Mercredi, la justice italienne a condamné un Turc de 29 ans à 20 ans de prison pour sa responsabilité dans le naufrage de Cutro, au large de la Calabre qui a fait au moins 94 morts le 26 février 2023. L’homme a également été condamné à une amende de trois millions d’euros et à verser des dommages et intérêts aux parties civiles.
Un tribunal italien a condamné mercredi 7 février à 20 ans de prison un passeur turc impliqué dans un naufrage qui a causé la mort d’au moins 94 migrants dont une trentaine d’enfants, le 26 février 2023, au large de la Calabre.
Le tribunal de Crotone (dans le sud de l’Italie) a reconnu Gun Ufuk, 29 ans, coupable d’avoir provoqué le naufrage de ce navire, appelé « Summer Love », et d’avoir participé à un réseau d’immigration clandestine.
L’homme a également été condamné à une amende de trois millions d’euros et à verser des dommages et intérêts aux parties civiles.
Gun Ufuk était l’un des quatre trafiquants d’êtres humains présumés à bord du navire de migrants.
Le bateau, parti de Turquie le 23 février, transportait entre 120 et 200 personnes, majoritairement originaires d’Afghanistan, d’Iran et du Pakistan.
Ce jour-là, le « Summer Love » s’est brisé sur un banc de sable à quelques mètres de la côte, plongeant ses occupants dans les eaux glacées d’une mer très agitée.
Un passeur présumé a péri dans le naufrage, tandis que deux autres ont comparu en justice.
Un accusé qui se défend d’être le pilote mais le mécanicien
Gun Ufuk a affirmé au tribunal mercredi qu’il n’avait été engagé que pour être le mécanicien à bord, pas le pilote. « J’ai dû fuir la Turquie pour des raisons politiques », a-t-il déclaré au tribunal, affirmant qu’il avait été emprisonné pour avoir critiqué le président turc Recep Tayyip Erdogan.
Après ce naufrage, la Première ministre italienne d’extrême droite Giorgia Meloni avait promis de se montrer plus sévère envers les passeurs.
Chose faite avec le décret Cutro 1 promulgué en mai 2023 suite au drame. Le texte introduisait un nouveau type de délit : celui de « morts et blessures dues au trafic de migrants clandestins ». Les peines visant les passeurs peuvent désormais aller jusqu’à 30 ans de prison ferme. Le décret prévoyait aussi de faciliter les expulsions et de réduire les droits des demandeurs d’asile.
Ce naufrage est l’un des pires de la décennie. « En Italie, on n’avait pas vu quelque chose comme ça depuis le 3 octobre 2013 », a déclaré à InfoMigrants Sara Prestianni, chargée du programme « migration et asile » au sein de l’ONG EuroMed Rights.
« Pas d’intérêt particulier »
Depuis, l’enquête continue pour comprendre ce qu’il s’est exactement passé ce jour-là. Le 30 janvier 2024, le media Euractiv a révélé – en consultant le rapport d’incident de l’agence européenne de surveillance des frontières – que pour les autorités italiennes, présentes au siège de Frontex à Varsovie la nuit du drame, la situation ne présentait pas « d’intérêt particulier ».
Le rôle et les agissements des autorités italiennes ont souvent été questionnées.
En juin 2023, une enquête menée par Le Monde, Lighthouse Reports, El Pais, Sky News, Domani et Süddeutsche Zeitung avait déjà révélé que les autorités de Rome n’avaient pas porté assistance au bateau surchargé. « Dès le 25 février, soit la veille du naufrage, Rome avait connaissance d’éléments qui auraient dû conduire au déclenchement des secours », écrit le Monde dans son papier explicatif.
Des images reçues quelques jours après le drame par InfoMigrants montrent que le bateau était bien surchargé.
Des femmes et des enfants sont entassés à l’intérieur, sur les escaliers et sous le pont. On y voit aussi un père de famille, Massum, filmant son garçon de sept ans, Muzamel, quelques heures avant le naufrage. Aucun d’eux ne survivra.
La crise migratoire est un sujet très sensible en Italie, premier pays d’entrée des migrants en Union européenne via la Méditerranée. Rome reproche à ses voisins européens son manque de solidarité. Selon le ministère italien de l’Intérieur, 157 652 personnes ont débarqué sur les côtes italiennes en 2023, contre 105 131 en 2022.
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