COP28 : « On ne négocie pas avec les lois de la nature »

Derrière les grandes ambitions affichées par les COP, se cache une toute autre réalité : celle des textes votés qui suscitent beaucoup d’espoirs, mais qui sont en fait remplis de dérogations et de conditionnel. Cette COP28 n’a pas fait exception à la règle.

La COP28 vient de s’achever avec la ratification d’un texte international sur la sortie progressive des énergies fossiles d’ici 2050. Mais l’une des grandes innovations de cette COP est celle qui a été présentée aux dirigeants du monde entier dès le début de l’événement : pour la première fois, un bilan officiel des actions climatiques effectuées ces dernières années a été présenté, et celui-ci a été confronté aux réels besoins en matière de politique environnementale.

Un grand pas en avant, mais aussi un « moment de schizophrénie » selon la déclaration publique de Jean-Pascal van Ypersele, physicien du climat et auteur du Giec. « Cela reconnaît les nombreux et immenses fossés entre ce qui est nécessaire et ce qui a été fait jusqu’à maintenant, et à la suite de cela, absolument AUCUNE décision n’est prise ».

Dans ce bilan, on trouve 115 fois les termes « reconnaître » et « noter », mais seulement 5 fois le terme « décider ».

« Il y a une déconnexion totale entre le diagnostic et le traitement. Le diagnostic est un cancer potentiellement mortel, à cause d’une consommation excessive d’énergies fossiles. Le traitement prescrit est un mélange de pensées positives et de magie », explique l’auteur du Giec.

Il y a une déconnexion entre le diagnostic et le traitement selon le physicien du climat Jean-Pascal van Ypersele. © piyaset, Adobe Stock

IL Y A UNE DÉCONNEXION ENTRE LE DIAGNOSTIC ET LE TRAITEMENT SELON LE PHYSICIEN DU CLIMAT JEAN-PASCAL VAN YPERSELE. 

Contrairement aux textes votés, le système climatique n’a aucune flexibilité

Dans une lettre officielle envoyée au président de la COP28, Sultan Al Jaber, le climatologue Michael E. Mann, également auteur du Giec et professeur à l’Université de Pennsylvanie, a pourtant invoqué la nécessité d’un véritable plan d’action. « Le système climatique n’a aucune flexibilité : il obéit aux lois de la nature (la physique, la chimie, et la biologie) ».

Le scientifique reconnaît que l’adaptation est nécessaire, mais qu’elle sera extrêmement difficile à mettre en place au-delà d’un réchauffement de +1,5 °C comparé aux niveaux préindustriels.

« Garder en vie l’objectif d’une limitation du réchauffement à +1,5 °C est essentiel pour rendre l’adaptation possible ».

Pour ne pas dépasser ce qu’il appelle « cette ligne rouge », la hausse effrénée des émissions de CO2 doit s’arrêter d’ici 2050 au plus tard. Et pour cela, les régions du monde les plus développées, comme les États-Unis et l’Europe, doivent faire des efforts bien avant 2050. À cette échéance, cela veut dire que la neutralité carbone doit déjà avoir été atteinte : « Chaque tonne de CO2 émise devra être absorbée de manière durable ».

Mais en l’espace de 25 ans seulement, comment opérer un tel changement ?

« Cela ne passe pas seulement par les énergies renouvelables, mais par une suppression progressive de toutes les énergies fossiles, le charbon, le pétrole, le gaz, et un arrêt total de la déforestation d’ici 2050. Une petite fraction des énergies fossiles que nous utilisons actuellement pourra continuer à être utilisée, à condition que leurs émissions soient capturées et séquestrées à 100 % de manière permanente ».

Et pour y arriver, « l’humanité toute entière doit s’accorder » sur ces points en même temps.

L'éminent climatologue Michael E. Mann a demandé une prise de position ferme au président de la COP28 sur la sortie des énergies fossiles, mais les textes qui ressortent restent trop vagues. © Ded Pixto, Adobe Stock

L’ÉMINENT CLIMATOLOGUE MICHAEL E. MANN A DEMANDÉ UNE PRISE DE POSITION FERME AU PRÉSIDENT DE LA COP28 SUR LA SORTIE DES ÉNERGIES FOSSILES, MAIS LES TEXTES QUI RESSORTENT RESTENT TROP VAGUES. 

Si, pour une fois, la sortie progressive des énergies fossiles a clairement été annoncée dans les textes officiels de la COP28, quel que soit le nouveau texte voté, si le fond est différent, la forme reste la même.

L’emploi du conditionnel est toujours quasi-systématique et les accords signés présentent tous la même faille : l’absence de sanctions et de réelles contraintes.

FUTURA

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