Dix mois après l’éclatement du conflit au Soudan qui a plongé ce pays d’Afrique du Nord-Est dans « une crise humanitaire aux proportions épiques », les agences humanitaires font face à des obstacles bureaucratiques pour acheminer l’aide, a alerté mardi l’agence sanitaire mondiale de l’ONU.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’insécurité et les obstacles bureaucratiques continuent d’entraver l’accès à l’aide humanitaire.
Cette alerte de l’agence onusienne basée à Genève intervient alors que « la population soudanaise est confrontée à une situation de vie ou de mort en raison de la violence persistante, de l’insécurité et de l’accès limité aux services de santé et aux fournitures essentielles ».
Des zones auparavant sûres comme Wad Madani sont désormais considérées comme « difficiles d’accès ».
Plus de 10.000 cas de choléra
Les régions qui en ont le plus besoin, comme le Darfour et le Kordofan, sont celles qui sont les moins accessibles.
« Nous sommes prêts à fournir des services de santé et des fournitures vitales. Mais pour cela, nous avons besoin d’un accès sûr et sans entrave », a déclaré en direct depuis la capitale égyptienne (Caire) lors d’une conférence de presse régulière de l’ONU à Genève, Peter Graaff, le Représentant par intérim de l’OMS au Soudan.
Comme pour aggraver les choses, l’OMS indique avoir vérifié une soixantaine d’attaques contre les soins de santé qui ont fait 38 morts et 45 blessés depuis le 15 avril 2023. Ces attaques visaient des établissements de santé, des biens sanitaires, des moyens de transport, des agents de santé et des patients.
Dans les zones touchées par les conflits, 70 à 80 % des établissements de santé ne fonctionnent pas, ce qui limite considérablement – voire empêche – l’accès aux soins de santé pour des millions de Soudanais piégés dans des zones de guerre ou déplacés. Des fournitures suffisantes pour traiter plus de 20.000 patients ont été ainsi distribuées dans 16 des 18 États du Soudan et des fournitures ont été prépositionnées dans 3 États.
D’autres distributions sont prévues.
Une situation qui conduit le Soudan dans « une véritable tempête », avec un système de santé à peine fonctionnel, un programme de vaccination des enfants en panne et une propagation des maladies infectieuses. Plus de 10.500 cas de choléra dont 290 décès ont été signalés 11 des 18 États du Soudan.
Atteindre des zones jusque-là inaccessibles
Des campagnes de vaccination orale contre le choléra ont été menées dans les États d’Al Gezira, de Gedaref et de Khartoum, protégeant plus de 2,2 millions de personnes. Une autre campagne de vaccination orale est en cours, ciblant 1,9 million de personnes dans les localités prioritaires des États de la mer Rouge, de Kassala et du Nil blanc.
De plus, 5.000 cas de rougeole, environ 8.000 cas de dengue et plus de 1,2 million de cas cliniques de paludisme ont été recensés.
Sur le terrain, l’OMS intensifie ses activités sur le terrain, y compris dans les zones accessibles en toute sécurité et dans le cadre d’opérations transfrontalières, afin d’apporter une réponse aux situations d’urgence sanitaire. L’objectif est de lutter contre les épidémies, d’assurer la surveillance des maladies et de fournir des fournitures et du matériel médical indispensables à la survie.
Il s’agit notamment de lancer de solides opérations transfrontalières pour atteindre des zones jusque-là inaccessibles au Darfour et au Kordofan, où les besoins sont les plus importants.
200.000 enfants souffriront d’une faim potentiellement mortelle
« En ce moment même, nos équipes livrent 58 tonnes de fournitures médicales, y compris des fournitures sanitaires d’urgence, des fournitures pour la prise en charge des maladies chroniques, des blessures et des interventions chirurgicales d’urgence, qui permettront de répondre aux besoins sanitaires de 338.000 personnes », a ajouté le Dr Graaff.
Au total, l’OMS a livré 1.750 tonnes de fournitures au Soudan.
Par ailleurs, avec l’extension des combats dans de nouvelles zones, les civils continuent d’être déplacés en masse, certains à plusieurs reprises. Le Soudan est aujourd’hui la plus grande crise de déplacement au monde avec 8 millions de personnes déplacées en raison du conflit en cours, 6,1 millions à l’intérieur du pays et 1,8 million dans les pays voisins.
« J’ai été le témoin direct de ces déplacements à l’intérieur du Soudan et dans le Tchad voisin. Ce que j’ai vu est alarmant et déchirant », a indiqué le Dr Graaff.
Environ 25 millions de Soudanais ont besoin d’une aide humanitaire et 18 millions d’entre eux sont confrontés à une faim aiguë et 5 millions sont en situation d’urgence.
« On craint que la prochaine période de soudure n’entraîne des niveaux de faim catastrophiques dans les régions les plus touchées », a conclu le Représentant par intérim de l’OMS, relevant qu’au Darfour, l’Agence onusienne prévoit que « 200.000 enfants souffriront cette année d’une faim potentiellement mortelle ».
UN News.