Algérie : Beaumelle – « Belmadi a accepté de laisser Belaïli jouer le derby USMA-MCA » [Exclu]

Entraîneur du MC Alger depuis mars 2023, Patrice Beaumelle s’est exprimé en exclusivité pour Afrik-Foot.com à la veille du derby qui opposera le MCA, leader du classement, à l’USM Alger vendredi dans le cadre de la 11e journée du championnat algérien. Le technicien français a également fait quelques révélations au sujet de son joyau Youcef Belaïli, que Djamel Belmadi a accepté de laisser à disposition du Mouloudia pour cette affiche, avant de l’emmener probablement disputer la CAN 2023. Entretien.

Quel bilan personnel faites-vous de votre présence au Mouloudia d’Alger et en Algérie ?

Déjà, c’est un plaisir d’être à la tête d’un tel club. Ça faisait sept, huit mois que le président Hadj Rdjem voulait que je vienne, lors de l’été 2022, mais je n’étais pas encore prêt. Je venais de finir avec la sélection de Côte d’Ivoire et je ne savais pas trop encore si je voulais repartir en sélection ou prendre un club parce qu’il y avait la Coupe d’Afrique des nations qui arrivait.

Donc j’ai attendu quelques mois, puis lorsqu’il m’a recontacté début 2023, je me suis senti d’attaque pour prendre la tête du MCA avec beaucoup de fierté. Le bilan pour moi est vraiment très positif parce que lorsque je suis arrivé, l’objectif que l’on m’a donné était de finir sur le podium sur la saison passée, où j’avais hésité à venir parce que j’avais trouvé l’effectif du Mouloudia, un peu déséquilibré.

Qu’est-ce qu’il manquait au juste ?

Il manquait certains aspects pour être vraiment compétitif. On a beaucoup travaillé pour atteindre l’objectif de finir sur le podium et on a réussi sur la dernière journée à terminer troisièmes, une place qualificative, il ne faut pas l’oublier, pour la Coupe de la CAF. Malheureusement, le Mouloudia a été privé de de cette participation sur cette saison parce que l’histoire, c’est que l’USMA a remporté le titre continental en Coupe de la CAF et puis l’ASO Chlef a gagné la Coupe d’Algérie contre le CRB et donc ces deux clubs ont été réinjectés dans la Coupe de la CAF automatiquement.

Du coup, nous avons été privés de cette coupe.

Donc, sur la fin de saison dernière, j’ai fait les 12 derniers matchs et l’objectif a été atteint. Comme avaient pu dire les supporters, ils voulaient vraiment juger mon travail sur la saison à venir et pour l’instant tout se passe très bien avec le Mouloudia : nous sommes leaders du championnat et nous prenons beaucoup de plaisir au quotidien avec le staff et l’équipe.

Vous pensez que le Mouloudia d’aujourd’hui, votre Mouloudia à vous, a pris du volume réellement ? C’est une équipe qui pourrait concurrencer les grosses cylindrées africaines ?

C’est une équipe qui a gagné en maturité, on se connaît, on a renforcé l’équipe, on a fait venir des joueurs d’expérience qui ont gagné des titres, que ce soit en club ou avec des sélections africaines. On a bien renforcé l’effectif avec des joueurs d’expérience qui ont de la maturité tout en gardant les forces vives de la saison dernière, des joueurs cadres mais aussi des jeunes joueurs pleins d’avenir.

Dans le travail, la stabilité est le mot-clé.

Peut-être qu’au Mouloudia ce n’était pas toujours le cas mais pour moi, la stabilité est un gage de résultats. Et c’est ce qu’on voit actuellement, ça va bientôt faire un an que je suis ici et les résultats pour le moment sont vraiment à la hauteur de mes espérances. Je pense que cette équipe mérite de vivre ensemble et d’enchaîner les matchs pour avoir une ossature encore plus solide afin de prétendre être un grand d’Afrique à l’avenir.

« Remettre ce club à la place qui devrait être la sienne en Algérie et en Afrique »
De quoi vous êtes satisfait le plus au sein du MCA et au sein de votre équipe ?

J’ai envie de dire que je remercie le président Hadj Rdjem et tous les dirigeants d’être à l’écoute de ce que je veux mettre en place vraiment. Il y a un bon rapport entre nous, basés sur la confiance.

On s’entend très bien, on se voit tous les jours, on se parle beaucoup, on se projette, et je peux dire que je suis très satisfait de cette relation, parce que souvent on critiquait un peu l’instabilité et l’ingérence, mais aujourd’hui je peux vous dire que le président, son conseil d’administration, tous les dirigeants, bien sûr la Sonatrach et à sa tête, le PDG, ils sont tous à fond derrière le club, derrière le président, derrière moi, derrière les joueurs.

