L’opposant nationaliste russe Igor Guirkine condamné à quatre ans de prison pour «extrémisme»

Ardent nationaliste et vétéran du front ukrainien en 2014, Igor Guirkine est devenu un détracteur du Kremlin. «Je sers la patrie», a-t-il proclamé à l’énoncé du verdict.

La justice russe a condamné jeudi à quatre ans d’emprisonnement Igor Guirkine, ardent nationaliste russe et vétéran des combats en Ukraine en 2014, soutien de l’offensive contre Kiev et devenu un détracteur du Kremlin. La Russie mène une vaste campagne de répression des critiques du Kremlin, mais c’est la première fois qu’une figure en vue de cette mouvance nationaliste est condamnée.

Une juge du tribunal municipal de Moscou a reconnu l’accusé coupable «d’appels publics à commettre des actions extrémistes» et l’a condamné à purger sa peine dans un camp à «régime ordinaire», selon une correspondante de l’AFP à l’audience. «Je sers la Patrie !», a réagi Igor Guirkine, vêtu entièrement de noir et depuis la cage en verre réservée aux accusés, entourée de policiers cagoulés et portant des gilets par balle.

Plusieurs dizaines de ses soutiens étaient présents, certains portant des symboles patriotiques russes et anti-ukrainiens.

 «Liberté pour Strelkov !», le nom de guerre d’Igor Guirkine, a scandé plusieurs fois la foule. «Tout le monde a gagné, sauf les Russes !», ont lancé d’autres personnes. Son avocat a annoncé qu’il fera appel. «L’accusation est totalement absurde, mon mari est un héros du Printemps russe», nom donné par les prorusses au soulèvement séparatiste en Ukraine de 2014, a déclaré sa femme, Miroslava, après l’audience.

Trois militants du parti «Autre Russie», crée par l’écrivain Edouard Limonov (1943-2020), ont été interpellés par la police devant le tribunal après l’audience pour avoir manifesté leur soutien au condamné, ont constaté des journalistes de l’AFP. Au moins l’un d’entre eux tenait une affichette barrée du slogan «Liberté pour Strelkov».

Soutien de l’offensive russe en Ukraine

Populaire sur les réseaux sociaux, il est un soutien de l’offensive russe contre Kiev, lancée en février 2022, mais a dénoncé pendant des mois l’incompétence, selon lui, des autorités russes. Sur son compte Telegram, il est allé plus loin que d’autres nationalistes russes en allant jusqu’à critiquer le président Vladimir Poutine lui-même, quand d’autres ciblaient ministres et généraux.

Cette condamnation à une peine de prison ferme est la première visant la mouvance nationaliste russe, mais elle s’inscrit dans une vaste campagne de répression visant tous les détracteurs du Kremlin et de son offensive en Ukraine.

Guirkine avait été arrêté en juillet, un mois après la rébellion avortée d’un autre critique virulent de l’état-major russe, le chef du groupe Wagner, Evguéni Prigojine, tué depuis dans l’explosion de son avion, présentée comme un accident par le Kremlin.

Le Parquet avait requis 4 ans et 11 mois de camp à son encontre, lors d’un procès qui s’est tenu entièrement à huis clos. Les blogueurs nationalistes sont parmi les rares en Russie à pouvoir encore critiquer les autorités, du moment qu’ils ne franchissent pas certaines lignes rouges.

Dans l’un de ses derniers messages avant son arrestation, Igor Guirkine attaquait, sans le nommer, Vladimir Poutine. Il affirmait qu’un «minable» dirigeait la Russie et qu’elle ne supporterait pas «six années de plus de ce lâche au pouvoir».

Condamné aux Pays-Bas

Il avait aussi annoncé fin août, depuis sa prison, son intention d’être candidat à l’élection présidentielle de mars prochain, pour remplacer le président russe. Igor Guirkine, 53 ans, s’était fait connaître au printemps 2014 en devenant le plus médiatique et l’un des plus influents chefs militaires des séparatistes qui avaient pris les armes à l’instigation de la Russie dans l’est de l’Ukraine.

Ancien colonel du FSB, les services de renseignement russe, il avait organisé les premières milices armées et gouverné d’une main de fer le bastion séparatiste de Sloviansk, occupant ensuite le poste de ministre de la Défense de la république autoproclamée de Donetsk.

Dès août 2014, il avait annoncé sa démission dans des conditions mystérieuses, avant de revenir en Russie où il avait perdu toute influence jusqu’à l’offensive russe contre l’Ukraine en février 2022, qui lui avait permis de revenir en grâce temporairement.

Sur Telegram, il critiquait durement la façon dont étaient menées les opérations des troupes russes et prédisait la nécessité d’une mobilisation militaire générale, ce à quoi Moscou se refuse. Igor Guirkine était toutefois resté à l’écart de la mutinerie du groupe Wagner, la condamnant tout en critiquant les services de sécurité russes pour ne pas l’avoir anticipée.

Mi-novembre 2022, la justice néerlandaise l’a condamné par contumace à la perpétuité pour meurtre et pour avoir joué un rôle dans la destruction, au-dessus de l’est de l’Ukraine, du vol MH17 de la Malaysia Airlines en 2014 qui avait fait 298 morts.

lefigaro

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