’ONG.
Suite au revers des magistrats britanniques, le ministre de l’Intérieur avait défendu la « transformation miraculeuse » du Rwanda et dit avoir perçu dans certaines des critiques « des attitudes paresseuses parce que c’est un pays africain ».
Quand est-ce que ce nouvel accord sera opérationnel ? Une fois signé, il devra ensuite être ratifié par les Parlements britannique et rwandais. Mais de nombreux avocats et organisations caritatives estiment qu’il est peu probable que les vols d’expulsion puissent commencer avant les élections de l’année prochaine. Le Parti travailliste d’opposition, qui dispose d’une avance à deux chiffres dans les sondages, envisage d’abandonner la politique rwandaise s’il gagne.
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