Mali-Niger-France: les entreprises françaises ciblées par la suppression des conventions fiscales

Bamako a annoncé mardi soir, conjointement avec Niamey, sa volonté de supprimer la convention fiscale établie entre le Mali et la France signée il y a plus de cinquante ans. Elle permettait notamment d’éviter la double imposition des particuliers et des entreprises. Pour Bamako, l’objectif est de mettre fin à une situation jugée « déséquilibrée » et de faire payer, notamment, les entreprises françaises.

En supprimant cette convention fiscale, le Mali entend récupérer, selon les termes du communiqué officiel, « un manque à gagner considérable ». Pour les entreprises, ce type d’accord doit permettre d’attirer les investissements. Et c’était bien l’objectif lors de sa signature, en 1972, sous le régime militaire de Moussa Traoré, dont les autorités maliennes de transition revendiquent pourtant l’héritage. Le Mali sortait alors de sa période socialiste.

Mais depuis, les temps et les besoins ont changé.

« Le Mali a des difficultés en ce moment au niveau des recettes fiscales. C’est la crise mondiale qui impacte les entreprises en général et joue sur le niveau des recettes fiscales », analyse Modibo Mao Macalou, économiste et ancien conseiller à la présidence, aujourd’hui à la tête du cabinet de conseil IBS à Bamako.

Et d’ajouter : « L’idée, c’est de mobiliser davantage de recettes intérieures et je pense que c’est dans cet objectif que les autorités maliennes de transition ont décidé de dénoncer cette convention fiscale, parce qu’évidemment, il y a beaucoup plus d’entreprises françaises qui opèrent au Mali que d’entreprises maliennes qui opèrent en France ».

« Cela va décourager les investissements français au Mali »
Mais les entreprises françaises installées au Mali sont des filiales de droit malien, qui paient déjà leurs impôts dans le pays. Devront-elles s’acquitter de nouvelles taxes au Mali ? La France les soumettra-t-elle à la double imposition ?

En tout état de cause, selon Modibo Mao Macalou, l’effet sera surtout dissuasif : « Dans la décision d’investir dans un pays, évidemment, le régime fiscal joue un rôle important. Donc maintenant, les entreprises françaises vont soit réduire leurs investissements, soit aller s’installer ailleurs. Cela va décourager les investissements français au Mali ». Difficile dans ces conditions d’estimer les montants que le Mali pourra gagner ou perdre, à court ou à long terme. Aucun des experts interrogés par RFI ne s’y est risqué. Et les autorités maliennes de transition, lors de leur annonce, ne l’ont pas précisé.

Selon un membre actif des cercles économiques franco-maliens, cette mesure « très politique devrait aussi pénaliser Bamako ».

Les investissements français déjà au ralenti pourraient se réduire encore d’avantage. « Cela va amputer les résultats et donc l’agilité des entreprises, décrypte Etienne Giros, président du Conseil des investisseurs des Français en Afrique, soit elles accepteront que leurs bénéfices en France diminuent, soit elles imputeront cette nouvelle charge sur leurs filiales africaines. Ce sont tous les avantages d’un partenariat qui disparaissent ».

Un « impact limité »
En tout cas, il s’agit d’une mauvaise nouvelle pour les sociétés françaises présentes au Sahel. Jusque-là, elles pouvaient déduire de leurs impôts en France le montant qui leur a été prélevé à la source dans les pays africains. Pour Etienne Giros, il s’agit d’un nouveau signal négatif « qui va impacter les sociétés françaises qui accordent des prêts, qui facturent des prestations de services où qui attendent de recevoir des dividendes ».

« Ce n’est pas très bon parce que, plus on harmonise les affaires et le commerce international, plus il y a du développement, plus il y a de l’investissement, plus il y a de la lutte contre la pauvreté », estime-t-il.

Le nombre d’entreprises concernées est toutefois assez faible – environ 70 au Burkina, une cinquantaine au Mali, et une vingtaine au Niger. « L’impact reste très limité, explique un acteur du monde des affaires au Sahel, les entreprises françaises ont installé des filiales dans ces pays déjà soumises aux droits locaux. Peu sont celles qui rapatrient leurs fonds depuis ces pays vers la France ».

Pour sortir les sociétés de ce mauvais pas, le Trésor français peut très bien décider de poursuivre, seul, ces conventions et ainsi prendre l’effort financier à sa charge. Sur ce point, Bercy n’a pas encore tranché.

rfi

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