Vous avez donc carte blanche ?

Oui, carte blanche à la hauteur de ce qu’ils peuvent faire mais je suis toujours en train d’essayer de faire progresser le club, de l’amener vers le très haut niveau mondial parce que je ne me fixe pas de limite…

Le très haut niveau mondial, vous dites ?

Quand je dis cela, c’est se préparer au quotidien comme une équipe qui évolue en Europe dans les grands championnats. Je n’ai pas la prétention de dire qu’on ressemble au Real Madrid ou à Manchester City. Dans l’idée, c’est de travailler comme dans un club organisé de cette manière, avancer et montrer que ce championnat d’Algérie est de grande qualité.

En quoi consiste le projet qu’on vous a présenté au MCA et le vôtre en même temps ?

Le projet, c’est tout simplement remettre ce club du Mouloudia à la place qui devrait être la sienne depuis longtemps, parce que c’est un grand club en Algérie mais c’est un grand club en Afrique aussi.

« Au Mouloudia, vous jouez devant 70 000 personnes »
Le MCA, c’est plus de pression que dans les autres clubs que vous avez connus ?

La pression est permanente quand vous êtes dans des clubs avec une dimension comme le Mouloudia, où vous jouez devant 70 000 personnes. C’est sûr qu’il y a de la pression et beaucoup d’attentes. Je dirais que la pression est d’autant plus grande que le public est en attente de vibrer, de prendre du plaisir jusqu’à présent, hamdoullah, ils viennent au stade, ils prennent du plaisir. Les tribunes des stades sont pleines à chaque match et on est vraiment heureux de leur procurer du bonheur. C’est une pression positive et personnellement, j’ai besoin de ça au quotidien pour avancer dans mon métier d’entraîneur.

Il y a beaucoup d’entraîneurs qui vous envient parce que vous avez hérité du MCA, le club le plus populaire d’Algérie, au bon moment ; l’année où ils vont avoir leur propre stade, vous imaginez l’ambiance au stade de Douera ?

Bien-sûr, mais vous savez à l’été 2022 avec le président Hadj Rdjem, on parle de ma venue et je lui refuse parce que j’avais dit à l’époque, que ce que moi je voulais mettre en place ce que le club n’était pas encore prêt à réaliser.

Quelques mois après, lorsqu’il me rappelle en février 2023, je vois les plans du stade de Douera qui ont vraiment bien avancé, je vois le plan du centre d’entraînement, bien qu’il ne soit pas encore prêt à l’heure où je vous parle. Mais en tout cas, ce qu’il y a eu de génial c’est que j’ai pu aller le visiter des dizaines de fois et j’ai pu apporter certaines modifications essentielles à mon fonctionnement.

Par exemple ?

Par exemple, le centre d’entraînement où j’ai modifié complètement les vestiaires des joueurs, les bureaux des coachs… J’ai créé un couloir qui va raconter l’histoire du club, c’est-à-dire que le joueur va arriver au niveau des bureaux des coachs, du staff, puis il va descendre des escaliers pour accéder à un couloir qui amène jusqu’aux vestiaires et qui donne sur le stade d’entraînement.

J’ai demandé à être équipé en outils pour pouvoir travailler, une salle « performances » avec du matériel que j’ai choisi, les vestiaires dont j’ai conçu le design, la récupération après les entraînements…

« S’il y a vraiment deux clubs qui se ressemblent, c’est le Mouloudia et l’OM »
Vous avez déjà eu une mission similaire dans d’autres clubs ?

Oui, j’ai pu faire ça en Côte d’Ivoire, dans le stade d’Ebimpé d’Abidjan. J’ai pu refaire le design de certains vestiaires des stades qui vont abriter la prochaine Coupe d’Afrique. Ça m’arrive souvent de proposer certaines choses mais toujours dans l’idée d’améliorer le quotidien des joueurs et de pouvoir faire en sorte qu’on puisse travailler dans les meilleures conditions.

Lorsque je suis arrivé au Mouloudia, j’ai vraiment souhaité avoir un lieu de vie pour les joueurs parce que n’ayant pas encore les centres, ils étaient obligés de s’entraîner sur différents sites et ça me posait problème parce qu’au final, les joueurs n’avaient pas de lieu de vie où ils pouvaient se retrouver et c’est pour cela que j’ai créé un lieu de vie et un lieu de soin où même quand on n’a pas d’entraînement, le staff médical est là pour soigner les joueurs au quotidien, un lieu où tout est affiché, les résultats, les datas des matchs, ceux des entraînements.

