Planter des haies, oui « mais comment on valorise cet effort ? » Des agriculteurs bretons entendent développer une filière locale d’approvisionnement de chaufferies au bois provenant de l’entretien de leurs haies, atout essentiel de préservation de l’environnement.
« En tant qu’agriculteurs, on a des obligations de replanter des haies », en particulier pour la protection des nappes phréatiques, explique Frédéric Chevalier, élu à la chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine.
« Oui, on va planter. Mais comment on valorise cet effort ? Comment en dégager une rémunération ? », interroge l’agriculteur lors d’une visite à Montfort-sur-Meu (Ille-et-Vilaine) dans une ferme engagée dans cette démarche.
D’où l’idée d’élargir la filière, du producteur au consommateur, pour cette énergie renouvelable. « Les haies doivent être entretenues régulièrement. Une fois broyé, ce bois de bocage alimente des chaufferies » de particuliers mais aussi d’entreprises, illustre Denis Bertrand, agriculteur et président d’un Groupe d’intérêt économique (GIE) qui broie et commercialise ce bois.
« On emmène la broyeuse au champ et on déchiquète sur place.
Si c’est pour des chaufferies (industrielles), les plus gros morceaux seront de la taille d’un paquet de cigarettes. Si c’est pour un particulier, il faudra être plus qualitatif », avec des éléments plus fins, développe M. Bertrand dont la structure de mutualisation du matériel rassemble une douzaine d’agriculteurs.
Créé en 2011, le collectif Bois Energie d’Ille-et-Vilaine (CBB) commercialise actuellement de son côté 9.000 tonnes de bois, avec 42 agriculteurs, et cherche à recruter de nouveaux producteurs. « On accompagne les agriculteurs, on planifie les coupes et on leur achète la matière. On peut l’acheter coupée mais on peut aussi l’acheter sur pied et réaliser l’intégralité du chantier, ce qui est le cas avec 60% de nos partenaires », présente Pierric Cordouen, permanent du CBB.
Actuellement, « 90% du bois de bocage est utilisé pour des chaufferies, le reste sert à fabriquer du paillage », précise Denis Bertrand.
– Tout « doit repousser »
« Tout ce qu’on coupe doit repousser ». Il s’agit de « garantir au client une gestion durable » du bois acheté, souligne Pierric Cordouen. « C’est le seul moyen de permettre la permanence des paysages, peut-être même de permettre le +réembocagement+ » favorable au climat. Mais « ça demande du temps », souligne-t-il.
De plus, « on cherche à se rapprocher toujours au plus près du consommateur: ça coûte moins cher et c’est plus logique », souligne-t-il.
Reste la question de la rémunération du service rendu. Actuellement, le bois, bénéficiant d’une labellisation « haies bocagères » en vertu d’un cahier des charges spécifique, est acheté à l’agriculteur 60 euros la tonne, contre 51 pour du bois standard.
« Ca reste quand même mal rémunéré » au regard du travail demandé, considère Edwige Kerboriou. Etablie à Plouzélambre, non loin de Lannion (Côtes d’Armor), sa ferme est située dans ce pays du Trégor où, rappelle-t-elle, « les parcelles sont très petites », avec beaucoup de haies, car le secteur a échappé au remembrement.
« Il y a plein d’agriculteurs qui sont prêts à aller vers des pratiques vertueuses mais c’est à nos dirigeants d’assurer le financement », notamment par une répartition adaptée de l’enveloppe des aides européennes à travers la Politique agricole commune (PAC), fait valoir Frédéric Chevalier.
En matière agricole, la France perçoit plus de 9 milliards d’euros par an de l’UE (9,5 en 2022). Mais 80% de cette enveloppe va à 20% des agriculteurs.
Les clients trouvent aussi leur compte dans cette énergie locale. Chauffé au fioul pendant des années, le siège de la congrégation des Petites soeurs des pauvres, à Saint-Pern, près de Rennes, est « passé au bois en septembre 2021 ». « On a conclu des contrats avec des fournisseurs locaux, dont le CCB », explique à l’AFP soeur Catherine, économe générale. « Le bilan est très positif », assure-t-elle.
Les bâtiments sont immenses: une grande chapelle « chauffée », 80 résidents à temps plein, dont près de la moitié en Ehpad, mais parfois une centaine au total « en période de formation ».
« On recommence même à planter un peu de haies chaque année » sur les 90 hectares du site, se félicite la religieuse.
afp