Espagne : la Cour suprême juge illégal le renvoi de mineurs de Ceuta lors des arrivées massives de 2021

« Le Tribunal suprême confirme que l’expulsion de mineurs depuis Ceuta vers le Maroc en août 2021 était illégale ». Dans un communiqué publié lundi 22 janvier, la Cour suprême espagnole a épinglé l’État pour le renvoi de huit mineurs non accompagnés à l’été 2021.

En mai de cette même année, plus de 10 000 migrants sont arrivés à Ceuta, petite enclave située au nord du Maroc, en seulement deux jours.

Madrid avait accusé Rabat d’avoir laissé passer ces personnes, alors que la situation se cristallisait entre les deux pays, sur fond de crise au sujet de l’accueil en Espagne pour y être soigné du chef des indépendantistes sahraouis du Front Polisario.

Un jeune Marocain en pleurs, équipé de bouteilles en plastique en guise de flotteurs, débarque à Ceuta, en mai 2021. Crédit : Reuters
Un jeune Marocain en pleurs, équipé de bouteilles en plastique en guise de flotteurs, débarque à Ceuta, en mai 2021. Crédit : Reuters

 

À cette période, les autorités avaient entrepris de renvoyer au Maroc les mineurs par groupes de 15, déclenchant la polémique.

Des plaintes avaient immédiatement été déposées par plusieurs ONG qui exigeaient l’arrêt des expulsions. Les mineurs isolés étaient, en effet, ramenés au Maroc sans avoir eu accès à un avocat et sans avoir pu se faire entendre. 

« Non-respect absolu » de la loi

Dans sa décision, la Cour suprême, saisie en appel par l’État, estime que les autorités gouvernementales n’ont absolument pas respecté la loi espagnole qui prévoit notamment « une procédure administrative individuelle » et « l’intervention du parquet ». En clair, la Cour confirme l’arrêt du tribunal de justice d’Andalousie de juin 2022 qui avait jugé qu’il s’agissait d’une expulsion collective, interdite par la Convention européenne des droits de l’Homme.

Cette expulsion a été réalisée dans « le non-respect absolu » de la procédure établie par la loi sur l’immigration.

Selon les magistrats, ces jeunes Marocains se sont retrouvés face à un « risque sérieux de souffrir de dommages corporels ou psychiques » dans le cadre d’une « expulsion collective d’étrangers », indique le Tribunal suprême.

Cette décision, qui n’entraîne pas de sanctions mais devrait faire jurisprudence, fait suite à une procédure judiciaire contre la ville de Ceuta et la préfecture de l’enclave entamée en 2021 par une association locale de protection de mineurs et plusieurs jeunes Marocains.

Ceuta, l’une des seules voies gratuites pour les migrants

En août 2021, un tribunal de Ceuta avait déjà suspendu l’expulsion de 12 jeunes migrants arrivés en mai tandis qu’en 2022, les décisions d’instances judiciaires, d’un rang inférieur à celui du Tribunal suprême, avaient jugé ces expulsions illégales.

Le gouvernement de gauche espagnol a mis en avant, durant la procédure, un accord bilatéral de 2007 avec le Maroc sur le retour des mineurs et les « circonstances exceptionnelles » de l’arrivée massive de migrants en mai 2021 pour justifier ces expulsions.

Des arguments rejetés par la Cour suprême.

Des jeunes migrants entrent dans l'enclave espagnole de Ceuta, le 19 mai 2021. Crédit : EPA
Des jeunes migrants entrent dans l’enclave espagnole de Ceuta, le 19 mai 2021. Crédit : EPA

Ceuta est, avec la ville voisine de Melilla, une des deux enclaves espagnoles situées sur la côte nord du Maroc, les seules frontières terrestres de l’Union européenne sur le continent africain.

Ces enclaves constituent l’une des seules voies gratuites pour les migrants désirant rejoindre l’Europe, la traversée, hautement périlleuse, des clôtures ne dépendant pas de passeurs, contrairement aux voyages à travers la Méditerranée.

Le 24 juin 2022, 23 migrants africains ont péri lors de la tentative d’environ 2 000 personnes d’entrer par la force à Melilla.

Ces personnes ont trouvé la mort « dans des bousculades et en chutant de la clôture de fer », ont déclaré les autorités locales marocaines.

Les migrants ont aussi été la cible d’un acharnement des forces de l’ordre ce jour-là, comme l’ont révélé des images amateurs montrant des corps gisant à terre et des policiers distribuant des coups de matraques.

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