On a également une salle vidéo, on a des petits déjeuners qui sont servis, des collations avant et après chaque entraînement. Ils ont aussi un coin ils peuvent jouer au billard, au baby-foot, regarder la télé et écouter de la musique…

Vous semblez bien apprécier ce volet de votre travail en amont, c’est une trace que vous allez laisser…

Pour mon staff, j’ai souhaité avoir un endroit où on a des bureaux où on travaille au quotidien, où on a tous les logiciels, les outils vidéo, les GPS, tout le matériel pédagogique dont j’avais besoin. Vraiment un grand merci encore une fois au président puisqu’il m’a permis d’obtenir tous ces moyens, d’acheter du matériel médical aussi, propre à la récupération.

Donc, j’ai été écouté dès les premiers jours de mon arrivée et aujourd’hui au quotidien on travaille beaucoup avec mon staff. Il n’y a pas de secret, quand il y a de bons joueurs et du travail derrière, les résultats suivent naturellement.

Patrice Beaumelle, MC Alger

Comment jugez-vous l’ambiance des supporteurs du MCA comparée à celle des autres galeries des équipes que vous avez connues ?

C’est merveilleux, sincèrement moi qui suis marseillais je dis souvent que s’il y a vraiment deux clubs qui se ressemblent, c’est le Mouloudia et l’Olympique de Marseille, de par des supporters fanatiques qui poussent leurs joueurs et jouent leur rôle de douzième homme, qui sont amoureux du club et cela n’a pas de prix. Je le vois lorsqu’on joue à l’extérieur, ils suivent l’équipe dans chaque déplacement pour nous encourager.

Mais ils vous mettent la pression aussi à l’extérieur ?

C’est toujours pareil. Lorsque les résultats ne sont pas forcément à la hauteur des espérances, ils sont fâchés. C’est vrai qu’ils sont vraiment désireux d’être fiers d’arborer ce maillot vert et rouge à Bab El Oued, à la Casbah, et toutes les villes d’Algérie et, je dirais même dans le monde entier vu que je reçois des vidéos de supporters du Mouloudia exilés au Canada qui arborent le maillot du Mouloudia, d’autres en France, en Espagne, à Londres, dans le monde entier, en fait. C’est ce que j’aime dans ce club.

Il marque les gens de génération en génération. Il y a des pères, des grands-pères qui ont aimé le Mouloudia dans les années 70, avec le triplé de 1976.

Il y a eu aussi le titre en 2010, et d’autres trophées et grands événements. J’ai affaire à des anciens joueurs au quotidien qui sont au club, on est là pour servir ce club, en fait.

Moi, je suis de passage, tout comme les joueurs et les entraîneurs.

Mais le plus important c’est que j’ai la sensation de servir le club, de l’honorer, de faire de mon mieux pour que ce maillot soit porté fièrement de partout. Le public est merveilleux, avec les tifos, les chants, c’est juste magnifique ! Aujourd’hui, on joue devant 70 000 personnes c’est fantastique.

Qu’est-ce qui vous manque pour être heureux, à part le titre en fin de saison ?

Être champion, bien-sûr, c’est l’objectif de tout coach. A part le titre, j’aimerais jouer la Coupe d’Algérie, parce que c’est très important pour le club et c’est une compétition choyée par les supporters aussi. C’est apporter de la joie à tout le peuple mouloudéen.

« MCA-USMA, ce sont des derbies où les supporters se respectent »
Vous avez connu deux des plus grands clubs d’Algérie, quelle différence y a-t-il entre le MCA et l’USMA (où il a oeuvré comme adjoint d’Hervé Renard, ndlr) ?

Il est difficile de comparer.

S’il y a quelque chose que j’aime dans ces deux clubs, c’est cette concurrence ou rivalité saine qu’il peut y avoir chez les supporters et qu’on retrouve lors des derbies, c’est-à-dire que tout sportif aime gagner des derbies parce qu’on doit honorer le maillot et rendre fiers les supporters. Mais au-delà de cela, ce sont des derbies où les supporters se respectent parce que ce sont des supporters issus du même quartier, que ce soit Bab El Oued, de la Casbah…

Et souvent, de la même famille même !

En effet, la même famille. Ils sont frères, cousins, voisins, potes… C’est ça qui est formidable dans ce derby.

Mais c’est bien de souligner qu’il n’y a jamais eu de bagarre surtout, en fin de match.

Il faut le dire parce qu’on vit dans un monde où on parle souvent de drames aux informations télévisées. J’ai envie de dire que, ce que j’aime dans ce derby, c’est que même si tout le monde veut gagner et donne le maximum tout au long du match, à la fin, on voit toujours les supporters des deux clubs qui se respectent et ça, ça devrait être montré un peu plus dans le monde entier, afin de valoriser l’Algérie, de valoriser les deux clubs et le football en Afrique en disant que sur ce continent on aime réellement le football, et que les derbies aussi chauds et intenses sont à montrer fièrement dans les écoles de formation mais aussi aux supporters du monde entier, parce qu’il n’y a pas plus beau qu’un stade plein qui chante et qui bouillonne dans le fairplay et le respect.

