Les écrans sont devenus incontournables, limite envahissants, avec un risque réel de dépendance. Quand parle-t-on d’addiction aux écrans ? Quelles sont les addictions les plus fréquentes ? Comment soigne-t-on l’addiction aux écrans ? Les réponses, avec l’aide du Pr Michel Reynaud, chef du Département de Psychiatrie et Addictologie de l’hôpital Paul Brousse (Villejuif).
La dépendance aux écrans est majoritairement une addiction à internet, plus spécifiquement aux plaisirs qu’on y trouve : rencontres amoureuses, jeux vidéo en réseau, jeux d’argent… Un travail psychothérapeutique est nécessaire pour traiter cette addiction.
Dépendance aux écrans : qu’est-ce que c’est ?
Si je n’arrive pas à me séparer de mon smartphone ou de ma tablette, que je suis connecté(e) en permanence sur les réseaux sociaux et que la première chose que je fais le matin est de surfer…, cela veut-il dire que je suis dépendant aux écrans ? « Non! » répond d’emblée le Pr Michel Reynaud, Chef du Département de Psychiatrie et Addictologie de l’hôpital Paul Brousse (Villejuif).
« Aujourd’hui, c’est une norme pour les adolescents et les jeunes adultes de passer 4h par jour devant des écrans » souligne-t-il.
Pour parler d’addiction, plusieurs critères sont nécessaires :
- _Une perte de contrôle (le plaisir l’emporte sur la raison, le besoin l’emporte sur le désir) ;
- _Des conséquences nocives (problèmes sociaux et/ou sanitaires) ;
- _Et la souffrance de l’individu.
« L’addiction simple, à l’alcool, aux jeux d’argent par exemple, est l’envahissement des motivations d’un individu par un seul objet et ce, quelles qu’en soient les conséquences » définit le Pr Michel Reynaud.
« Ce que l’on nomme addiction aux écrans est une addiction plus complexe, comme peut l’être l’addiction sexuelle » expose l’addictologue. Il y a bien une dimension addictive (seul l’objet de l’addiction intéresse la personne) mais les conséquences néfastes sont moins nettes.
Par exemple, « il peut y avoir des difficultés avec le conjoint, avec la famille lorsqu’il y a addiction aux écrans » informe le Pr Reynaud. Soulignons que l’addiction aux écrans n’est pas reconnue médicalement parlant. « Se pose la question de classer dans les addictions sans drogue l’addiction à internet dans les classifications internationales » signale le Pr Reynaud. Qui dit addiction aux écrans exprime en effet le plus souvent une addiction secondaire à un plaisir apporté par l’internet.
Dépendance aux écrans : qui et pourquoi ?
« Internet amène tous les plaisirs que l’on peut souhaiter : sexe, rencontres amoureuses, jeux d’argent… Il y a tout ce qu’il faut pour accrocher » observe l’addictologue.
Les addicts à internet peuvent être regroupés en 5 catégories selon Young :
- _La dépendance à la cyber-sexualité ;
- _La dépendance à l’aspect interactif d’Internet (relations interpersonnelles majoritairement en ligne) ;
- _La dépendance à caractère monétaire (spéculation boursière…) ;
- _La dépendance à l’information ;
- _Et enfin la dépendance à l’ordinateur, aux jeux en ligne.
La connexion est un moyen de réaliser une autre addiction comportementale. « L’addiction aux écrans professionnels est reliée elle au phénomène du workaholism, l’envahissement par le travail. L’écran est juste le média, un parfait outil pour ne jamais décrocher du travail » indique le Pr Reynaud.
En France, la dépendance à internet est estimée entre 1 et 2%1. Des premières estimations datant de 2011 ont révélé que 3 à 5% des adolescents français seraient concernés par une addiction à internet². Aux États-Unis, ce taux de dépendance serait de 6%3 et en Chine, de 10%3. « En consultation d’addictologie, nous voyons surtout des gens de tous âges addicts à des sites de rencontre, des sites pornographiques, des jeux d’argent en ligne et des jeunes addicts aux jeux vidéo en ligne » précise le Pr Reynaud.
Bien dans son corps, bien dans sa tête !
Face à un problème d’addiction, le mieux est de se rendre dans une consultation d’addictologie spécialisée. L’addiction aux écrans fait l’objet du même traitement que les addictions reconnues médicalement, à savoir une psychothérapie comportementale.
Les bases de la thérapie ? Apprendre à analyser son comportement, minimiser les avantages, aider à trouver d’autres plaisirs, mais aussi travailler sur le « pourquoi » de ce comportement compulsif.
« Le contexte est très stimulant, nous aidons le patient à identifier quand ce comportement apparaît » explique l’addictologue. L’addiction étant une façon de gérer le stress, la thérapie s’intéresse aussi à l’état émotionnel en plus de faire un travail sur la consommation et le contexte de consommation. Cette psychothérapie permet de donner à la personne souffrant d’une addiction des stratégies pour gérer le stress et les relations avec autrui.
« Dans les centres spécialisés, nous pouvons en plus prescrire des médicaments utilisés dans le cadre d’autres addictions » ajoute le Pr Reynaud. L’objectif n’est pas d’arriver à l’abstinence mais à un usage contrôlé. La psychothérapie s’assortit d’un travail avec la famille, le conjoint, « celui-ci devant être plus soutenant que stressant » souligne le médecin.