France : hausse de 30% des expulsions de délinquants étrangers en 2023

Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 4 686 étrangers délinquants ont été expulsés du territoire français en 2023, soit une hausse de 30% par rapport à l’année précédente. Le ministre Gérald Darmanin s’est félicité jeudi de cette augmentation, alors que le même jour la Cour des comptes étrillait le gouvernement sur sa politique de lutte contre l’immigration irrégulière, qu’elle juge « déficiente ».

« N.P., 28 ans, connu des services de police pour violences sur conjoint et menaces de mort », « M.C., 25 ans, connu des services de police pour vols », « S.G., 26 ans, connu des services de police pour vols et conduite sans permis »… Depuis des mois, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin égraine chaque jour sur son compte X (ex-Twitter) la liste des étrangers délinquants expulsés du territoire français.

Jeudi 4 janvier, le ministère de l’Intérieur a publié son bilan de l’année 2023 : au total, 4 686 étrangers délinquants ont été renvoyés l’an dernier.

Une hausse de 30% par rapport à 2022, lorsque 3 615 personnes avaient été expulsées.

Gérald Darmanin, qui a réuni les préfets ce même jour, « s’est félicité de ce premier bilan » et leur a demandé « d’accélérer encore en la matière, notamment grâce aux apports de la loi Immigration dès lors que celle-ci sera promulguée », a confié à l’AFP son entourage. Le texte, sur lequel doit encore statuer le Conseil constitutionnel avant d’être effectif, prévoit notamment l’expulsion d’étrangers délinquants en situation régulière, même ceux arrivés en France avant leur 13 ans ou ayant un conjoint français.

Les principales zones de destination des personnes expulsées en 2023 sont, dans l’ordre, le Maghreb, l’Afrique subsaharienne et l’Europe centrale.

Ces chiffres correspondent aux « éloignements effectifs à la sortie de centre de rétention administrative et aux mises à exécution des arrêtés ministériels d’expulsion », précise-t-on place Beauvau.

Cela n’inclut pas les personnes expulsées en raison de leur inscription au Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).

Une politique de lutte contre l’immigration irrégulière « inefficace »
Gérald Darmanin a choisi de communiquer sur ces chiffres le jour où la Cour des comptes étrille le gouvernement sur sa « politique de lutte contre l’immigration irrégulière ». Dans ce document, les rapporteurs ont jugé que l’administration gagnerait à recalibrer une stratégie pour l’heure « inefficace », qui repose surtout sur la délivrance massive d’Obligation de quitter le territoire français (OQTF).

En 2022, 153 042 mesures d’éloignement ont été prononcées, dont 134 280 OQTF. La même année, la France a expulsé 11 406 personnes, dont 7 214 « éloignements forcés ».

« Ce découplage entre le nombre de mesures d’éloignement prononcées et leur exécution effective démontre les difficultés de l’État à faire appliquer, y compris sous la contrainte, ses décisions particulièrement nombreuses », a observé la Cour des comptes, soulignant que « seule une petite minorité – autour de 10% – des OQTF sont exécutées ».

En la matière, « l’État peut mieux s’organiser », notamment en centralisant les demandes de laissez-passer consulaires nécessaires aux expulsions, a commenté jeudi lors d’une conférence de presse le premier président de la Cour, Pierre Moscovici. Celui-ci estime que la politique de lutte contre l’immigration irrégulière du gouvernement est globalement « déficiente » au regard des « moyens importants qui lui sont alloués », 1,8 milliard d’euros annuel.

« Menace à l’ordre public »
Depuis l’été 2022 – et une circulaire envoyée par le ministre de l’Intérieur aux préfets – les autorités concentrent leurs efforts en matière d’expulsions sur les profils présentant une « menace à l’ordre public » ou ayant été condamnés pénalement, une « priorisation pertinente », estiment les auteurs du rapport.

Mais sur ce point, des avocats et des associations dénoncent depuis des mois son caractère abusif. Un rapport inter-associatif paru en avril 2023 assure que le motif de « menace à l’ordre public » est devenu un « critère prépondérant » de placement en centre de rétention administrative (CRA), malgré « sa définition imprécise ».

Qu’est-ce qu’une « menace grave à l’ordre public » ? Il arrive que des personnes soient considérées comme représentant une menace à l’ordre public sur la base d’un signalement, sans condamnation pénale. Il suffit aussi que la personne soit connue des services de police pour une garde à vue ou une mise en examen, même s’il n’y a pas eu de poursuites, ou même si elle a été relaxée.

Certains cas frôlent l’absurde. Des préfectures ont considéré que la menace était caractérisée « pour des motifs manifestement dérisoires : regarder ‘suspicieusement’ autour de soi, cracher sur le trottoir, ralentir la circulation des voitures… », listaient les associations intervenant en CRA.

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