Comment s’annonce le derby de ce vendredi ?

L’année dernière, on a joué l’USMA au stade Nelson Mandela, où on a eu beaucoup de défections. On n’avait malheureusement pas une équipe compétitive donc j’avais été déçu du rendement de l’équipe. Oui, j’ai connu un derby contre le Mouloudia lorsque j’étais à l’USMA. On l’avait joué à huis clos à Bologhine…

Un derby sans public ça n’a pas de saveur…

Bien sûr ! Donc, ce sont des matchs que tout le monde veut jouer, des matchs auxquels chaque supporter, chaque coach, chaque joueur veut participer. On coche dans le calendrier la date du derby dès le début de saison et ce sont des matchs qu’on veut tous jouer. J’ai hâte d’être sur le terrain ce vendredi.

« Belmadi et son staff étaient agréablement surpris de l’état physique de Bellaïli »
Bellaïli est en stage d’affûtage à Sidi Moussa en prévision de la CAN. Que lui manque-t-il pour être prêt ?

Je ne dirais pas affûtage, parce que dire cela revient à dire que nous, staff du Mouloudia, n’avons pas fait notre travail comme il se doit et c’est manquer de respect à notre travail puisqu’on travaille avec Youcef depuis le mois d’août. Youcef prend beaucoup de plaisir, il est assidu aux entraînements, et je pense que toutes ses statistiques avec le Mouloudia parlent pour lui : 10 buts et 8 ou 9 passes décisives.

Si on compte même les matchs de préparation, ce sont des statistiques doublées. Il est présent à chaque match, il a joué quasiment tous les matchs, je crois qu’il sort à Oued Souf à la 89e minute.

Donc, il fait partie, dans les données GPS, des joueurs qui courent le plus en distance et à très haute intensité.

Donc, dire qu’il est en période d’affutage signifie qu’il n’a pas assez travaillé avec nous, c’est pour ça que je voudrais rectifier un peu ce qui s’est dit et comme la CAN arrive très vite et que Youcef dans les derniers jours a été grippé comme beaucoup d’autres joueurs en Algérie il y a eu beaucoup de grippes, il a été privé d’entraînement et donc dans notre échange avec le sélectionneur Djamel Belmadi, il m’a demandé s’il pouvait voir le joueur avec son staff de l’équipe nationale au centre national de Sidi Moussa afin d’être rassuré parce qu’il a besoin de lui avant de prendre sa décision.

Je lui ai dit que je savais qu’il travaillerait dans la même dynamique logique qu’on fait au quotidien.

Donc je lui ai dit que mis à part le fait qu’il soit grippé ces derniers jours, le reste était au top et dans les échanges qu’on a eus au quotidien avec Djamel et son staff ils étaient agréablement surpris de l’état dans lequel il était physiquement, il travaille au quotidien pour être prêt.

Bellaïli sera bien présent lors du derby contre l’USMA, vous confirmez ?

Oui, Youcef sera avec nous vendredi pour le derby, inchallah. Et puis après, il ira, je l’espère, donner un coup de main à l’équipe des Fennecs et faire des différences comme il sait si bien le faire avec nous, au Mouloudia.

Quelles relations avez-vous avec Djamel Belmadi ?

Très bonnes, excellentes même ! Beaucoup de respect, on a pu jouer l’un contre l’autre lorsque j’étais à la tête de la Côte d’Ivoire, mais on s’est toujours bien respectés on est tous les deux des passionnés, des professionnels, on se respecte, on respecte les joueurs, et on échange facilement, on est là pour donner les meilleurs résultats lors de nos différentes missions.

En tout cas, j’ai toujours beaucoup de plaisir à discuter football avec Djamel Belmadi.

Quand on peut s’entraider, on le fait avec plaisir et respect. Il voulait être rassuré quant à la forme de Youcef, ce qui est normal, et de mon côté, j’ai besoin de mon joueur au top pour ce derby. Donc, c’est un confrère et on a toujours travaillé en bonne intelligence pour trouver des solutions. J’ai vraiment une belle relation avec lui, et je lui souhaite sincèrement de ramener la troisième étoile et d’avoir les meilleurs résultats possibles avec les Fennecs.

Rendez-vous vendredi pour la deuxième partie de notre entretien avec Patrice Beaumelle, où il sera plus spécifiquement question de sa gestion de Youcef Belaïli.

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